Ce qui est sûr, c’est qu’en discutant avec Betty Seroussi, vous voyagerez. À travers les opportunités. À travers les crises aussi parfois. À travers les idées surtout. Son voyage professionnel débute en 1985. Betty Seroussi remplace un congé maternité au sein d’une agence de voyages. « À l’époque, j’ai 24 ans et j’adore l’expérience. » La propriétaire lui propose de prendre une location gérance. « Je refuse puis pars en vacances à Vittel dans un Club Med. Là-bas, je rencontre une jeune femme qui est à la tête d’une agence à Paris et qui me propose de rester en contact avec moi une fois les vacances terminées. » Quelques jours passent et le coup de fil tombe : « Un homme de Havas voyage m’appelle et me dit “on m’a dit que vous vouliez monter une agence Havas voyage”. » C’est ainsi que naît Betty Voyage « avec zéro euro et un prêt en banque ».

« L’histoire de ma vie a commencé par un concours de circonstances qui fait que je ne me suis jamais démontée. » Betty Seroussi n’était pourtant pas destinée à faire carrière dans ce secteur. Ce qui l’attendait à la sortie du lycée : le journalisme. « J’ai toujours été férue de voyage et j’ai toujours été très curieuse. » Son ambition : grand reporter. « J’ai cru que ma mère allait s’écrouler », se souvient-elle. Betty Seroussi abandonne cette idée pour préserver ses parents et se dirige vers le tourisme. Le bon choix puisque, glisse-t-elle, « on m’a proposé tout de suite des jobs, j’ai toujours eu ce que je voulais. »

S’adapter en toutes circonstances

Enfin, pas tout à fait… En 2001, Betty Voyage est impactée par le 11 Septembre et l’arrivée d’internet. S’en suivent la crise des subprimes de 2008 puis le printemps arabe. « Je me suis dit que j’allais tout laisser tomber. » Betty Voyage se tourne alors progressivement vers les voyages d'affaires et abandonne définitivement le loisir en 2014. L’agence se développe sa propre plateforme informatique, connectée en direct au opérateurs de transports et d’hébergements, qui permet de gérer les déplacements des collaborateurs d’une entreprise. « Je commence à répondre à des appels d'offres dans la France entière car nous sommes enfin en billets dématérialisés. »

L’entreprise remporte un appel d’offres d’un groupement d’universités et instituts de recherches. D’appel d’offres en appel d’offres, Travel planet passe de 7 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014 à 35 millions en 2015 puis 60 millions en moins de deux ans.« On a eu de vrais moments de solitude mais je ne suis pas du genre à baisser les bras et à laisser passer les opportunités. »

Betty Seroussi s’adapte et avance de décision en décision. « De vrais échecs, nous n’en avons pas eus. » Des moments difficiles, en revanche, oui. Avant le Covid-19, Travel Planet se spécialise à 100 % dans le voyage d’affaires. Elle pense alors : « Génial, les voyageurs d’affaires n’arrêteront jamais de se déplacer peu importe les crises. » Mais un nouvel événement imprévu vient impacter ses certitudes. Le 16 mars 2020, le président de la République annonce le début du confinement. « Je dis à mon mari que cela va toucher le tourisme mais qu’ils ne pourront pas clouer les avions au sol. » Le 20 mars 2020, le chiffre d’affaires de Travel Planet dégringole et passe négatif d’un million d’euros. « Tout s’arrête, plus d’avions, plus de trains, plus d’hôtels… » Le “vrai stress anxiogène” l'envahit alors, la “prend au ventre”.

Betty Seroussi souhaite se faire une place dans le milieu ferroviaire

Le prêt garanti par l’Etat lui permet de garder la tête hors de l’eau mais ce n’est pas suffisant. Alors, comme à chaque fois, elle se réinvente. « J’ai pensé qu’il fallait finaliser notre technologie et la proposer à de petits groupements d’agences sous forme de licence », explique-t-elle. « Si on perd 20 à 30 % de business sur les déplacements professionnels, nous aurons au moins cette deuxième casquette. » Pari gagnant. En 2021, l’outil est prêt.

« A ce moment-là, les confinements se succèdent. Je décide donc de répondre à des appels d’offres en tant qu’éditeur. Dans le même temps, la SNCF est à la recherche d’un logiciel pour ses agences européennes. On est retenus ! » Le 1er janvier 2022, Travel Planet devient également éditeur de solutions, ce qui représente 20 % de son activité, et vit “une deuxième hypercroissance”. « Cette nouvelle casquette nous apporte également des clients que l’on n’aurait peut-être jamais gagnés autrement. » Avec cette nouvelle collaboration, Betty Seroussi espère maintenant se faire une place dans le milieu ferroviaire européen. « Il s’agit également d’une bonne introduction au voyage green. »

En attendant de pouvoir obtenir de nouveaux appels d’offres, Betty Seroussi passe “50 % de [son] temps” à mettre en avant son entreprise. Au mois de novembre 2023, la cheffe d’entreprise a été élue co-présidente de la French Tech Côte d’Azur. C’est pour soutenir le développement des projets les plus prometteurs de la région au niveau national et pour promouvoir l’entrepreneuriat auprès des jeunes femmes qu’elle a accepté ce poste. « J’ai été la première signataire du pacte parité. Je veux pouvoir leur dire “les filles vous êtes aussi bien que les garçons”. J’espère que tout cela pourra faire boule de neige. J’aimerais qu’à l’ère de ma petite-fille, on ne se pose plus ce genre de question et qu’on ne fasse plus d’interview à ce sujet. »