Valises presque bouclées, Jeanne passe une dernière fois au siège lyonnais rencontrer son directeur commercial, Samuel, avant de rejoindre la filiale britannique pour une durée de 3 ans. À la fin du rendez-vous, elle lui glisse une dernière petite question a priori anodine : « tu penseras à me dire quelle imposition je supporterai lorsque j’exercerai l’année prochaine mes BSPCE et vendrai mes actions ? ». Cette question nécessite en pratique une analyse fine.

En préambule, il conviendra de se pencher sur la date exacte de la prise de résidence fiscale au Royaume-Uni. Le mari de Jeanne la rejoignant avec ses deux enfants mineurs à la fin de la scolarité en juillet prochain, Il faudra vérifier auprès de conseils français et britanniques la date exacte de prise de résidence fiscale britannique de Jeanne et de son mari. En effet, les administrations fiscales n’apprécient guère les situations d’apatrides fiscaux ou de couples qualifiés de « couples mixtes », l’un étant résident britannique et l’autre résident français. Un suivi des déclarations des revenus effectuées tant en France qu’au Royaume-Uni sera également nécessaire afin d’assurer une cohérence sur la position fiscale retenue et la défendre en cas de questions des autorités fiscales des deux pays.

Ensuite, une revue de la documentation contractuelle (notamment les lettres d’attribution et les plans de BSPCE) s’imposera.

Lorsque les BSPCE sont attribués en rémunération de service futurs, la revue de la documentation contractuelle visera à déterminer la période dite « de référence » qui court de la date d’attribution des bons (« grant ») à la date à laquelle le salarié a définitivement acquis le droit à exercer le bon (« vest »), peu importe qu’il ne puisse pas les exercer tout de suite.

Cette étape peut s’avérer complexe car les plans peuvent certes prévoir le cas simple d’un droit d’exercer 100 % de bons en cas de présence du salarié un an après l’attribution de ces bons mais aussi des cas un peu plus complexes avec des droits acquis à exercer par tranche (25 % au bout d’un an, et le solde en % mensuel) et/ou d’autres conditions que la seule présence du salarié. Dans ces hypothèses plus complexes, nous serons en présence de plusieurs périodes de référence pour un même plan.

Une fois cette ou ces périodes de référence déterminées, en présence d’un contribuable en situation de mobilité internationale, la seconde étape consistera à effectuer un sourcing du gain d‘exercice (différence entre la valeur des actions au jour de l’exercice des bons et le prix d’acquisition des actons) c’est-à-dire réaliser un décompte des jours passés en France et à l’étranger (en pratique, prise en compte des périodes de résidence fiscale en France et à l’étranger sauf exceptions). Il permettra de déterminer le pourcentage du gain d’exercice taxable en France et à l’étranger.

En France, le fait générateur de l’imposition du gain d’exercice de source française est constitué par la cession des actions. La société reportera ce gain sur le formulaire n°2494-BIS-SD à déposer du Service des Impôts des Entreprises de son siège au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil au cours quel duquel a lieu le paiement et acquittera les impositions dues (12,80 %, 19 % ou 30 %). Toutefois, il faudra s’assurer que les autorités fiscales du nouvel état de résidence partagent la même vision de la période de référence, du sourcing, du fait générateur (au moment de l’exercice ou de la cession des actions ?) ainsi que des modalités d’élimination d’une éventuelle double imposition.

La troisième étape consistera à déterminer les modalités d’imposition de la plus-value de cession (différence entre le prix de cession des actions et la valeur des actions au jour de l’exercice) en France et dans le nouvel état de résidence en application des dispositions de droit interne des deux pays et des dispositions des conventions fiscales internationales.

Enfin, si les bons ont été exercés avant le départ mais n’ont pas encore été cédés, la problématique de l’Exit-Tax devra être regardée en ce qui concerne le gain de cession latent. Le gain d’acquisition réalisé avant le départ n’est, pour sa part, pas inclus dans l’assiette de l’Exit-Tax.

Samuel relève subitement la tête pour s’adresser à Jeanne mais elle a déjà quitté le bureau, il n’a même pas entendu son « à bientôt ». Il esquisse toutefois un sourire, Jeanne a en effet oublié de lui poser une question sur l’imposition des actions gratuites qui vesteront (transfert de propriété des actions) l’année prochaine … Il ne doute pas qu’elle lui en parlera prochainement.