Pour tous, au départ, il y a une idée. Les chemins pour en faire une réalité divergent ensuite. Pour les uns, l’entrepreneuriat classique s’impose avec l’ambition d’être son propre patron. Pour les autres, la sécurité d’un emploi stable, d’un salarie garanti et une entreprise ouverte à l’innovation conduisent plutôt à l’intrapreneuriat. Sophie Sala est de cette seconde catégorie. Salariée depuis plus de 10 ans à l’AFNOR, elle gérait les relations avec 2 000 sous-traitants dans le cadre des certifications de l’association de normalisation. « J’assurais le recrutement et la gestion des compétences nécessaires à la certification en fonction des besoins du marché », explique-t-elle.

Un jour, la responsable du centre de ressources de l’AFNOR envisage une autre approche. « Les entreprises ont besoin de compétences externes pour réaliser un diagnostic et préparer au mieux un audit de certification pour une norme. » En parallèle, les problématiques de recrutement encouragent les entreprises à se tourner vers des travailleurs indépendants pour palier à un besoin en compétences. « A la suite d’un départ à la retraite, un client ne trouvait personne pour le remplacer donc nous avons proposé l’intervention d’un expert quelques jours par mois pour maintenir le niveau de qualité et garder la certification. » BAO, pour Bouche à Oreille, voyait ainsi le jour.

De l’idée d’intraprendre à la solution concrète

Sophie Sala choisit de rester au sein de l’AFNOR pour développer son idée. « Je trouvais intéressant de faire un pas de côté par rapport à mon emploi. J’ai pu faire de l’intrapreneuriat pour me consacrer à BAO sans perdre mon emploi. » Entre avril 2022 et avril 2023, elle est incubée à Paris and Co pour valider l’attractivité de son offre et chaque hypothèse auprès des cibles clients mais aussi des experts concernés. Elle lance ensuite une expérimentation grandeur nature de neuf mois pour présenter des garanties de succès à sa direction avant le démarrage officiel de BAO en janvier 2024 en s’appuyant sur les compétences disponibles à l’AFNOR. « Il y a eu un gros travail d’explications aux différents services mais j’ai rencontré un certain engouement pour cette nouvelle dynamique même s’il y a eu quelques septiques. »

Au sein du groupe Vinci, Jérémy Sucret, chef de service travaux au sein de la filiale chargée de la dépollution chimique et pyrotechnique, a lui aussi fait le choix de l’intrapreneuriat comme une centaine de salariés du groupe depuis 2017. Pendant quatre mois, l’ingénieur a rejoint l’incubateur de la filiale Léonard, sa filiale dédiée à l’innovation et la prospective, pour structurer l’idée qu’il avait expérimentée sur le chantier du Grand Paris Express. « Un chantier de cette envergure pose le problème du stockage des terres extraites et du délai d’analyse pour leur traçabilité. Pour accélérer le processus et faciliter la vie du chantier tout en réduisant l’impact environnemental du transport de la terre, nous avons réduit le temps d’analyse de cinq jours à quatre heures. » Intégré au chantier, le concept de QSA, Quick Soil Analysis, pour l’analyse rapide des terres, avait sa preuve de concept avant de rejoindre l’incubateur du groupe. « Nous avons développé une activité, définit un modèle économique, fait l’étude de marché et structuré l’activité pour qu’elle devienne une business unit à part entière. »

Si c'était à refaire...

De l’avis des deux intrapreneurs, cette expérience a transformé leur quotidien. « On y gagne une ouverture d’esprit sur le monde de l’entreprise et de l’innovation, un champ des possibles auquel on n’est pas confronté au quotidien », souligne Jérémy Sucret qui a vu évoluer son propre état d’esprit tandis qu’il s’enrichissait de nouvelles compétences et capacités. L’ingénieur est ainsi devenu gestionnaire de budget, soucieux des questions de marketing ou encore de communication. « Cette expérience a changé ma gestion des incertitudes et m’a permis de faire un autre métier. C’est toutefois un risque car j’ai perdu un poste identifié et stratégique », complète Sophie Sala.

Et si leurs idées n’avaient pas abouties, les deux intrapreneurs retiennent là encore le positif de l’expérience. « J’aurais sans doute eu d’autres aspirations, envie de faire évoluer mon poste car j’ai goûté à quelque chose de nouveau », explique Jérémy Sucret. Sophie Sala garde en tête ce qu’elle a appris, tant sur elle-même que son rapport au travail. Alors que le groupe Vinci s’appuie sur Léonard pour encourager l’intrapreneuriat, Sophie Sala espère de son côté contribuer à développer le processus au sein de l’AFNOR. Si c'était à refaire, ils recommenceraient !