Le secteur de la santé numérique est en difficulté : on compte 50 Medtechs de moins en 2023 par rapport à l’année précédente, pour s’établir à 1393. Plus spécifiquement, elles sont 450 en numérique en santé et intelligence artificielle, selon le Panorama France Healthtech 2023 de France Biotech. Les startups manquent aussi de financement notamment au moment de l’amorçage et des tours A et B. 46% des jeunes pousses de la e-santé sont pessimistes quant à leur viabilité. 

Pourtant les enjeux autour de ce secteur sont très importants. Pierre Dubreuil, directeur de projets à la délégation numérique en santé au sein du ministère de la Santé le souligne : « On doit passer d’une médecine curative à une médecine préventive. Nous devons faire beaucoup plus de prévention. » L’IA est bien l’une des technologies de rupture dont la e-santé pourra vraiment tirer profit. Et commence à le faire. Le nombre d’entreprises en numérique en santé et en IA a augmenté de 50 par rapport à 2022.

Mais pour en faire des géants français et européens, il faut s’y pencher dès le berceau. Développer une entreprise dans la santé nécessite du temps — les phases d’essais cliniques et de marquage CE peuvent prendre plusieurs années —, de l’argent pour soutenir la R&D mais surtout des contacts avec des médecins qui pratiquent aujourd’hui aux urgences, dans les hôpitaux, en cabinet… Des contacts avec le terrain.

Un manque de connexion entre les acteurs de la santé et les entrepreneurs

C’est ce qui manquerait aujourd’hui cruellement aux entrepreneurs du secteur. « Je suis le seul entrepreneur santé dans mon incubateur, Redstart, si j’ai une question clinique personne ne peut me répondre », raconte Guillaume Pétriat, fondateur et directeur général d’Inn’Pulse. Inn’Pulse développe un défibrillateur miniaturisé que chacun pourra associer à son smartphone.

Gabriel Eleuterio, fondateur de Digi’Skin, qui vise à développer des capteurs pour redonner de la sensorialité aux patients ayant notamment subi une amputation, renchérit : « Cela fait 3 ans que j’essaye de rentrer en contact avec des hôpitaux. Cela commence à peine à se débloquer depuis 6 mois. » Inn’Pulse et Digi’Skin font partie de la nouvelle cohorte du programme d’accélération Hiit. 

Le programme Hiit, à l’initiative du Digital Medical Hub, spin-off de l’AP-HP et de la French Tech Grand Paris, est destiné à accompagner les projets dans leur développement et vise à résoudre ce problème. Hiit pour Health Innovation Intense Training est mené en partenariat avec trois lieux majeurs : l’Hôtel Dieu, Future4Care et Paris Santé Campus. À travers deux sessions de trois jours, le programme met face à face les entrepreneurs et leurs produits avec le terrain grâce aux médecins, mais aussi aux investisseurs et experts de la régulation. 

Pour Lucas Thiery, fondateur du Digital Medical Hub et de Medintechs, les objectifs sont colossaux. « La non-maîtrise de la R&D et de l’investissement, c’est synonyme de non-maîtrise de la prescription pour les patients. Et donc l’absence de souveraineté au niveau européen, au niveau des pays de l’Otan et même au niveau national. » En bout de chaîne, ce sont bien les enjeux géopolitiques qui dominent. « Le sujet avec le numérique, c’est la donnée. Si les données sont hébergées à l’étranger, on ne peut pas les récupérer et cela peut mettre en danger les patients », poursuit Lucas Thiery. 

Un fort besoin de financement 

Côté financement, France Biotech prend le sujet à bras le corps cette année. « Sur 2024, la feuille de route de France Biotech s’attachera, en plus des autres axes stratégiques, à travailler spécifiquement sur les enjeux de financements sur l’ensemble de la chaîne de valeur, sur les impacts et les défis sociétaux et environnementaux de notre secteur, notamment dans la perspective de la réindustrialisation de nos territoires stimulée par le Plan Innovation Santé France 2030 », explique Franck Mouthon, président de France Biotech. 

L’association, qui représente les acteurs de la Healthtech, vient d’ailleurs de s’associer avec la Banque Populaire pour un partenariat exclusif. Avec pour objectif de rendre accessible les solutions de financement à la Healthtech. Bpifrance est également en soutien de la Healthtech française : en 2023, sa contribution au financement de la filière santé s’élève à près d’1,2 milliard d’euros, un montant en hausse par rapport à l’an passé.