Raconter l’histoire de makesense, c’est d’une certaine façon raconter aussi l’émergence de l’entrepreneuriat social en France. Quand la communauté makesense est fondée en 2010, c’est l’émergence de nombreux sujets qui sont aujourd’hui très visibles : de la transformation écologique des entreprises, au besoin d’entreprendre autrement, en passant par les entreprises à mission.

« Quand makesense est né, on a défriché plein de choses, résume Alizée Lozac’hmeur, cofondatrice de makesense et administratrice du Mouvement Impact France. On n’était pas seul, mais on n’était pas beaucoup. Aujourd’hui, tous nos sujets sont devenus des marchés, des secteurs. Si je caricature, tu as des appels d’offres sur nos sujets, des appels à projets. C’est maintenant intégré dans les stratégies politiques. Je ne dis pas que ça a une énorme place… mais on est passé en dix ans d’un objet non identifié à un objet bien identifié. » En 2014 naissait l’incubateur de makesense, un programme qui a fêté sa décennie d’engagement le mercredi 3 avril : l’occasion de faire le point sur la vision pour les dix prochaines années.

Un lieu pour l’entrepreneuriat social

Pour Alizée Lozac’hmeur, l’histoire débute en troisième année d’école de commerce où elle suit un master entrepreneurial. La jeune femme n’est pas captivée par ce qu’elle apprend sur l’entrepreneuriat tech et croise la route de Christian Vanizette qui venait de lancer la communauté makesense. « Je me suis fait happer par cette communauté hyper jeune et dynamique de gens qui se réunissent le soir et le week-end pour parler d’entrepreneuriat social et pour soutenir concrètement des entrepreneurs. Cela me nourrit beaucoup. »

À l’époque, Alizée Lozac’hmeur découvre un lieu comme La Cantine et se fait la réflexion que, s’il y a tout un écosystème pour soutenir les entrepreneurs tech, il n’y a pas vraiment de lieu hyper dynamique et innovant sur l’entrepreneuriat social. Elle soumet l’idée à Christian Vanizette de son désir d’ouvrir un lieu makesense.

En parallèle, elle croise aussi le chemin de Léa Zaslavsky qui vient de rentrer d’un voyage d’études durant lequel elle a parcouru les incubateurs tech américains. Dès que son stage est terminé, Alizée Lozac’hmeur ne recherche pas de travail et préfère rejoindre les équipes de makesense dans les sous-sols de l’ESCP (dans son incubateur nommé Blue Factory) pour poser les bases de ce qui allait devenir une nouvelle phase pour la petite entreprise sociale.

Dix ans d’engagement pour le militantisme

S’il faut schématiser l’aventure makesense, cela commence par l’émergence de la communauté de 2010 à 2013, avec le rassemblement régulier d’étudiants pleins d’énergie mais sans argent, comme une opposition parfaite au milieu des l’entreprise qu’ils voient certainement plein d’argent mais sans énergie. En 2013, makesense lance donc son incubateur et cela vient ouvrir une phase d’exploration avec le lancement de nombreuses activités, avec une partie média, la création d’événements musicaux et culturels, mais aussi avec de nombreuses missions en entreprises qui se développent. Les projets se multiplient, mais toujours avec l’ambition d’engager les gens dans la transition écologique et sociale.

Encore aujourd’hui, l’incubateur reste leur espace d’expérimentation. Hélène Binet, directrice de la communication de makesense, le présente comme étant la maison témoin : « On a besoin d’avoir ce démonstrateur, qui donne à voir ce que l’on aimerait voir en plus grand et partout. On aime bien avoir la preuve de ce que l’on dit. Pour moi, c’est ça la mission de l’incubateur, c’est une espèce de laboratoire d'idées que l’on peut ensuite essaimer. C’est un élément central. »

Vers 2017-2018, makesense entre dans une nouvelle phase de consolidation et de déploiement. En parallèle de cette histoire, l’économie est en train de se transformer. Le secteur philanthropique est de moins en moins séparé du secteur économique : les entreprises considèrent de plus en plus l’entrepreneuriat social comme étant un moyen de concilier un modèle non lucratif avec un modèle économique viable. La réglementation va également dans ce sens avec la loi ESS portée par Benoît Hamon (2014) ou encore la plus récente loi Pacte (2019) qui consacre l’entreprise à mission.

Si l’économie sociale et solidaire est désormais une composante à part entière de l’économie, makesense est loin de considérer avoir terminé son travail, entrant même dans une phase peut-être plus militante : « On me demande parfois la différence entre engagement et militantisme, partage Alizée Lozac’hmeur. Pour moi, l’engagement, c’est faire. Et le militantisme, c’est demander le changement. Les deux sont très complémentaires et je pense qu’avec makesense, on est maintenant légitime à demander des choses, à porter un plaidoyer notamment politique pour changer les règles du jeu économique, la fiscalité, l’orientation des politiques publiques… changer les règles pour que ça avantage les entreprises qui ont des pratiques vertueuses. Notre vision pour la suite, c’est donc de continuer à porter ces messages et d’influencer sur le récit dominant, d’agir sur le changement culturel. »

Voilà makesense parti pour dix années de plus au service de l’entrepreneuriat social.