« IA Générative entre éthique et performance : où est le juste milieu ?» : cette question était au cœur de l’une des tables-rondes de la Maddy Keynote, qui se tenait le jeudi 28 mars au Palais Brongniart. Julien Nicolas, Directeur Numérique du Groupe SNCF, déploie avec optimisme l'IA au sein des différentes entités de l’entreprise. Il a souligné le caractère multidimensionnel du gain de performance : « Nous le constatons tant sur la productivité que sur la créativité. Cela se vérifie également dans la prise de décision avec une meilleure connaissance de l’état de la circulation, une amélioration de l’analyse d’incident et la projection de nouveaux plans de transport. Le gain de performance est aussi technologique avec la génération ou la correction de code. »

Une vision partagée par Raphaël Doan, magistrat et historien qui a lui-même bénéficié de ce “passage de 0 à 1”. Sa dernière œuvre, "Si Rome n'avait pas chuté", est ainsi le fruit d'un travail collaboratif entre lui et un grand modèle de langage (LLM). Ce profil plutôt littéraire a notamment expliqué avoir codé, grâce à l’IA, des outils pour optimiser son travail bureautique au quotidien et ce sans être informaticien de formation. « Il existe des tâches qui nécessitent l'utilisation de l'IA générative. Auparavant, je n'avais aucune connaissance en programmation. Cela s'applique également dans le domaine créatif. Pour mon livre, j'ai généré des images fictives représentant des Grecs et des Romains inventant des machines telles que des ordinateurs », explique-t-il.

Pour illustrer le gain de performance, Grace Mehrabe, cofondatrice et CEO de Outmind, n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler les résultats d’une récente étude menée conjointement par la Harvard Business School, le Boston Consulting Group et le MIT, qui analyse de manière approfondie l'impact de l'IA sur la performance des entreprises. « En termes de créativité, l'IA offre un gain de performance pouvant atteindre jusqu'à 40 %. De plus, elle permet d'accomplir 12 % de tâches supplémentaires et ce, 25 % plus rapidement. En revanche, avec l'IA, les tâches qualifiées de complexes seraient moins bien réalisées, avec une diminution de performance de 25 %. »

Utiliser l’IA générative, mais l’utiliser bien

Si tous reconnaissent que le potentiel de la technologie est immense, ils concèdent néanmoins qu'elle soulève des questions éthiques importantes auxquelles nul ne peut se soustraire. « La SNCF dispose d'une direction de l'éthique qui travaille sur divers sujets. Elle a été mobilisée pour collaborer avec nous sur les questions liées à l'IA. Nous avons par ailleurs développé notre SNCF GPT, un espace sécurisé destiné à plusieurs milliers de collaborateurs. Cet espace répond à des problématiques d'éthique, car nos données y sont protégées », explique Julien Nicolas.

Il ajoute : « Pour nous, l'éthique se traduit aussi par l'accompagnement de nos collaborateurs, à travers de l’acculturation et la formation que nous déployons à grande échelle. L'éthique doit aussi être au cœur de tous les cas d'usage métier. Dans cette optique, la direction de l'éthique élabore une charte sur la base de l’AI Act et désigne des référents dans chacune de nos entités pour veiller à ce que toutes les parties prenantes soient impliquées dans les projets et que les règles éthiques soient respectées. » Et ce, même si cette révolution est la promesse d’un accroissement de sa capacité à développer ses offres et ses services. « La maintenance prédictive que permet l’IA, c’est l’assurance de plus de trains en circulation », explique Julien Nicolas.

Sur le sujet de la régulation, si Grace Mehrabe qualifie la position de la France de “mesuré”, elle regrette la tendance nationale et européenne à réguler avant même d'avoir observé les usages. « Dans le domaine de l'IA, il existe deux vitesses : celle du monde et celle de la France et de l'Europe. Cela peut potentiellement poser problème pour notre industrie dans ce secteur, ainsi que pour les utilisateurs qui pourraient se retrouver avec un niveau de performance inférieur, C’est un défi en termes de compétitivité », explique-t-elle.

Évidemment, tous s'accordent à dire que ces garde-fous sont nécessaires pour atténuer des craintes disproportionnées vis-à-vis de cette technologie, dont le caractère disruptif peut être comparé à celui d'Internet ou du cloud. Ils encouragent également chacun à profiter de cette phase d'adaptation pour se former, assurant que ceux qui le feront auront un avantage compétitif demain.