Les échéances s’enchaînent : 2019, 2023, 2026, 2028… Des dates qui marquent de nouvelles obligations en matière de solarisation des bâtiments nouveaux, rénovés ou étendus (hors résidentiel), ainsi que des parkings. « La France accuse un certain retard en matière d’énergie consommée en local, notamment car elle bénéficie de prix de l’énergie fixes, contrairement aux pays nordiques », explique Mathias Flattin, qui a lancé Crayon Partners, le premier investisseur destiné à financer les actifs immobiliers des startups qui innovent en matière d’immobilier et d'infrastructure.

Bon nombre d’entre elles sont pour le moment scandinaves ou allemandes, des marchés plus avancés en matière de production et stockage d’électricité renouvelable, ainsi que d’entretien et de gestion des équipements. « Au-delà de la production des panneaux eux-mêmes, l’enjeu est désormais de trouver les business modèles adéquats pour financer et déployer ces panneaux de manière vertueuse », poursuit Mathias Flattin.

Dépasser les frontières techniques

Promouvoir l’autoconsommation d’électricité renouvelable au travers d’installations vertueuses, la consigne a aussi concerné les grands projets d’infrastructures sportives des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Une occasion de favoriser l’innovation, à l’instar de ce qui a été fait pour le Centre Aquatique, en Seine-Saint-Denis, qui a vocation à perdurer au-delà des Jeux de Paris 2024.

« Différents corps de métiers ont travaillé ensemble pour proposer une solution globale, celle d’un bâtiment capable d’abaisser son empreinte carbone en produisant sur place jusqu’à 20 % de l’énergie consommée et en optimisant son fonctionnement », explique Cyrille Mesguen, Responsable Ingénierie et Conception chez EDF ENR. Cette filiale du groupe EDF a ainsi travaillé de concert pour réaliser une prouesse technologique, sur un bâtiment destiné à devenir une vitrine du savoir-faire français. Le toit, en forme de double vague, repose en effet sur une structure porteuse en bois, composée de portiques de 90 mètres de long. « Le toit atteint parfois une pente de 38 %, l’innovation n’est pas seulement dans l’étendue équipée en panneaux solaires – près de 4 600 m² - mais aussi dans les éléments de fixation uniques à créer », explique Cyrille Mesguen. Autre nouveauté notable, le fait que le photovoltaïque devienne aussi une affaire digitale. Le Centre Aquatique a été intégralement modélisé en BIM, y compris toute l’installation solaire.

Petit, c’est bien aussi

Si les 4 600 m² de toits solarisés sur le Centre Aquatique ouvrent de nouvelles perspectives pour des projets de grande ampleur, les choses pourraient cependant avancer plus vite à une toute autre échelle : celle des particuliers. Laetitia Brottier, Vice-présidente d’Enerplan, le syndicat des professionnels de l’énergie solaire, et fondatrice de DualSun en fait le constat : « Le contexte économique est difficile et le nombre de projets neufs, donc potentiellement équipés de solaire, ralentit. En revanche, je suis frappée par la forte accélération dans l’installation de panneaux photovoltaïques destinés à la consommation individuelle : en 2023, il y a eu deux fois plus d’installations que sur tout 2022, et on n’est plus très loin du gigawatt/an. » Un constat également partagé par Cyrille Mesguen, alors qu’EDF ENR réalise 1 projet sur 5 d’installation solaire en résidentiel.

L’autoconsommation individuelle séduit grâce à des offres d’installation plus simples et moins coûteuses, constate la fondatrice de DualSun mais aussi, précise-t-elle, à cause du changement de contexte. Guerre en Ukraine et volonté d’assurer son approvisionnement énergétique sont désormais des motivations prioritaires ; le marché n’est plus tiré seulement par les dispositifs d’aides.

A cela s’ajoutent également de nouvelles initiatives : une consommation locale toujours, mais collective, au niveau d’immeubles, de quartiers… « Entre 2022 et 2023, ce type d’installation a doublé. Les collectivités territoriales sont très favorables à ces projets, toutefois les barrières administratives à lever sont encore fortes », précise Laetitia Brottier. Autre secteur en croissance, celui des installations sur les bâtiments tertiaires : Cyrille Mesguen comptabilise 3 lancements de projets par jour sur ce segment chez EDF ENR. Sur le tertiaire comme sur le collectif, l’innovation digitale a là encore un rôle à jouer, autant pour faciliter les démarches des particuliers que celles des installateurs. « Tout ce qui pourra contribuer à accélérer les procédures administratives et ainsi à favoriser le déploiement de solutions de production d’énergie solaire, à petite, moyenne ou grande échelle, est le bienvenu », conclut Laetitia Brottier, qui porte ici, au travers d’Enerplan, la voix des acteurs du secteur.