«L’IA est une muse !» David Defendi est scénariste et écrivain. Il a fondé Genario.co pour tirer le meilleur de l’intelligence artificielle dans son métier, alors qu’une partie du milieu du cinéma voit l’irruption de cette technologie comme une menace. Genario fonctionne comme un assistant d’écriture avec de l’intelligence artificielle analytique et de l’IA de recommandation. Selon le scénariste, qui a travaillé avec des réalisateurs comme Olivier Marchal, un chef d’oeuvre résulte de l’alignement entre trois éléments : qui est le créateur à travers les épreuves qu’il connaît et qui lui montrent le monde différemment, la structure dramatique de l’histoire qu’il souhaite raconter et enfin le public auquel il s’adresse. L’intelligence artificielle peut intervenir à chacun de ces niveaux. 

«L’IA est très bonne en psychologie : elle a tout lu de Freud, de Jung, des comportementalismes… Si on est honnête avec l’IA et si vous lui confiez des secrets, elle va vous aider», explique David Defendi. «Vous avez un psychologue, vous avez un coauteur avec vous, vous avez un producteur qui connaît toutes les chaînes, vous avez un diffuseur… C’est plus qu’un outil, c’est plus qu’un collègue supplémentaire.»  Pour réussir Genario et rassurer le milieu du cinéma, David Defendi a dû se pencher sur plusieurs problèmes : protéger les droits d’auteur et assurer la rémunération des auteurs. «On pensait que l'IA était magique grâce à l’art du promptage. Ce n’est pas vrai, c’est un dialogue, c’est un travail de l’auteur. Il a fallu le faire comprendre mais nous avons un écosystème français qui est très bon et très technologique», assure David Defendi. 

Créer de la croissance en rapprochant le cinéma et la tech 

C’est justement pour nourrir cet écosystème et le connecter que Sarah Lelouch, actrice, productrice a créé TechCannes. Un business club qui vise à réunir les acteurs de la tech française et tous ceux qui font le cinéma. Leur premier événement aura lieu cette année, en marge du festival de Cannes. «Il y a un environnement à créer pour générer de la croissance et faire qu’on aborde aussi les sujets sans concession», explique Paul Hatte, directeur général de techCannes. Pour encourager les stratups à s’adresser au monde du cinéma, techCannes lance la première édition de ses awards. Les entreprises peuvent candidater jusqu’au 15 avril. Neuf seront retenues et pitcheront devant un jury pendant techCannes, du 17 au 19 mai. Une remise des prix sera ensuite organisée en juin à Paris. 

Trois catégories existent pour cette première édition : meilleure innovation dédiée à la création artistique, meilleure innovation dédiée à la technologie audiovisuelle et meilleure innovation dédiée à la production. Le jury rassemble sept personnalités du cinéma et de la tech comme le réalisateur Claude Lelouch, l’un des premiers à avoir tourné à l’iPhone, Alexandre Fretti, CEO de Malt, Roxanne Varza, directrice de Station F ou Nicolas Parpex, directeur du pôle Industries culturelles et créatives et pilote du plan French Touch chez Bpifrance. 

Ce n’est pas la seule initiative qui rassemble ces deux mondes. Artefact, société de conseil en intelligence artificielle et en data, s’allie au groupe de cinéma mk2 pour lancer l’Artefact AI Film Festival. L’objectif : mettre l’honneur les films réalisés grâce à des outils d’IA générative. Ce festival s’accompagne d’un concours, ouvert à tous, pour récompenser des courts métrages fabriqués avec de l’IA. Jean-Pierre Jeunet, qui a notamment réalisé Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, préside le jury. «Le destin du cinéma est intimement lié à l’innovation technologique, et l’intelligence artificielle est un nouvel outil révolutionnaire», commente Elisha Karmitz, directeur général du groupe mk2. «L’IA, ce n’est pas l’amélioration du système de création du cinéma et des séries. C’est la création d’une nouvelle industrie !», déclare de son côté David Defendi. 

Des innovations de plus en plus proches de nous 

«Aujourd’hui, le public américain a du mal avec les films étrangers, que ce soit avec des sous-titres ou doublés. En tant que producteur, j’ai vu une solution d’intelligence artificielle de synchronisation labiale. Les comédiens qui ont tourné en français, tout d’un coup parlent anglais avec les lèvres qui bougent comme si on avait tourné en anglais ! C’est dingue», raconte Eric Nebot, producteur et chef d’entreprise basé aux États-Unis. Là, l’IA permet au spectateur de s’immerger encore plus dans le film et supprime la distance qui s’installe aujourd’hui avec le doublage. Producteur et fondateur de Hill Valley, Eric Nebot fait du placement de produit, majoritairement avec des marques de luxe, dans des films et séries, depuis plus de dix ans. Son métier évolue avec l’irruption de la tech et du retail dès la conception des films et séries. 

«En tant que spectateur, vous aurez bientôt la possibilité d’acheter ce que vous verrez en live.» Cela sera possible sur le dernier sac à la mode repéré sur le personnage d’une série, une lampe dans un décor etc. «Netflix est en train de développer Netflix Shop», raconte Eric Nebot. À l’avenir chaque diffuseur va s’associer ou développer sa propre marketplace, à l’image d’Amazon et Amazon Prime Videos, qui a fait le chemin inverse. «Une première série se tourne, on est en plein dedans. On pourra expérimenter cette nouvelle manière de consommer dès sa sortie en 2025 ou 2026.» 

La tech bouleverse toujours le cinéma. L’apparition des drones avait permis aux réalisateurs d’imaginer et de tourner simplement de nouveaux types de plans. L’étalonnage des images est devenu numérique. Les NFT permettront peut-être de posséder un morceau de film, les cryptomonnaies diversifient déjà le financement d'œuvres de cinéma. L’intelligence artificielle assistera les monteurs pour se repérer dans des milliers d’heures de rush, modifiera le mouvement des lèvres des acteurs au service du spectateur… Elle est une source d’inspiration pour les scénaristes, les producteurs, les réalisateurs. David Defendi l’assure : «Tout le monde utilise déjà l’intelligence artificielle.»