D’après le sondage du Workforce Institute et l’éditeur de solutions RH UKG, les managers français seraient plus souvent stressés que les membres de leur équipe (42 % contre 40 %). 25 % d’entre eux disent même se sentir souvent - ou toujours - épuisés. L’une des raisons invoquées par Anselme Jalon, CEO de Numa, est la complexification des environnements de travail : « L’hybridation rend la gestion des équipes plus difficile. De plus, les attentes des collaborateurs ont changé, rendant plus compliquée la mise en place et l’application d’un cadre commun. » Ce contexte multiplie de facto les conversations difficiles enjoignant les managers à davantage de « courage ». Pas si simple… après des années de doxa managériale sur la bienveillance.

En effet, les recadrages, les mises au point ou encore les entretiens annuels parfois tendus, particulièrement dans un contexte de grandes transformations, sont plus difficiles à mener d’après Léna Basile, coach et consultante RH, DRH à temps partagé : « L’assouplissement de la hiérarchie ou encore l’émergence des organisations plus horizontalisées brouillent un peu les pistes : les collaborateurs osent prendre davantage les devants, exigeant plus de préparation de la part des managers. » Comment les aider à mieux gérer ces moments difficiles mais inhérents au leadership ?

Une question de posture managériale

Comme le souligne Anselme Jalon, quelle que soit la situation - un conflit, un entretien musclé, un recadrage… - la posture managériale reste la base : « Il faut insuffler du courage managérial et cela passe par un travail de fond sur la connaissance de soi car nous ne partons pas tous avec le même bagage émotionnel. » Léna Basile préconise des outils d’intelligence émotionnelle et de personnalité : « Le DISC, le Process Communication Model ou les formations sur l’intelligence émotionnelle permettent de mieux comprendre les fonctionnements propres à chacun et comment les émotions impactent les prises de décision ou le rapport aux autres. Pour les primo-managers, je pense que c’est une brique indispensable pour monter en compétences. »

Le secret de l’assertivité des managers ? 95 % de préparation

Au-delà de la technique, ce qui fait la différence selon Anselme Jalon ? La préparation ! « Pas d'improvisation. Il faut se préparer, à l’écrit d’abord, puis, si possible, avec des pairs : au sein de Numa, nous avons des groupes de managers qui se co-entrainent à la gestion des situations difficiles. Le but ? Faire baisser le niveau de stress en abordant au maximum les angles morts. » Les autres éléments pivots d’une bonne préparation incluent le choix du moment ainsi que l'objet de l'invitation. « Certaines conversations peuvent se dérouler en collectif dans le cadre d'une annonce de fermeture d'une business unit par exemple : il est préférable de le faire le matin afin de laisser un créneau ouvert dans la foulée pour que les collaborateurs puissent poser leur questions. L'objet de l'e-mail doit être soigneusement pensé pour éviter toute anticipation anxiogène. »

L’art du discours clair et sans ambages

Comme souvent, la méthode reste primordiale. Les conseils du CEO de Numa ? Évitez de mettre une gangue nébuleuse autour du message central : il faut être clair dès le début de l’entrevue. Selon lui, il faut sortir du sacro-saint « feedback sandwich » : « Choisissez une ou deux raisons - pas dix - qui s'appuient sur des faits tangibles pour limiter le risque d’interprétation et les débats d’opinion », insiste Anselme Jalon. L’enjeu ? Ne pas tomber dans la justification : « L’écueil des managers, notamment des novices, est de vouloir s’excuser. Or, pour légitimer la décision, il faut l’assumer pleinement. » Au sein de la société Aymax, un outil est utilisé pour guider les managers dans ce type d’exercice : le PIP pour « Performance Improvement Plan ». « C’est un processus d’échange entre le collaborateur et son manager pour comprendre les points de difficultés et les désaccords afin de mettre en place des engagements mutuels pour traverser sereinement les points d’achoppement », explique Hakim Ben Ayed, Chief commercial officer au sein du cabinet.

Créer des soupapes internes entre pairs

Au sein de Aymax, le mentoring entre managers expérimentés et jeunes managers offre un soutien opérationnel : « Nous sommes 200 salariés répartis dans 4 pays ce qui facilite la mise en place d’un management de proximité. Il se matérialise par des points réguliers et du « test and learn » sur le terrain. Notre culture encourage également les managers à créer du lien avec leurs équipes, ce qui permet d’apaiser les relations et de désamorcer, plus facilement, les tensions potentielles », ajoute Hakim Ben Ayed. Léna Basile souligne une autre méthode d’entraide qu’elle a testée dans plusieurs structures : « Les groupes de co-développement pour les communautés managériales sont des lieux ressources dans lesquels les personnes peuvent se retrouver et échanger sur des situations réelles afin de pouvoir réfléchir à des solutions. » Un intermède pour se rassurer et identifier des plans d’action grâce à l’intelligence collective.

Ne pas oublier de travailler sur le collectif

Rappelons-le… dans une conversation, on est - a minima - deux : un émetteur et un récepteur. Ce qui induit un travail pas uniquement centré sur le manager, mais sur toutes les parties prenantes. « Il est primordial d’agir au niveau du collectif pour améliorer la communication au niveau globale » , souligne Léna Basile. Pour cela, insuffler une culture interne plus encline à intégrer les émotions ou la connaissance de soi, apparaît comme un levier d'apaisement selon la coach. Pourquoi ? C’est un moyen de désamorcer les conflits potentiels grâce à un socle commun qui régit le fonctionnement de l’entreprise et de l’équipe : « Si chacun se comprend mieux ainsi que les autres membres de l’équipe, managers et collaborateurs sauront mieux communiquer : aborder certains sujets délicats ne finira pas (ou moins) en escalades conflictuelles. »

L’importance de la médiation

Il peut être utile, en cas de conversations trop tendues ou bloquées voire de relations fragilisées, de faire appel à un tiers, un RH ou une personne externe, pour faciliter la médiation. L’enjeu ? « Recréer du lien entre les individus qui ne peuvent ou savent plus communiquer ensemble. Il s’agit de mettre de côté l’aspect émotionnel, les préjugés, mais aussi, peut-être, d’accompagner les managers pour qu’ils ou elles mènent des feedbacks plus efficaces. Il existe aujourd’hui un vrai besoin de les outiller avec des démarches structurées. »