La fête est finie mais le tableau est loin d’être catastrophique. Ainsi pourrait-on décrire l’état des lieux sur le marché de l’emploi dans la tech à l’heure actuelle. Selon l’étude annuelle menée par The Product Crew sur les salaires et l’emploi dans la tech, c’est surtout l’incertitude qui prédomine dans la secteur en 2024. En effet, 54 % des 3 205 répondants, essentiellement des salariés dans des startups et scaleups, sont de cet avis, tandis que 28 % s’attendent à une reprise et 18 % à une crise. Bref, les sentiments sont mitigés.

Dans le contexte actuel, l’heure est à la prudence. Et pour cause, l’euphorie post-Covid qui avait incité de nombreuses grandes entreprises tech et des scaleups à recruter massivement semble bien loin et climat économique de ces 18 derniers mois a engendré une correction du marché, parfois violente, qui s’est matérialisée par des coupes dans les effectifs de plusieurs acteurs de la French Tech (Back Market, PayFit, Ledger, Sunday…). Un retour sur terre logique alors que les taux d’intérêt négatifs avaient amené une boulimie d’investissements dans la tech, avec des valorisations exorbitantes.

1 talent sur 2 veut changer d’emploi

Cette page étant désormais tournée et alors que les taux d’intérêt élevés devraient amorcer leur recul d’ici quelques mois, The Product Crew estime qu’une «reprise prudente semble se dessiner» sur le marché de l’emploi. Le cabinet met en avant plusieurs facteurs : des levées en amorçage et en série A qui repartent à la hausse, des entreprises tech qui ont fait preuve de résilience, des besoins d’internationalisation dans les grands groupes et la bonne dynamique dans des secteurs clés comme l’IA, le cloud, la cybersécurité ou encore la greentech.

Dans ce contexte, 49 % des répondants à l’étude indiquent que leur entreprise prévoit de recruter dans leur département en 2024, tandis que seulement 4 % rapportent des prévisions de licenciements pour les mois à venir. Cela devrait se refléter sur la mobilité sur le marché de l’emploi dans la tech, puisque près d’un talent sur deux souhaite changer de poste au cours des 12 prochains mois. Dans ce cadre, LinkedIn, réseau social plébiscité par la Startup Nation (parfois un peu trop à cause de ChatGPT), jouera un rôle clé. Et pour cause, 85 % des répondants indiquent qu’ils passent par cette plateforme pour chercher un emploi.

Que recherchent les employés au-delà d’un meilleur salaire ?

Au-delà d’une meilleure rémunération, ce sont le besoin de nouveaux défis et le manque d’alignement avec le management qui sont les principales raisons incitant les salariés à vouloir changer d’environnement professionnel. Du côté des recruteurs, il faudra surtout se montrer convaincant pour attirer les développeurs, des profils très recherchés mais difficiles à recruter selon 51 % des répondants.

Au niveau de la grille de rémunération, il faudra jongler entre un salaire médian qui atteint 51 000 euros pour les métiers design et qui monte jusqu’à 61 000 euros pour les métiers product. Au milieu, on retrouve les métiers tech et data, qui se situent tous les deux à 55 000 euros. Dans ces quatre secteurs, la culture d’entreprise pourrait faire la différence alors que le taux de satisfaction n’atteint jamais 50 % auprès des répondants, peu importe leur segment de métiers.

En revanche, l’équilibre semble avoir été trouvé au niveau du télétravail, avec un consensus général qui commence à s’établir autour de deux jours hors des locaux de l’entreprise. L’ère du travail hybride a désormais débuté, reléguant loin derrière le «full remote». Les offres ouvertes au télétravail à 100 % se sont d’ailleurs lourdement effondrées entre 2022 et 2023, passant de 71 % à 29 %, avant de remonter à 39 % cette année.

«Une perception un peu étonnante de l’IA»

Si ces différents indicateurs reflètent finalement assez logiquement l’état du marché de l’emploi dans la tech à l’heure actuelle, «il y a une perception un peu étonnante de l’intelligence artificielle», relève Mathias Frachon, co-fondateur de The Product Crew. Et pour cause, l’IA, malgré l’euphorie engendrée par ChatGPT depuis fin 2022, est encore loin de faire l’unanimité dans les entreprises tech, avec 39 % des professionnels qui l’utilisent «pas ou très peu». Et si 61 % des répondants indiquent avoir adopté les outils d’IA, à peine 9 % constatent un impact significatif sur le business et les équipes.

Néanmoins, 45 % assurent observer des gains de productivité grandissants grâce à son usage, ce qui témoigne d’une marge de progression dans les prochaines années. Comme pour toute révolution technologique, il faudra une période d’évangélisation autour de l’IA pour qu’elle puisse s’imposer à l’ensemble des entreprises tech. Et dans un marché incertain, l’heure est plutôt à la prudence.