16 avril 2024
16 avril 2024
Temps de lecture : 9 minutes
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Puy du Fou : ces startups qui permettent au parc vendéen d’être à la pointe de l’innovation

Depuis plus de trois décennies, le Puy du Fou propose des spectacles plus spectaculaires les uns que les autres. Pour la plupart de ses créations originales, l'équipe du parc n'hésite pas à s'en remettre à l'expertise de certaines startups. Le temps de deux jours, Maddyness s'est plongé dans les coulisses technologiques du parc vendéen. Reportage.
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Le Puy du Fou a accueilli 2,6 millions de visiteurs en 2023. Crédit : Loïc Lagarde/Puy du Fou.

Depuis le Puy du Fou

Quand il s’agit d’évoquer les parcs de loisirs en France, c’est souvent Disneyland qui est cité en premier, mais celui qui détonne le plus, c’est sans aucun doute le Puy du Fou. En plein cœur de la Vendée, ce parc ne propose pas des attractions à sensations fortes, mais des spectacles grandioses qui suscitent des émotions peut-être encore plus fortes.

Né en 1989 dans le sillage de «La Cinéscénie», fresque nocturne qui a contribué à la notoriété mondiale du Puy du Fou, le parc n’a pas hésité au fil du temps à utiliser les technologies les plus avancées et à vouloir innover en permanence. Il faut dire que la promesse du parc vendéen, qui a accueilli 2,6 millions de visiteurs en 2023, est ambitieuse : faire voyager ses visiteurs à travers différentes époques de l’histoire de France.

Pour cela, l’équipe du parc s’appuie sur des partenaires, notamment des startups, pour se donner toutes les chances d’éblouir le monde. Maddyness s’est ainsi rendu au Puy du Fou en ce début de printemps pour voir comment des jeunes pousses françaises permettent au parc de se réinventer pour continuer à rester une référence mondiale en matière de divertissement.

Tout d’abord, le parc a été bâti autour d’une philosophie : créer des spectacles qui n’existent pas ailleurs. «Tout ce qui a été fait ici, il a fallu le rêver et le mettre en œuvre. C’est du cinéma en direct et en plein air. Ce ne sont pas des produits que l’on trouve en catalogue», résume Laurent Albert, directeur général du Puy du Fou pendant deux décennies, auprès de Maddyness. «Tous nos spectacles sont des prototypes, où la technique est au service d’une histoire», renchérit Damien Botton, directeur technique du parc.

«Le Mime et l’Étoile», «Oscar» du meilleur spectacle au monde

Dans ce sens, l’équipe du parc tente régulièrement des nouvelles choses pour rendre l’expérience la plus immersive et spectaculaire possible. Et son savoir-faire en la matière est reconnu dans le monde entier. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Puy du Fou s’est vu décerner il y a quelques semaines le prix du «meilleur spectacle du monde» - que l’on peut comparer à un Oscar dans le monde du spectacle - par la Themed Entertainment Association (Thea), l’une des plus prestigieuses de l’industrie des parcs de loisirs, pour «Le Mime et l’Étoile».

Il s’agit d’une belle consécration pour cette dernière création du parc qui emmène les spectateurs sur le plateau de tournage d’un film muet et en noir et blanc. Un spectacle bluffant puisque le décor est en perpétuel mouvement pour donner l’effet d’un travelling de cinéma tout au long des 28 minutes de représentation.

Une touche de poésie avec les drones de Dronisos

Pour en mettre plein la vue avec ce spectacle, le Puy du Fou n’a pas fait les choses à moitié puisque ce ne sont pas moins de 20 millions d’euros qui ont été investis pour donner vie à ce projet. Ce dernier est d’ailleurs peut-être celui qui symbolise le mieux son approche vis-à-vis des technologies et son recours aux startups. Et pour cause, l’équipe du parc s’en est notamment remise à l’expertise de l’entreprise bordelaise Dronisos, qui s’était distinguée l’an passé par un spectacle de drones lors de la Fête du vin à Bordeaux, pour ajouter une touche de magie au spectacle.

Pour la société, qui collaborait déjà avec le Puy du Fou pour «La Cinéscénie», le spectacle «Le Mime et l’Étoile» représentait un défi d’un nouveau genre. «Il y avait la volonté du Puy du Fou de mettre la technologie au service de la poésie. L’enjeu était notamment de mettre les antennes au bon endroit. C’était un gros point de frayeur au début du projet, car il ne fallait surtout pas perturber les ondes et les drones, mais on a réussi à lever les doutes autour de ces craintes», explique Camille Beaumont, en charge du marketing et de la communication chez Dronisos.

Les inquiétudes initiales écartées, l’entreprise s’est attelée à faire voler de manière optimale huit drones lors de chaque représentation (650 en 2023) à l’aide de 31 antennes situées à trois hauteurs différentes dans la salle. «L’idée est de créer un cube virtuel», résume Camille Beaumont. Et si Dronisos s’appuie sur des drones fabriqués par la marque française Parrot, auxquels elle enlève les caméras pour les remplacer par des LED, la jeune pousse créée en 2016 a mis au point une technologie spécifique pour les vols d’intérieur. Et pour avoir vu «Le Mime et l’Étoile», on peut vous dire que le rendu est à la hauteur des attentes… Mais promis, on ne va pas vous spoiler ! Toujours est-il que le parc mise de plus en plus sur les drones pour magnifier ses créations et dispose même d’un atelier de maintenance spécifique pour ces petits engins volants.

Naostage à la manœuvre pour le tracking des comédiens sur scène

Autre startup mobilisée dans le cadre du spectacle «Le Mime et l’Étoile», Naostage s’occupe du tracking des comédiens sur scène. Et comme le décor est constamment en mouvement, ce fut un sacré casse-tête à résoudre pour la jeune pousse nantaise fondée en 2018. «La taille de la scène et la précision de la localisation ont été de gros défis à relever. C’est un projet qui a permis de faire sauter des verrous technologiques», estime Paul Cales, co-fondateur et CEO de Naostage.

Non seulement, la société doit suivre en permanence les comédiens dans leurs déplacements, mais elle doit également assurer le suivi de la lumière et du son en parallèle pour grandir un résultat optimal. «La scène est scannée en 3D en temps réel. Nous commençons à repérer les comédiens dans les coulisses et nous sommes capables de prédire leurs déplacements. Cela permet d’optimiser le déplacement des moteurs de lumière durant le spectacle», indique Paul Cales. Pour cela, Naostage se base sur les informations envoyées par le travelling, qui est finalement un acteur à part entière de cette superproduction théâtrale.

«Quand on se lance, il n’y a pas forcément de certitude»

Ce travelling atypique en dehors du monde du cinéma, il est justement le fruit de l’imagination d’un acteur technologique qui a pris l’habitude de collaborer avec le Puy du Fou ces dernières années. Il s’agit du groupe Europe Technologies, qui est davantage habitué aux projets dans l’aéronautique et le spatial, la défense ou encore le nucléaire que dans le divertissement.

Mais l’entreprise a su gagner la confiance du Puy du Fou avec ses ingénieuses mécaniques pour repousser les limites de la machinerie. «Le travelling du Mime et l’Étoile repose sur 140 tonnes de machinerie, et même 150 avec les décors. De plus, il y a des variations de charges en permanence, avec les mouvements engendrés par les véhicules ou même la pluie. C’est une énorme machinerie avec un véritable prototype pour la faire tourner. Quand on se lance, il n’y a pas forcément de certitude», reconnaît bien volontiers avec le sourire Olivier Bligny, responsable des projets de machinerie d’Europe Technologies.

Le groupe a été également mobilisé sur le spectacle nocturne «Les Noces de Feu» pour faire sortir de l’eau des décors spectaculaires. Une marque de confiance supplémentaire du Puy du Fou qui a même poussé Europe Technologies à créer son propre département dédié aux spectacles. Cette expertise naissante a d’ailleurs tapé dans l’œil d’un géant des parcs à thème aux grandes oreilles.

A la recherche du son parfait avec une tribune tournante

Parmi les autres acteurs technologiques sur lesquels se reposent les dirigeants du Puy du Fou, on retrouve également L-Acoustics. Ce fabricant français de dispositifs sonores, basé dans le fief du XV de France à Marcoussis, travaille depuis plus de deux décennies avec le parc vendéen. L’entreprise a contribué à la modernisation de l’ensemble des spectacles du parc pour offrir le son le plus optimal possible. «Ceux qui ont demandé le plus d’efforts, ce sont les spectacles les plus immersifs, comme Verdun ou Lapérouse, car il s’agit de parcours thématisés et sonorisés avec plus d’une centaine d’enceintes», observe Arnaud Delorme, ingénieur application de L-Acoustics.

Néanmoins, le projet qui a dû lui donner le plus de fil à retordre est probablement «Le Dernier Panache». Et pour cause, ce spectacle, qui met scène l’histoire du général Charette, personnage majeur des guerres de Vendée au XVIIIe siècle, repose sur une tribune tournante qui suit l’action à 360 degrés, comme un plan-séquence XXL de 34 minutes. «Le défi est d’avoir un son optimal même si les gradins tournent. C’était une idée un peu folle. Car avoir un son parfait en permanence avec une tribune de 2 500 personnes qui tourne durant un spectacle, personne n’avait fait ça à l’époque», indique Arnaud Delorme. Un défi relevé à l’aide d’un maillage de 72 enceintes dans la salle et surtout sa solution de son immersif L-ISA (Immersive Sound Art), qui permet d’aligner le son avec la rotation de la tribune grâce à l’échange de données entre le logiciel et le processeur vidéo. Une prouesse qui pourrait bien donner envie aux salles de cinéma et de spectacles de se doter d’une telle technologie. En tout cas, nous avons pu apprécier son efficacité durant la représentation du «Dernier Panache».

2 nouveaux parcs à l’international d’ici 2030

Avec l’ensemble de ses innovations, le Puy du Fou est considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs parcs de loisirs du monde, si ce n’est le meilleur. Et après avoir largement démontré la force de son modèle en France, ses dirigeants rêvent désormais de succès à l’international. Des premières briques ont d’ores et déjà été posées dans ce sens, avec des spectacles au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Espagne.

C’est d’ailleurs chez nos voisins ibériques qu’un premier parc en dehors de France a vu le jour en 2021, à Tolède. Et la maison-mère tricolore n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’elle prévoit d’ouvrir deux nouveaux parcs dans le monde d’ici 2030. Pour l’heure, leur localisation est gardée secrète. Mais une chose est sûre, ils devraient embarquer eux aussi un concentré de nouvelles technologies pour mettre des étoiles dans les yeux de leurs futurs visiteurs.

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