Il y a un an, le torchon brûlait entre eBikeLabs et Cowboy. Et pour cause, la startup grenobloise, à l’origine d’un logiciel pour optimiser le pilotage de la puissance du moteur des vélos électriques, avait estimé que la société belge, lancée par des anciens de Take Eat Easy, s’était permise de copier sa technologie.

Par conséquent, eBikeLabs avait attaqué Cowboy pour contrefaçon de brevets, vol de savoir-faire et concurrence déloyale. Des accusations qui avaient été balayées par l’entreprise belge, ce qui aurait donc pu déboucher sur une longue bataille devant les tribunaux. Mais contre toute attente, ce conflit appartiendrait désormais au passé, selon nos informations.

Contacté, Maël Bosson, fondateur d’eBikeLabs, confirme à Maddyness que Cowboy a rejoint son programme de licence de brevets «Make everyone a rider», qui vise à fédérer les fabricants de vélos électriques autour du logiciel eBikeOS que la société présente comme «l’Android du vélo électrique». Néanmoins, le patron de la société française n’a pas souhaité en dire beaucoup plus sur la manière dont les relations entre les deux entreprises se sont apaisées au cours des derniers mois. Toutefois, la médiatisation de l’affaire l’an passé a certainement poussé les deux acteurs à se mettre autour de la table pour discuter d’une porte de sortie honorable.

Un partenariat exclusif, avec option d’achat

Pour comprendre l’origine de cette affaire, il faut remonter à 2021. A l’époque, eBikeLabs et Cowboy envisagent la signature d’un accord de partenariat exclusif. D’un montant de 930 000 euros, il avait pour objet l’utilisation par Cowboy d’une technologie développée par eBikeLabs pour rendre les vélos plus intelligents. Installé dans le contrôleur (une pièce présente dans tous les vélos électriques située entre le moteur et la batterie), le logiciel calcule le poids de la masse roulante, le vent ou encore la pente, autrement dit toutes les contraintes extérieures qui nécessitent d’adapter, en temps réel, le moteur aux besoins de l’utilisateur.

Le partenariat aurait dû durer jusqu’en décembre 2022, date à laquelle Cowboy avait la possibilité d’activer une option d’achat de 100 % des titres d’eBikeLabs. Si le rachat n’a pas eu lieu, l’accord exclusif a lui bien été signé. Parce qu’il impliquait une forme d’exclusivité, eBikeLabs s’est séparé de ses commerciaux pour bénéficier de la forme de frappe marketing de Cowboy, qui avait en plus levé 80 millions de dollars à l’entame de l’année 2022.

Une maturité du marché propice à l’envol du software

Mais la lune de miel entre les deux sociétés a été de courte durée, puisque Cowboy a décidé mi-2022 de mettre fin à ce contrat à la grande surprise d’eBikeLabs. Quelques mois plus tard, la startup française a vu rouge quand elle a découvert Adaptive Power, une technologie de Cowboy qui ressemblait un peu trop à la sienne à son goût. Au-delà d’un éventuel vol de technologie, l’entreprise belge était également soupçonnée d’avoir «tenté d’épuiser financièrement eBikeLabs en retardant au maximum le paiement des pénalités de sortie contractuelle au prétexte d’un manque de trésorerie».

Dans le cadre de l'offensive de son ex-partenaire français, Cowboy avait vu des huissiers débarquer dans une boutique à Paris pour effectuer une saisie de matériel. La startup belge avait alors répliqué devant les tribunaux et réussi à obtenir 20 000 euros en réparation de son préjudice et remboursement des frais de justice. Mais cette bataille n'est donc plus d’actualité après la résolution du conflit à l’amiable entre les deux jeunes pousses.

Cette affaire aura mis en avant l’importance des brevets sur un marché du vélo électrique qui s’est considérablement développé ces dernières années sous l’impulsion des aides européennes accordées au secteur. «Le marché est en train de franchir un nouveau cap, avec une bonne maturité sur les composants (moteurs et batteries) et une forte appétence pour des fonctionnalités software. Ces dernières ne faisaient pas partie des critères d’achat de base, mais elles améliorent tellement l’expérience utilisateur qu’elles vont être de plus en plus demandées par les consommateurs, à l’image de ce qu’il se passe également dans l’industrie automobile. Il y a une logique de standardisation du logiciel et du matériel dans le monde du vélo, comme cela a pu l’être pour les smartphones», explique un fin connaisseur de l’écosystème, qui a suivi de près le conflit entre eBikeLabs et Cowboy, et qui souhaite rester anonyme.

Une campagne de crowdequity pour tourner la page

Dans ce contexte, la startup française espère que son logiciel deviendra la référence du marché. Et après une année écoulée qui n’aura pas été de tout repos, elle espère bien tourner la page de ce conflit avec Cowboy. Dans ce sens, la société a lancé la semaine passée une campagne de crowdequity sur la plateforme WiSeed pour lever 300 000 euros et ainsi doper l’attractivité de son logiciel eBikeOS, qui suscite de plus en plus d’intérêt auprès d’industriels.

Avec 8 technologies brevetées à ce jour et un premier partenaire de taille, l’équipementier automobile allemand Helbako qui fabrique des contrôleurs dans lesquels s’installe le software, l'entreprise grenobloise a des raisons d'être optimiste. «Nous misons sur un point d’inflexion du développement du marché à un moment donné pour pouvoir accélérer», indique Maël Bosson. De son côté, Cowboy, touché par un drame en octobre dernier avec le décès de Karim Slaoui, l’un de ses fondateurs, poursuit sa route pour être la référence des vélos électriques connectés haut de gamme. L’un de ses principaux défis sera d’atteindre la rentabilité pour assurer sa pérennité.