C’est le début de ce qui pourrait être une longue bataille judiciaire entre deux startups de l’univers du vélo électrique. D’un côté, eBikeLabs, une entreprise française créée en 2015, à l’origine d’une technologie rendant les vélos plus intelligents. De l’autre, la belge Cowboy, accusée d’avoir plagié la-dite technologie pour en équiper sa flotte de vélos à assistance électrique.

Le 19 avril, le média belge L’Echo dévoilait qu’une nouvelle étape avait été franchie dans le conflit les opposant : une saisie-contrefaçon, qui s’est traduite la veille par une descente d’huissier dans une boutique Cowboy à Paris…

Un partenariat exclusif signé en 2021 entre eBikeLabs et Cowboy

Pour comprendre l’origine de cette affaire, il faut remonter à 2021. A l’époque, eBikeLabs et Cowboy envisagent la signature d’un accord de partenariat exclusif. D’un montant de 930 000 euros, il avait pour objet l’utilisation par Cowboy d’une technologie développée par eBikeLabs baptisée eBikeBrain, qui vise à rendre les vélos plus intelligents. Elle leur permet de réagir plus rapidement lorsqu’un obstacle se dresse sur leur chemin : s’adapter à une pente, varier la puissance en fonction du vent, du poids supporté, et ainsi de suite…

Le partenariat aurait dû durer jusqu’en décembre 2022, date à laquelle l’hypothèse selon laquelle Cowboy pourrait racheter 100% des titres d’eBikeLabs était alors envisagée, comme le dévoile une communication envoyée aux actionnaires que Maddyness a pu consulter.

Dans cette lettre, eBikeLabs se félicite de l’avancée des discussions avec la jeune pousse belge, mettant en avant l’élaboration de “plusieurs contrats liés (...) maintenant prêts pour la signature”. “C’est une marque d’intérêt supplémentaire pour nos technologies, notre produit et notre potentiel en général”, peut-on lire.

Une sortie unilatérale du contrat

Si le rachat n’a pas eu lieu, l’accord exclusif a lui bien été signé. Parce qu’il impliquait une forme d’exclusivité, eBikeLabs s’est séparé, découvre-t-on dans un autre document confidentiel que Maddyness a aussi pu consulter, “de l’ensemble de ses ressources en vente et marketing”. Comprendre, ses équipes dédiées à ces activités.

Mais mi-2022, Cowboy décide “de sortir unilatéralement de l’accord et lancer un logiciel concurrent”, décrivent les équipes d’eBikeLabs. Depuis cette date et cette sortie autorisée par le contrat, plus aucun accord commercial n’était en cours entre les deux marques.

L’Adaptative Power, la technologie au coeur de la discorde

eBikeLabs accuse aujourd’hui Cowboy d’avoir “copié sa technologie sur le contrôle des vélos”. “Tout en travaillant avec nos équipes sur l’implantation de notre technologie brevetée dans leurs vélos, Cowboy a développé un projet parallèle, nourri par nos informations, pour finalement lancer un produit concurrent”. Le nom de ce dernier : l’Adaptative Power.

D’autres accusations sont mentionnées : Cowboy aurait “monté une campagne de publicité et de communication” laissant entendre qu’ils étaient à l’origine du logiciel. “En particulier, est-il expliqué, la personne chargée de l’intégration de la technologie eBikeLabs chez Cowboy est présentée comme l’inventeur de la technologie Adaptative Power.”

Cowboy est aussi soupçonné d’avoir “tenté d’épuiser financièrement eBikeLabs en retardant au maximum le paiement des pénalités de sortie contractuelle au prétexte d’un manque de trésorerie”. A noter que Cowboy, lancée en 2017 par des anciens de feu Take Eat Easy, est actuellement en pleine levée de fonds. Elle a déjà levé 130 millions auprès d’investisseurs, et 10 millions auprès de ses actionnaires, mais affichait une perte de 32 millions d’euros pour 2022.

eBikeLabs “déterminé à faire valoir ses droits” devant la justice

Parce que les discussions traînaient en longueur et “déterminé à faire valoir ses droits”, eBikeLabs a décidé d’intenter une action en justice, “seule option” possible à ce stade selon eux. “Il est important de noter que nous avons proposé à Cowboy de faire analyser leur code par un expert indépendant pour établir s’ils violent ou non notre brevet, ce qu’ils ont pour l’instant refusé sans donner de raison”, lit-on dans un mail transmis aux actionnaires.

Mardi 18 avril, une saisie a été réalisée par des huissiers dans la boutique Cowboy du Bon Marché Rive Gauche à Paris, suite à une ordonnance sur requête en saisie-contrefaçon, demandée et obtenue auprès du tribunal judiciaire de Paris. 

Le matériel saisi fera l’objet d’une étude par des experts, ce qui ouvrira ensuite la voie à un éventuel dépôt de plainte de la part d’eBikeLabs, pour “contrefaçon de brevet, atteinte au savoir-faire et concurrence déloyale”. Des brevets auraient en effet été déposés, mais seraient toujours en cours de validation.

La belge Cowboy “réfute toutes les allégations faites”

Ni eBikeLabs ni Cowboy n’ont souhaité répondre à nos questions lors d’une interview, les deux startups préférant laisser la justice trancher. Un porte-parole de Cowboy nous a malgré tout fait savoir que leur entreprise “réfute toutes les allégations faites par eBikeLabs dans le courriel qui a fuité”. “Si une action formelle est intentée, a-t-il ajouté, elle sera formellement contestée par Cowboy”.

De son côté, le fondateur d’eBikeLabs, l’entrepreneur et chercheur Maël Bosson s’est exprimé sur Linkedin, remerciant les “nombreux soutiens” reçus dans le cadre du contentieux. Nous travaillons tous les jours à renforcer la protection de nos inventions afin de devenir un leader technologique du vélo électrique et favoriser l'émergence d’un écosystème de composants Européens, a-t-il expliqué. (...) Hâte de revenir vers vous prochainement avec d’excellentes nouvelles.”