Maddyness : Quel bilan tirez-vous du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, avec sa clôture ici à Station F ?
Julie Huguet : Le Sommet pour l’action sur l'intelligence artificielle a permis de mettre l’IA sous le feu des projecteurs. C’est important puisque l'intelligence artificielle fait parfois encore peur. Pourtant, l’IA est partout, elle permet même parfois de sauver des vies. Par exemple, parmi les startup sfrançaises, l'entreprise XXII, qui travaille avec le ministère de l'Intérieur, permet de détecter des noyades ou des malaises cardiaques pour envoyer les secours rapidement. Il y a également des start-ups comme Aqemia ou Whitelab Genomics qui raccourcissent le temps de recherche des médicaments. L’IA améliore évidemment aussi les process pour toutes les entreprises, donc c'est un gain de productivité : elle permet d’améliorer les organisations ou de perfectionner les services clients. Et elle est dans notre quotidien avec de nombreuses d'applications comme Photoroom pour la retouche d’images. Ce Sommet pour l’action sur l'IA permet d'abord de mettre en lumière toutes ces solutions qui existent déjà. C'est aussi l'occasion de confronter différents points de vue, de tous les secteurs d'activité. C'est un bon moyen de montrer au monde entier, puisqu'il s'agit d'un sommet international, que nous avons un écosystème puissant en France. Nous disposons d’atouts majeurs, avec des instituts de recherche comme le CEA, le CNRS, et évidemment Paris-Saclay. Ce qui nous permet de former les meilleurs chercheurs en intelligence artificielle, mais aussi de passer de la recherche au monde de l'innovation en créant des entreprises. Le Président de la République l’a annoncé : nous allons passer de 40 000 à 100 000 chercheurs formés en IA en France d’ici 2030. Enfin, ici à Station F, à l’occasion de ce Business Day, il y a des rencontres business et investisseurs, parce que c'est ce qui compte pour nos entreprises avant tout. Le Président de la République a annoncé 109 milliards d’euros d'investissements. C'est grâce aux positions de la France sur l'intelligence artificielle que cela est rendu possible. Le sommet a rendu visible tout le travail qui est réalisé.
Justement, bien que ce montant de 109 milliards d’euros semble élevé, croyez-vous qu’il soit suffisant pour rivaliser face aux Etats-Unis et à la Chine?
La France est actuellement à la troisième place en matière de recherche, formation et infrastructures pour l’IA. Ce montant va conforter notre position. Aujourd'hui l'écosystème français en IA, ce sont 1 000 startups qui ont levé 1,9 milliards d’euros rien qu’en 2024. Ce sont des entreprises qui créent des emplois, et qui sont pour la plupart rentables ou le seront bientôt. Il y a aussi un deuxième objectif pour les entreprises de l'intelligence artificielle, évidemment, c'est le business. Les levées de fonds sont essentielles et je pense que ces 109 milliards contribueront à répondre à l'objectif.
Comment les grandes entreprises s’emparent-elles de l’IA, et notamment de l’IA générative ? Et comment fait-on pour qu’elles travaillent encore plus avec nos 1000 startups de l’IA ?
Aujourd’hui, seulement 30% des grands comptes déclarent déployer l'IA de manière opérationnelle. Il y a donc une grande marge de progression et un vrai réflexe culturel à créer autour de l'adoption des solutions d'intelligence artificielle française. C'est d'ailleurs pour cela que la Mission French Tech a lancé le programme « Je choisis la French Tech ». Aujourd'hui, nous avons 600 entreprises signataires et 80 partenaires institutionnels. L'objectif d'une journée comme aujourd'hui, c'est évidemment de faire monter la jauge. On s'est fixé 1000 partenaires pour « Je choisis la French Tech ». Et surtout, c'est du “gagnant-gagnant puisque les entreprises, les TPE, les PME, les ETI, comme les grands comptes, qui utilisent des solutions d'intelligence artificielle, ont accès à de meilleurs process, de meilleurs parcours utilisateurs, de meilleures expériences aussi pour leurs collaborateurs. Ce qui permet à nos startups en intelligence artificielle de se développer plus vite.
Êtes vous favorable à un “Small Business Act “ en Europe, sur le même modèle qu’aux Etats-Unis qui inciterait les grandes entreprises à privilégier les startups européennes ?
C'est un sujet essentiel. Au sein du French Tech Next40/120, 88% des startups ont une présence à l'international, ou sont leaders sur leur marché, y compris à l'international. Donc il y a un vrai enjeu à ce que ces entreprises se déploient aussi et qu'elles trouvent effectivement des clients partout où elles sont implantées. L’enjeu c’est de créer un réflexe européen : avant d'aller chercher des solutions à l’étranger, regardons déjà quelles sont nos solutions ici en Europe, car il y a des solutions concrètes, prêtes à être implémentées dans les entreprises. Nous avons la chance d'avoir des politiques qui sont en soutien de l'écosystème tech, comme notre ministre de l'Intelligence artificielle et du Numérique Clara Chappaz qui connaît bien les enjeux de nos startups et qui peut nous représenter, y compris dans un contexte international.