Historiquement ancrés sur le marché hexagonal, plusieurs fonds de capital-risque français prennent aujourd’hui une dimension européenne. Face à une concurrence accrue et à l’ambition croissante des startups qu’ils financent, des acteurs comme XAnge et Alven ont amorcé un virage stratégique, s’étendant bien au-delà des frontières françaises. Objectif : capter les meilleures opportunités et accompagner les jeunes pousses vers un développement international.

Pourquoi cette européanisation ?

Derrière cette transformation, plusieurs facteurs stratégiques entrent en jeu. D’abord, l’accès à un marché plus vaste. « Pour monter un beau leader, il faut un marché de taille suffisante », avance Alexis du Peloux, partner chez XAnge. En effet, en devenant paneuropéens, les fonds élargissent leur champ d’action et permettent à leurs startups de penser grand dès le départ. « Nos startups ne peuvent plus se contenter d’un marché domestique. Dès la série A, elles doivent se positionner à l’échelle européenne. En tant que fonds, nous devons les accompagner dans cette expansion », complète Victor Charpentier, partner chez Alven.

Ensuite, il s’agit de se démarquer dans un environnement ultra-compétitif. Depuis 2020, le paysage du venture capital s’est considérablement mondialisé, avec une poussée des investisseurs britanniques et américains sur le territoire français. « Le marché est devenu extrêmement compétitif. Il y a dix ans, un fonds français pouvait se concentrer uniquement sur l’Hexagone. Aujourd’hui, il doit adopter une logique européenne pour attirer les meilleures startups », commente Victor Charpentier. 

XAnge et Alven, deux stratégies pour un même objectif

Si l’approche diffère, le but reste identique : renforcer la présence européenne. XAnge a amorcé son expansion dès 2008 avec un premier ancrage en Allemagne. Aujourd’hui, le fonds dispose de bureaux en Belgique et son prochain véhicule d’investissement sera intégralement paneuropéen. 

De son côté, Alven a misé sur une stratégie plus progressive. Avant de s’attaquer aux marchés très concurrentiels comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, le fonds a exploré des pays où l’écosystème VC était encore en structuration, tels que les Pays-Bas, les Nordiques et la Suisse. « Nous avons commencé par cibler les marchés au sein desquels l’offre en capital-risque était encore en structuration. Les Pays-Bas, la Suisse ou encore l’Estonie étaient des territoires où nous pouvions rapidement nous imposer. Ensuite, une fois notre crédibilité établie, nous avons intensifié nos efforts en Allemagne et au Royaume-Uni », précise Victor Charpentier. Aujourd’hui, 40 % de leurs investissements sont réalisés hors de France, contre 20 % pour leur précédent fonds.

Les défis d’un modèle paneuropéen

Élargir son champ d’action à l’Europe ne va pas sans obstacles. Parmi les principaux enjeux, la nécessité d’avoir une présence locale efficace. « Le VC, c’est une course à la taille et à la vitesse. Les vagues d’innovation arrivent vite, il faut être sur place pour repérer les meilleurs projets », souligne Alexis du Peloux. « Il faut aussi tisser un réseau de partenaires solides. Un fonds ne se contente pas d’investir, il doit aussi être un facilitateur d’affaires. En Allemagne, nous sommes capables de connecter nos startups à BASF et BMW, comme nous le faisons en France avec La Poste ou Michelin », poursuit-il. 

Enfin, s’adapter aux spécificités de chaque marché est essentiel. Contraintes réglementaires, dynamiques entrepreneuriales, attentes des investisseurs… chaque pays européen a ses propres codes. Alven a ainsi misé sur des équipes multiculturelles et sur des alliances stratégiques avec des acteurs locaux pour surmonter ces barrières. 

Vers une industrie paneuropéenne, voire internationale ?

L’européanisation des fonds français semble s’accélérer, mais sera-t-elle la norme pour tous les acteurs du marché ? « Les fonds early-stage peuvent encore fonctionner sur une base nationale, mais à mon sens, dès la série A, une ambition européenne devient incontournable. Ce qui était un avantage concurrentiel il y a quelques années est en train de devenir une nécessité », répond Victor Charpentier.

Si la logique paneuropéenne s’impose progressivement, certains fonds regardent déjà au-delà. « L’Europe est une étape essentielle, mais le vrai défi, c’est d’accompagner les startups sur le marché américain », estime Alexis du Peloux. « La question n’est plus seulement de s’internationaliser en Europe. Pour bâtir des leaders mondiaux, il faut aussi créer des ponts avec les États-Unis », abonde Victor Charpentier.

À terme, le capital-risque français pourrait donc évoluer vers un modèle hybride, combinant une forte implantation européenne et des passerelles stratégiques vers les États-Unis. Un mouvement qui, s’il venait à se confirmer, marquerait une nouvelle étape dans la transformation du venture capital hexagonal.