Pourquoi lever des fonds quand on peut générer un max de cash tout de suite ? Pourquoi recruter quand on peut tout automatiser ou presque pour monter en puissance ? Ces questions, qui paraissaient irréelles il y a encore peu de temps, de plus en plus d’entrepreneurs se les posent dans la tech, surtout de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, les jeunes pousses qui misent sur l’intelligence artificielle pour optimiser leur fonctionnement à l’extrême se multiplient dans la Silicon Valley. A tel point qu’un paradigme pas si surréaliste semble se dessiner dans la tech, et pas forcément qu’aux États-Unis.

Après le machine learning durant les années 2010, les arrivées des nouvelles vagues successives dans l’intelligence artificielle (générative puis agentique) ont ouvert un nouveau paradigme permettant de révolutionner le fonctionnement d’une entreprise. Surtout, des entrepreneurs y ont vu une ouverture pour se développer rapidement sans dépendre du bon-vouloir des investisseurs. Une aubaine alors que le robinet à cash s’est considérablement réduit depuis trois ans… sauf pour les startups qui se sont lancées à corps perdu dans l’IA. Tout un paradoxe !

Ces startups qui n’ont que faire d’être draguées par les fonds

Ainsi, de plus en plus de startups prennent une envergure impressionnante avec très peu de collaborateurs dans leurs rangs. C’est le cas par exemple de Gamma, «ChatGPT des présentations PowerPoint», qui engrange des dizaines de millions de dollars de revenus. Avec à peine une trentaine de salariés, la startup américaine, déjà rentable, a séduit plus de 50 millions d’utilisateurs. Et n’allez pas dire à Grant Lee, le patron de Gamma, qu’il pourrait lever des fonds pour accélérer son développement : cela ne l’intéresse absolument pas. Dans les colonnes du New York Times, il a même révélé que les fonds se bousculaient au portillon. Malgré cet engouement, il n’a aucune envie de les faire entrer au capital. Ce qui soulève des interrogations quant à la capacité des fonds de capital-risque à se réinventer face à un phénomène qui risque de ne pas être temporaire.

Dans la même veine, on peut aussi citer la startup Anysphere, qui a conçu le logiciel de codage Cursor, et la société ElevenLabs, spécialisée dans la création de voix à l’aide de l’IA, qui ont chacune franchi la barre des 100 millions de dollars de revenus récurrents annuels (ARR) en moins de deux ans et avec seulement une vingtaine d’employés respectifs. Une dernière illustration pour la route : Bolt, qui génère des sites web et applications en langage naturel, enregistre 20 millions de dollars d’ARR, 30 000 clients payants et 25 000 nouvelles applications créées quotidiennement. Le tout avec une quinzaine de collaborateurs.

«Sam Altman l’avait vu venir : la startup “one-person” à un milliard de dollars n’est plus une utopie, mais une échéance»

Bref, vous avez compris la mécanique. Et ce n’est qu’un début : 80 % des startups du dernier batch de Y Combinator, célèbre accélérateur américain, s’appuient sur des grands modèles de langage (LLM) pour prendre leur envol. Par conséquent, ce qui pourrait être vu par certaines comme une tendance durant quelques mois pourrait bien devenir la nouvelle norme pour une grande partie des entrepreneurs, et pas seulement dans la Silicon Valley. Les Frenchies d’Arcads.ai, qui développe un logiciel qui génère des vidéos de type UGC avec l’IA, atteignent déjà les 5 millions d’euros d’ARR avec seulement 5 employés. «L’IA générative et les LLM s’imposent comme l’infrastructure clé de demain : infiniment scalable, toujours plus abordable. Atteindre 1 million de chiffre d’affaires ? Cinq fois moins coûteux qu’avant l’ère de l’IA générative selon YC. Cette révolution dépasse de loin l’impact d’Uber ou d’Airbnb», estime ainsi Nicolas Guyon, notre expert IA chez Maddyness qui a créé le podcast «Comptoir IA».

Dans ce contexte, pourrait-on avoir bientôt une startup valorisée au moins un milliard de dollars avec aucun collaborateur pour épauler son fondateur ? Pour Sam Altman, le patron d’OpenAI, ce n’est qu’une question de temps. L’entrepreneur américain assure même que lui et ses amis se sont lancés un pari autour du moment où verra le jour une entreprise avec une seule personne qui vaudra un milliard de dollars. «Au début, je pensais que la startup à 1 milliard avec 0 salarié était une blague. Tout était parti d’une blague de Sam Altman sur WhatsApp, avec 50 personnes dans la conversation. Mais j’y crois de plus en plus», indique Nicolas Guyon. Avant d’ajouter : «Sam Altman l’avait vu venir : la startup “one-person” à un milliard de dollars n’est plus une utopie, mais une échéance.» Reste désormais à savoir quand celle-ci sortira du bois. Mais une chose est sûre : son apparition posera un nouveau jalon dans l'histoire de la tech mondiale.

L'ère des licornes unipersonnelles risque d'avoir un impact énorme au niveau sociétal. En effet, face à la possibilité de construire des business aussi puissants sans mobiliser des ressources financières ou humaines colossales, cela pourrait doper l'appétit entrepreneurial de millions de personnes à travers le monde. «Nous entrons dans l'âge d'or des innovateurs et des entrepreneurs. Grâce à l’IA, il est désormais possible de créer des entreprises avec très peu de moyens et sans lourdes structures humaines», estimait ainsi Laurent Alexandre, chirurgien-urologue, essayiste et entrepreneur à l'origine de Doctissimo, fin avril lors de la MKIA, notre événement dédié à l'intelligence artificielle.