Guerre en Ukraine, menace par les États-Unis de quitter l’Otan, retour à un protectionnisme, etc. Le monde change et les pays prennent conscience qu’acquérir une souveraineté militaire et de défense, en cas de conflit, est clé. Ce climat pourrait bénéficier aux startups françaises de la défense, longtemps négligées par les fonds d’investissement. Le bon moment donc pour lancer sa jeune pousse dans ce secteur.
C’est ce qu’a bien compris Florian Fournier, un des fondateurs de Payfit, spécialiste de la gestion de paie et de processus RH, qui a quitté son rôle opérationnel en janvier 2024. Avec Arnaud Delaunay, ex-polytechnicien comme lui, et Fabio Gennari, ex-HEC et ex-ENA, rencontrés en classe préparatoire, ils fondent une nouvelle startup baptisée Orasio, en référence au terme « orasi » qui signifie « vision » en grec. « Ce lancement est le fruit de 12 mois de préparation. Après neuf années passées à construire Payfit, j’avais à cœur de me réengager dans une aventure entrepreneuriale, en partant de zéro, sur un sujet profondément structurant pour la société : la sécurité et la défense », souligne Florian Fournier, désormais CEO d’Orasio. « J’ai toujours eu une sensibilité forte pour les enjeux de défense, renforcée lors de mon passage en école militaire » ajoute t-il.
Devenir une alternative européenne aux américains et israéliens
Créée début 2025, Orasio développe des solutions d’intelligence artificielle permettant d’analyser et de détecter en temps réel des situations critiques dans des flux vidéo. Ainsi, la startup va aider les militaires, les collectivités territoriales et les grandes entreprises à analyser automatiquement leurs images vidéo pour les alerter et les assister en cas d'événement anormal. Plus précisément, il s’agit de travailler avec les entreprises qui exploitent les stades, les ports, les aéroports ou les gares, les services de police et de gendarmerie, et bien sûr les collectivités territoriales comme les villes ou les régions. « Aujourd'hui, 95% des grandes villes en France sont équipées d’un système de vidéoprotection, signe de la place prise par cette technologie dans nos politiques de sécurité », constate Florian Fournier.
Concrètement, Orasio va pouvoir ainsi mieux observer le départ d’un feu, une chute de personnes, des mouvements de foule ou des ports d’armes grâce à l’IA et aux images vidéo de ses clients, et donner l’alerte rapidement en cas de problème. « Nous sommes partis d’un double constat : l’intelligence artificielle appliquée à la vidéo va connaître une expansion considérable dans les dix prochaines années ; et aujourd’hui, les solutions les plus avancées dans ce domaine sont principalement américaines, israéliennes ou chinoises. Cela pose un véritable défi en matière de souveraineté technologique pour l’Europe. Notre ambition est claire : concevoir une solution 100 % européenne, capable de rivaliser technologiquement avec les meilleurs acteurs mondiaux, tout en respectant les standards éthiques et juridiques européens », affirme Florian Fournier. Selon lui, il y a une vraie place à prendre sur ce créneau en Europe. « A ce stade, il faut reconnaitre que les solutions européennes ne sont pas en mesure de concurrencer celles des leaders mondiaux, tant sur le plan technologique que sur celui du déploiement », considère t-il.
Levée de 16 millions d’euros
Pour mettre sur les rails sa startup, le dirigeant annonce une levée de fonds de 16 millions d’euros. Le tour de table a été mené par le fonds français Frst, spécialiste de l’amorçage. Ce dernier a déployé 150 millions d’euros dans plus de cinquante startups depuis sa création il y a 10 ans. Il a pris des participations au démarrage des entreprises comme Pigment, Electra, Doctrine ou un certain Payfit.
Pour cette nouvelle startup, Frst apporte un peu plus d’un tiers des capitaux injectés. Parmi les investisseurs, on retrouve le fonds allemand Global Founders Capital et le fonds polonais Expéditions Fund. Ce dernier, basé à Varsovie, Londres et Genève, est aussi un spécialiste de l’amorçage. Il investit notamment dans les secteurs de la défense et de la cybersécurité. « Nous avons fait le choix d’inscrire notre projet dans une dynamique européenne dès l’origine, en nous entourant d’investisseurs exclusivement européens pour cette première levée de fonds », précise Florian Fournier.
Ces fonds vont permettre à Orasio de se développer technologiquement et de construire des produits « aussi compétitifs que les meilleures solutions mondiales », dixit le dirigeant. L’entreprise, qui compte déjà huit collaborateurs, est aussi en train de recruter de nouveaux salariés, surtout dans les équipes techniques, avec des profils seniors, spécialisés en « computer vision ». Enfin, elle veut utiliser ces fonds pour commercialiser ses produits à l’échelle européenne. Ils seront disponibles à partir de cet été. Il s’agit d’abord de conquérir le territoire national. Puis, très vite, la jeune pousse souhaite s’implanter en Allemagne, en Espagne ou en Pologne. Et « clairement, cela ne s’arrêtera pas là », avance son CEO.