Depuis plusieurs années, une révolution silencieuse transforme le football européen. Tandis que les projecteurs des médias braquent Kylian Mbappé à Madrid ou s’enthousiasment devant les débuts de Yamine Lamal, les clubs professionnels, eux, vivent en coulisse une mutation en profondeur. Bardés de capteurs, les joueurs voient chacun de leurs mouvements mesurés, stockés, analysés. Les entraîneurs ajustent leurs tactiques en temps réel à partir de visualisations de données. Les préparateurs physiques surveillent la charge de travail au battement de cœur près. Et les clubs investissent massivement dans des outils d’analyse de données pour optimiser chaque décision. La data est devenue une ressource stratégique au cœur de la performance.

Mais dans cet écosystème devenu très technologique, un domaine reste encore étonnamment peu transformé par l’intelligence artificielle : la détection et le recrutement de jeunes joueurs. Certes, les réseaux de scouts sont aujourd’hui assistés par des bases de données enrichies, des plateformes de visionnage, voire des indicateurs statistiques. Mais les clubs n’ont pas encore pleinement exploité les possibilités offertes par l’IA pour transformer leur manière d’identifier et de projeter le potentiel des futurs joueurs.

Grâce à la modélisation prédictive, il est aujourd’hui possible non seulement d’évaluer la performance actuelle d’un joueur, mais aussi d’anticiper son évolution, sa valorisation, et même estimer sa valeur s’il change de club ou de championnat. Les modèles prédictifs permettent aussi de rendre comparables les performances d’un joueur d’un championnat à un autre, et peuvent calculer la probabilité d’adaptation d’un joueur à un championnat ou même à une équipe. L’IA ne remplace pas l’intuition du recruteur, mais elle la renforce, la complète, et surtout, elle réduit le risque d’erreur coûteuse.

Les clubs français sont encore dans une logique artisanale 

Chez AVISIA, nous avons mis au point un index de joueur qui collecte depuis 7 saisons les données de 61 ligues européennes issues de 28 pays différents. Sur chaque joueur, nous collectons une centaine d’indicateurs de suivi. Nous avons d’ailleurs à plusieurs reprises accompagné des clubs dans cette démarche avec succès.

Ce levier est d’autant plus stratégique dans un contexte où les clubs français font face à une baisse des financements, notamment à des droits audiovisuels en baisse, et par conséquent à des équilibres financiers fragilisés. Dans ce contexte, le recrutement intelligent, ciblé, anticipé peut devenir une source plus structurante de revenu et un avantage compétitif majeur.

Là où les plus grandes écuries européennes s’appuient déjà sur des équipes entières d’analystes, les clubs français restent, pour beaucoup, dans une logique encore artisanale, parfois brillante mais difficilement systématisable et développable à l’échelle européenne. Investir dans l’IA, c'est investir dans le développement des clubs, leur autonomie financière. C’est inscrire leur stratégie dans le temps long, tout en s’adaptant à la compétition immédiate. C’est aussi faire face à une réalité : dans un football mondialisé, les meilleures décisions ne peuvent plus reposer uniquement sur l’œil d’un homme au bord d’un terrain.