On leur prédisait le pire : une débâcle en quelques semaines. Le 24 février 2022, lorsque commence officiellement l’invasion de l'Ukraine, les analystes géopolitiques expliquent alors que la puissance de l’armée russe est telle que le pays de Volodymyr Zelensky allait rapidement capituler. Trois ans après le début de cette guerre, force est de constater que les pronostics ont été déjoués. Si 19 % du territoire ukrainien d’avant-guerre sont désormais contrôlés par l’armée de Vladimir Poutine, nous sommes loin de la déroute annoncée. 

Une situation qui s’explique par un esprit de résistance ukrainien qualifié “d’héroïque” par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, mais aussi … grâce à la tech. En effet, là où Moscou mise sur sa supériorité dans le secteur de l’armement en alignant chars et autres missiles, Kiev lui répond en capitalisant sur son écosystème tech, ses startups et ses drones derniers cri. 

 

L’Ukraine a développé sa “Mission French Tech” de guerre

En avril 2023, après plus d’un an de conflit, Kiev lançait Brave-1, une plateforme visant à rassembler des acteurs de la tech, de l’informatique et de l’armement afin de développer des idées pouvant être utilisées dans la défense de l’Ukraine. Depuis son lancement, Brave-1 a permis de tester plus de 200 projets et d’en financer près d’une trentaine, lesquels sont déjà utilisés par l’armée ukrainienne sur le front. 

C’est le cas notamment de la plateforme e-Bal apparue en fin de printemps dernier et rendue accessible aux soldats ukrainiens. Cette application, utilisable via smartphone, permet aux combattants de “commander” des armes à distance ainsi que de se les faire livrer par drone, dans n’importe quelle zone d’action. Elle est réservée aux unités obtenant “les meilleurs résultats”, via un sordide barème gradué selon le type de dégâts infligés à l’ennemi.

La technologie de livraison d'armes par drones s'est largement répandue sur le front. Elle avait en outre permis à un soldat ukrainien de se faire livrer des armes et des vélos, afin de fuir une embuscade tendue par des militaires russes, le tout sous un feu nourri.

L’IA ukrainienne capable de frapper le territoire russe en plein coeur

Au début du mois de juin 2025, l’Ukraine avait attaqué par drones des infrastructures russes sur l’ensemble du territoire, des dégâts ayant été recensés jusqu’en Sibérie. Une attaque rendue possible grâce à la solution développée par la startup ukrainienne Swarmer, qui permet un pilotage multiple de drones par l’IA. 

Swarmer est l’une des 200 startups sélectionnées par le gouvernement ukrainien dans le cadre de sa campagne de défense contre l’armée russe. Son PDG avait déclaré que “l'automatisation contribue à protéger les pilotes de drones qui opèrent à proximité des lignes de front et constituent une cible prioritaire pour les tirs ennemis.” Cette attaque, nommée “Toile d’araignée” avait infligé près de 7 milliards de dollars de dégâts à l’armée de l’air russe, selon le service de sécurité ukrainien. 

 

Un avenir après la guerre en Ukraine ? 

Mais à l’heure où ce conflit s’entérine et que des pourparlers se sont ouverts cette semaine à Washington pour signer une trêve définitive entre Russes et Ukrainiens, ces innovations devraient néanmoins demeurer après la fin de la guerre. Lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine qui s’est tenue à Rome les 10 et 11 juillet 2025, la Commission européenne a annoncé le lancement de Brave Tech EU. Cette initiative stratégique vise à accélérer l’innovation dans le domaine de la défense en s’appuyant sur l’expérience acquise par les startups ukrainiennes sur le champ de bataille ainsi que sur les outils de financement de l’Union européenne.

Une manière pour l’Europe des 27 de renforcer sa relation avec l’Ukraine, ainsi que de consolider sa propre base industrielle et militaire. Cette dynamique conjointe s’aligne sur la vision du Livre blanc sur la défense européenne à l’horizon 2030 et sur les travaux du nouveau groupe UE-Ukraine pour la coopération industrielle dans la défense. Une démarche qui devrait permettre, à terme, la convergence des deux écosystèmes dans les années à venir. Un rapprochement longtemps fantasmé par les Ukrainiens et historiquement vu d’un mauvais œil par les Russes, qui pourrait potentiellement mettre en péril tout processus de paix mais bénéficier à d’autres pays frontaliers comme la Finlande.