Luc Julia dirait-il “n’importe quoi” ? C’est ce qu’affirme le vulgarisateur YouTube Monsieur Phi, dans sa vidéo postée sur la plateforme américaine le 12 août dernier. Cet ancien professeur de philosophie est spécialisé dans la vulgarisation scientifique et philosophique, et est répertorié comme l’une des 350 chaînes YouTube culturelles et scientifiques francophones considérées comme adaptées à un usage éducatif.
À l’origine, le youtubeur de 36 ans revient sur l’audition au Sénat qui s’est tenue le 18 juin 2025, de celui qui est communément appelé “pape de l’IA”. Alors qu’il était interrogé en sa qualité d’expert en IA, Luc Julia avait déclaré que “les outils d’IA de type LLM, dont ChatGPT, avaient une marge d’erreur de 36%.” Une affirmation controversée, d’une part, mais surtout jugée désuète car trop ancienne, puisqu’elle avait été rédigée par une université hongkongaise en 2022, aux prémices de la démocratisation de l’IA.
Une critique qui en appelle une autre, puisque Monsieur Phi relate que le chercheur occitan affirme que GPT‑4 s’appuie sur “1 200 milliards de données”, soit la quantité totale de données sur Internet. Une déclaration partiellement vraie, puisqu’il s’agit de données d’entraînement et non des paramètres du modèle. Elle a toutefois été qualifiée de “grossière erreur” par Marie‑Christine Rousset, membre de l’European Association for Artificial Intelligence (EurAI), dans les colonnes de Libération.
Luc Julia a-t-il vraiment co-créé Siri ?
Mais un des points de la vidéo qui interroge et critique le plus Luc Julia tourne autour de son CV. Si Monsieur Phi, de son vrai nom Thibaut Giraud, ne le remet pas en cause dans son intégralité, il pointe du doigt son rôle dans la conception de Siri. Pour cet ancien professeur de philosophie, toute la médiatisation de Julia est indissociable de Siri, alors que dans les faits “c’est une situation très arrangée, pour ne pas dire plus.” En clair, le youtubeur remet en cause le rôle qu’a vraiment joué l’homme à la chemise à fleurs dans la création de Siri.
Un narratif corroboré par un des fondateurs de Siri, Tom Gruber, qui affirme à Numerama que Luc Julia n’est pas “le cofondateur” de Siri, contrairement à ce qui était avancé par les différents médias francophones. Il nuance tout de même son propos en expliquant que Julia a contribué au développement de l’assistant vocal, notamment en développant son ancêtre “The Assistant”. C’est en partie pour cette raison qu’il aurait été rappelé par ses anciens associés, dont Adam Cheyer, pour reprendre les rênes de l’équipe Siri, à Cupertino, au siège d’Apple, en 2011.
Luc Julia contre attaque
Luc Julia a lui-même réagi au micro du journaliste de France Info Julien Pain, en expliquant ne pas être le fondateur de Siri mais bien à l’origine des brevets qui ont permis la conception finale de Siri, une dizaine d’années plus tard. “Je ne suis pas le père de Siri, mais plutôt son grand-père”, a-t-il déclaré. Une situation qui, toutefois, ne semble pas atteindre Luc Julia: “Il paraît que la vidéo de Monsieur Phi a fait plus de 200 000 vues, que ça lui a permis de gagner de l’argent, on va dire que c’est la rançon de la gloire.” Luc Julia regrette cependant de ne pas avoir eu droit à son droit de réponse dans la vidéo : “Ce qui aurait été bien, c’est qu’il me parle au lieu de dire n’importe quoi (...) Je lui aurais sorti mes diplômes et tous les éléments qu’il remet en cause.”
Si certains éléments de la vidéo sont avérés, il semble que nous soyons loin du “grand n’importe quoi” avancé par le vidéaste. Un débat subsiste, cependant, sur les propos avancés par Luc Julia, loin de faire l’unanimité au sein de l’écosystème. Mais la vraie question ne serait pas de savoir si Luc Julia “ne sait pas de quoi il parle”, mais bien de comprendre comment on peut devenir le chef scientifique de Renault, une des plus grosses entreprises du CAC 40, si l’on est un “usurpateur” en IA ?