Le moins que l'on puisse c'est qu'ils sont à contre-courant de l'écosystème. Armand Thiberge, Marc Batty et Jean-Baptiste Rudelle, respectivement fondateurs de Brevo, Dataiku et Criteo appellent les entrepreneurs à accepter la taxe Zucman, dans La Tribune Dimanche. Les trois entrepreneurs estiment que "les plus aisés doivent montrer l'exemple. C'est une question d'équité, de justice fiscale et, surtout, de cohésion nationale". Pour rappel, cette taxe vise à ponctionner 2% du patrimoine des personnes disposant de plus de 100 millions d'euros de fortune.
Pour cela, ils reprennent le constat de l'économiste Gabriel Zucman. Selon ce dernier, les plus riches de notre pays payent moins d'impôt, proportionnellement à leur fortune, que le reste des français. Ainsi, les trois fondateurs dénoncent que le patrimoine des plus riches soit mis dans des holdings, "où la taxation est beaucoup plus favorable que pour les revenus du travail. Résultat : les plus fortunés se retrouvent avec un taux d'imposition global nettement plus faible que ceux qui vivent de leur travail. La taxe Zucman vise ainsi à rétablir une meilleure équité entre les revenus du travail et ceux du capital".
"L'illiquidité des actions des startups, un faux problème"
Après cette précision, Armand Thiberge, Marc Batty et Jean-Baptiste Rudelle tentent de balayer les arguments avancés contre cette taxe. Ils considèrent d'abord que l'illiquidité des patrimoines des créateurs de startups est "un faux problème". Pour rappel, les titres des startups, qui permet aux fondateurs de licornes d'être potentiellement assujettis à cette taxe puisqu'ils sont détenteurs d'une partie de leur entreprise, ne sont pas cotés. Il est donc plus difficile de les vendre rapidement en cas de besoin.
Cependant, selon les trois entrepreneurs, "pour ces situations, la solution est simple : rendre la taxe payable en actions. Vu le faible nombre de dossiers concernés, Bpifrance pourrait gérer sans difficulté un fonds dédié à ces participations". Ils poursuivent : "les transferts pourraient s'accompagner d'un accord qui délègue les droits de vote des actions transmises au cédant, afin de ne pas modifier les équilibres en matière de contrôle. Une option de rachat permettrait aussi à l'entrepreneur, s'il le souhaite, de récupérer ses actions une fois qu'il dispose des liquidités. Ce mécanisme garantit le paiement de l'impôt, sans forcer de cession et sans déstabiliser la gouvernance des entreprises concernées".
"Etre français ouvre des droits et devoirs"
Armand Thiberge, Marc Batty et Jean-Baptiste Rudelle écartent aussi l'argument selon lequel l'instauration d'une telle taxe enverrait un signal négatif à la création d'entreprises. Ils invoquent pour cela la Californie. Selon eux, "les taux marginaux d'imposition y sont supérieurs à ceux de la France et la transparence sur les holdings patrimoniales limite l'optimisation fiscale. Cela n'a pas freiné l'essor de la Silicon Valley. La dynamique entrepreneuriale tient avant tout à un état d'esprit, loin devant les considérations fiscales.
En conclusion, ils en appellent au sens civique des entrepreneurs les plus riches. "Être français ouvre de nombreux droits et avantages, mais implique aussi des devoirs, dont celui de contribuer fiscalement à la collectivité. Les grandes fortunes françaises ont d'ailleurs largement prospéré grâce aux infrastructures, aux talents formés par l'école publique, aux soutiens étatiques et à la sécurité juridique qu'offre la France. Il est donc légitime qu'elles assument leur pleine part du financement de ce modèle".