En Europe, on croyait avoir identifié les places fortes de la tech : Londres, Paris, Berlin. Et pourtant, depuis deux ans, un nouvel acteur déjoue les pronostics. L’Italie, longtemps considérée comme un marché secondaire, s’impose désormais comme l’un des écosystèmes les plus dynamiques du continent.
L’Italian Tech Week 2025, qui vient de se clôturer, et qui s'est déroulée à Turin en Italie, du 1er au 3 octobre, en donne une illustration symbolique. Turin a accueilli plus de 15 000 participants et a réuni des figures comme Jeff Bezos, patron d’Amazon ou John Elkann, président de Ferrari.
L’événement reflète un mouvement de fond. Derrière la scène, les chiffres témoignent d’une vitalité nouvelle. En 2024, les startups italiennes ont levé environ 1,5 milliard d’euros via 417 opérations, soit une croissance de près de 30 % par rapport à 2023, selon l’Observatoire Growth Capital / Italian Tech Alliance. D’autres sources, comme le rapport State of Italian VC, avancent 1,1 milliard réparti sur 628 deals. Mais toutes convergent sur un point : la dynamique est là.
Sur la période 2017-2024, le capital-risque a été multiplié par douze. Le nombre d’investisseurs actifs est passé de 172 à 297 et la part des capitaux internationaux dans les tours italiens de 24 % à 42 %. Autrement dit, le marché s’élargit et attire.
Les raisons d'un succès
Mais alors pourquoi un tel dynamisme ? Tout d'abord, il existe CDP Venture Capital, que l’on pourrait comparer à Bpifrance. CDP Venture a annoncé investir 5 milliards d’euros jusqu’à 2028, près d’un milliard par an. Soit près de la moitié du montant total des levées italiennes.
De plus, Marc Ménasé, président du fonds Founders Future (et actionnaire majoritaire de Maddyness), qui a notamment investi dans Daze, une startup italienne de bornes de recharges pour les véhicules électriques, affirme que «l'Italie a toujours eu un terreau entrepreneurial exceptionnel avec un véritable marché adressable en Europe. L'écosystème digital et tech était légèrement en retrait, nous observons chez Founders Future un vrai rattrapage et sommes ravis d'y participer en faisant nos premiers deals, comme Daze en février dernier aux côtés de CDP Venture». Enfin, une des forces du pays est le transfert fluide de technologies entre les universités et les startups.
Cette vitalité se cristallise dans des scale-ups déjà valorisées à plusieurs centaines de millions, voire au-delà du milliard. Scalapay, spécialiste du paiement fractionné, a franchi le cap de l’“unicorn”, valorisée à plus d’1 milliard de dollars après avoir levé près de 727 M$. Satispay, fintech aussi du paiement, a collecté 320 M€, atteignant une valorisation supérieure à 1 milliard d’euros. Et Casavo, dans la proptech, est estimée à environ 500 M$ après plus de 200 M$ levés.
Ce qu'a dit Ursula von der Leyen
Ces entreprises donnent à l’Italie une visibilité européenne et financière que beaucoup n’anticipaient pas il y a quelques années. Reste que l’Italie doit encore consolider sa colonne vertébrale : trop peu d’exits, une épargne longue encore absente du venture et un late stage dépendant de capitaux étrangers.
Mais c’est précisément ce qui rend l’Italian Tech Week stratégique. Plus qu’une vitrine, l’événement peut devenir un catalyseur. En mettant l’Italie sous le feu des projecteurs, il rappelle que la croissance rapide doit désormais se transformer en solidité structurelle.
Comme l’a dit Ursula von der Leyen à l'évènement, la Présidente de la Commission européenne à Turin : « Mon point est simple. Une startup de San Francisco peut facilement se développer à travers les États-Unis. Je veux que ce soit la même chose pour vous. Parce que l’Europe est votre maison. Et vous devez vous y sentir chez vous, partout en Europe. » La question n’est donc plus de savoir si l’Italie est sortie de la marge : elle l’est déjà. Le véritable enjeu, c’est de savoir si l’Europe saura coordonner ses forces pour peser face aux États-Unis et à la Chine.