Lever en seed n’a jamais été aussi complexe. D’après une étude exclusive de XAnge (en partenariat avec Dealroom, Sofinnova Partners, Netlight et torq.partners), basées sur 4 236 startups européennes créées entre 2011 et 2024, seulement 55 % atteignent la série A en moins de 24 mois. La médiane européenne s’établit désormais à 22 mois, contre 18 mois aux États-Unis. Un écart qui remet en cause le mythe du “cycle de 18 mois” encore très présent dans les roadmaps.
« Lever un tour de Seed auprès de VCs n’est plus un réflexe, c’est devenu une décision stratégique qu’il faut minutieusement chronométrer – si tant est qu’on décide de lever », rappelle Valerie Bures, Partner chez XAnge. Dans un contexte de taux élevés et de capital plus sélectif, l’intelligence artificielle a fait baisser les coûts de développement, mais elle a renforcé la compétition pour l’accès au financement.
Trois enseignements clés pour réussir son amorçage
Le temps où une levée se préparait en quelques mois est révolu. Dans un marché plus exigeant, XAnge invite les fondateurs à penser leur financement comme un marathon plutôt qu’un sprint. Mieux vaut planifier une trajectoire de 24 à 36 mois et combiner plusieurs leviers (capital-risque, dettes, subventions, business angels) pour sécuriser la croissance.
En France, d’après les données de la startup Start 2 Scale, les tours de seed incluent aujourd’hui en moyenne 42% de dette, signe que l’“empilement de capital” s’impose comme la nouvelle norme. Cette hybridation permet de préserver l’équilibre entre dilution, flexibilité et autonomie de décision.
Premier guide du genre à s’y intéresser, “The Seed Blueprint” montre aussi que la réussite d’une levée se joue bien avant la prise de contact avec les fonds. Les investisseurs scrutent désormais les signaux publics laissés par les startups : cohérence des profils LinkedIn, activité sur Product Hunt, GitHub ou Hacker News, interactions d’équipe… L’objectif est de créer une “rafale de signaux” cohérente sur une courte période, capable de déclencher l’attention algorithmique des fonds. Travailler sa présence en ligne devient ainsi un levier stratégique à part entière, au même titre que le pitch ou la traction produit.
Autre enseignement fort du guide : la vitesse d’exécution ne doit pas se faire au détriment de la rigueur technique. Le guide introduit le concept d’“ingénierie du ressenti” : une méthode qui consiste à tirer parti de l’IA pour accélérer les cycles produits tout en garantissant leur fiabilité. Elle repose sur un principe simple : planifier, puis agir en utilisant des agents spécialisés plutôt que des IA génériques. Une approche pensée pour réduire les risques techniques et prouver, plus rapidement, la solidité du produit face aux investisseurs.
Un marché plus sélectif, mais plus professionnel
Entre le 1ᵉʳ trimestre 2024 et le 1ᵉʳ trimestre 2025, le nombre de deals seed en Europe a chuté de 42 %, selon les données Dealroom. En parallèle, la série A demande désormais 2,5 millions d’euros d’ARR en médiane, contre 800 000 euros auparavant. Et 27,5 % des fonds levés au premier semestre 2025 ont été orientés vers des startups d’IA, durcissant la concurrence pour les autres secteurs.
Face à cette nouvelle donne, les startups doivent s’adapter. « En Seed, la vitesse d’apprentissage compte plus que la vitesse de croissance », rappelle Jennifer Bemert, Senior Associate chez XAnge. Un message central du guide, qui invite les fondateurs à se concentrer sur la validation de leurs hypothèses, la discipline financière et la transparence des process plutôt que sur la course à la valorisation.
“The Seed Blueprint” signe ainsi un tournant pour les jeunes pousses européennes : lever n’est plus une fin en soi, mais un acte stratégique, à l’intersection du produit, du marché et de la capacité d’exécution. « Le seed d’aujourd’hui ressemble de plus en plus à la série A d’il y a dix ans. Cela est dû à la taille des levées, mais aussi au niveau de concurrence », résume Cyril Bertrand, Managing Partner de XAnge.