Sans grande surprise, la taxe Zucman a été rejetée à l’Assemblée nationale. Trop radicale pour la droite, l’extrême-droite et le centre, la mesure n’a pas réussi à récolter plus de 170 voix dans l’hémicycle. Après des semaines de débats enflammés autour de cette taxe qui donnerait envie à certains entrepreneurs de quitter l’Hexagone, celle-ci n’est donc plus d’actualité… Du moins dans sa forme originelle !

Néanmoins, la partie est encore loin d’être gagnée pour la French Tech. Les observateurs des débats parlementaires auront pu le constater ce vendredi 31 octobre au soir. Car quelques heures après le rejet de la taxe Zucman, les députés ont adopté un amendement pour acter la transformation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en «impôt sur la fortune improductive». La mesure était portée par le député Jean-Paul Mattei (MoDem), et sous-amendée par le député socialiste Philippe Brun.

Un nouvel ISF faute de taxe Zucman

Cela marque ainsi le retour du principe de l’ancien impôt sur la fortune (ISF) supprimé en 2018. A la différence de l’IFI, ce nouvel impôt comporte une assiette élargie à tous les actifs dits «improductifs». En plus des biens immobiliers, sont ainsi inclus les objets précieux, les voitures, les yachts, les œuvres d'art, les avions, les cryptomonnaies, les liquidités, les placements financiers non-investis dans les entreprises ou certains produits d'assurance-vie. Quant aux biens professionnels, ils sont, eux, toujours exclus du calcul. Le seuil de paiement de ce nouvel impôt est maintenu à 1,3 million d'euros, au lieu des 2 millions prévus dans l'amendement initial. Si cette «fortune improductive» dépasse une valeur de 1,3 million d'euros, elle sera désormais taxée à hauteur de 1 %, contre un taux de 0,5 à 1,5 % avec l'IFI.

Selon les socialistes, la réforme pourrait rapporter jusqu’à 4 milliards d’euros, contre 2,2 milliards pour l’IFI en 2024. Mais des économistes émettent des réserves sur ces perspectives, jugées très optimistes. Dans la foulée de l’adoption de cette mesure, certains acteurs de la French Tech n’ont pas manqué de faire part de leur dépit. «Le message politique est clair : la crypto est assimilée à une réserve improductive, non-utile à l’économie réelle. C’est une erreur idéologique majeure, mais révélatrice d’un virage fiscal : punir la détention de valeur en dehors du système monétaire fiat», a notamment écrit Éric Larchevêque, co-fondateur de Ledger, sur LinkedIn.

Des semaines à venir décisives

Par conséquent, entrepreneurs et investisseurs continueront d’être attentifs aux débats parlementaires dans les prochaines semaines. Surtout que chacun au Palais Bourbon défend sa paroisse, au risque de plonger un peu plus la politique française dans l’inconnu et les Français dans l’agacement et l’inquiétude. Et pour cause, les différents blocs politiques de l'hémicycle sont surtout d’accord pour ne pas être d’accord ! La culture du compromis, plus répandue chez nos voisins allemands, n’est pas franchement dans les gènes de la vie politique française. Pourtant, il faudra bien s’y résoudre, sous peine d’aggraver la crise politique actuelle et surtout le déficit qui plombe lourdement les finances de l’État.

Déjà que l’exécutif n’a plus la confiance des entrepreneurs de la French Tech, il n’est pas certain que l’appareil législatif leur donne davantage de satisfaction. Chacun était conscient qu’un changement brutal de la politique d’innovation de la France n’était pas à exclure en vue de l’élection présidentielle de 2027, mais la dissolution voulue par Emmanuel Macron l’an passé a finalement accéléré le processus.

Pour le meilleur ou pour le pire en 2027 ?

Coup de rabot en vue pour les dispositifs de soutien à l’innovation

Seul le temps sera le juge de paix. En attendant, les entrepreneurs vont continuer à prier pour que les dispositifs de soutien à l’innovation, comme le crédit d’impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt innovation (CII) ou encore le statut de «jeune entreprise innovante» (JEI), soient maintenus. Mais avant même son arrivée à l’Assemblée nationale, le projet de loi Finances 2026 du gouvernement avait prévu un coup de rabot, notamment avec la perspective de relever le seuil d’éligibilité au statut JEI.

Celui-ci permet à 4 500 startups d'obtenir des exonérations sociales et fiscales. Or le gouvernement souhaite porter de 20 % à 25 % la part minimale des dépenses de recherche et développement nécessaires pour en bénéficier. Une évolution qui pourrait, selon France Digitale, exclure plusieurs centaines de startups du dispositif.

Bref, la vigilance sera de mise pour les prochaines semaines !

Une fois le budget 2026 adopté, il sera temps de faire le point et de constater si l’on se dirige ou non vers un exode massif des entrepreneurs français. L’évolution des réservations de billets d’avion pour San Francisco constituera probablement un premier élément de réponse…