Docteur en chimie, Damien Mouchel dit Leguerrier, Baptiste Dautreppe et Richard Barré se rencontrent sur les bancs de l’Université de Grenoble. Animé par l’esprit d’entreprendre, Damien Mouchel cherchait un projet à transformer en startup, tout comme son voisin de paillasse, Richard Barré. Élève brillant, Baptiste Dautreppe développait, quant à lui, des électrodes pour la production d’hydrogène, particulièrement sobres en métaux.

Complémentaires et désireux de tracer leur propre voie, les trois décident, pendant la période du Covid, de valoriser les recherches avancées de Baptiste en leur trouvant une application concrète. Rapidement, l’idée de produire de l’hydrogène vert à partir de l’eau de mer s’impose. Pour accélérer leur technologie, ils rejoignent la SATT Linksium, accédant dès 2022 à un premier financement dédié à la maturation du projet. La startup Anodine naît en 2024. 

Pour autant, après un tour de terrain auprès d’acteurs industriels, le constat est sans appel : le marché de l’hydrogène n’est pas suffisamment mature. «Nous voulions nous attaquer à un enjeu colossal, mais il fallait que notre solution corresponde à un marché réel, pas simplement à un défi technologique», explique le CEO. Les fondateurs se tournent alors vers le traitement de l’eau, secteur plus mature et aux applications multiples.​​

Une solution industrielle innovante et à impact

Le principe : fabriquer et commercialiser de nouvelles électrodes pour électrolyseurs, capables de transformer le sel contenu dans l’eau en agents désinfectants. «Les électrolyseurs ouvrent la voie à de nombreuses applications : dépollution et traitement de l’eau, traitement des effluents, production d’énergie, génération d’hydrogène et d’oxygène, dessalement de l’eau de mer, pour n’en citer que quelques-unes. Toutes ces technologies nécessitent des électrodes, et c’est précisément ce que nous fabriquons», détaille Damien Mouchel dit Leguerrier.

Leur technologie a déjà fait ses preuves auprès de sept clients, en France, en Allemagne et en Australie. «Nous arrivons avec beaucoup de pédagogie : nous expliquons comment ça fonctionne, décortiquons le coût, et surtout nous proposons une compréhension nouvelle du produit afin que nos clients puissent enfin acheter de manière éclairée après plus de 50 ans dans le flou», précise le co-fondateur.

Le secret d’Anodine ? La combinaison entre un matériau breveté et un nouveau procédé de fabrication – le dip-coating ou enduction par trempage – qui permet de déposer de façon extrêmement précise un revêtement contenant moins de métaux rares, tout en optimisant les performances industrielles. «Notre ambition, c’est de faire mieux avec moins de matières premières critiques. Nous voulons, par étapes, réussir à nous passer de ces métaux pour une électrode plus sobre mais aussi plus durable et plus accessible», poursuit le CEO. L’industrialisation en France, plutôt qu’en Asie, offre en outre une sécurité d’approvisionnement bienvenue et une empreinte environnementale maîtrisée, à l’heure où les prix des matières premières s’envolent et les réglementations RSE se durcissent.

Anodine a démarré la commercialisation en 2025 et vise une montée en puissance rapide : près d’un millier d’électrodes produites en 2025, avec l’objectif d’en livrer 40 000 en 2026 et 200 000 en 2027.​​

Des ambitions économiques portées par la communauté

Forte d’un accompagnement stratégique et technique de la SATT Linksium, la deeptech a ensuite mobilisé des aides non-dilutives. Elle a notamment été lauréate des subventions i-PhD et i-Lab de Bpifrance, décroché la Bourse French Tech et obtenu le crédit d'impôt recherche, pour un montant cumulé proche du million d’euros. 

La startup lance aujourd’hui sa première levée de fonds en seed, visant environ 850 000 euros en equity, pour atteindre un tour total de 2,3 millions d’euros en y ajoutant dette bancaire et subventions. Parmi les investisseurs : un fonds d’investissement early-stage, le réseau des business angels grenoblois et une campagne de financement participatif sur Sowefund – ouverte à partir de 1 000 euros. «Au-delà du financement, on voulait faire entrer dans l’aventure un panel de particuliers passionnés par l’innovation industrielle et la tech verte. Leur confiance est un véritable moteur pour notre croissance», insiste Damien Mouchel dit Leguerrier.​​

L’objectif ? Accélérer la construction d’une nouvelle ligne de production automatisée près de Grenoble, recruter les équipes de production et commerciales afin de produire et vendre. Avec des perspectives ambitieuses : 300 000 à 600 000 euros de chiffre d’affaires visés dès 2026, puis 2,4 millions en 2027, année où la rentabilité doit être atteinte.​​