Crise des vocations, déserts médicaux, saturation des hôpitaux… Le système français fait plus que jamais face à des déséquilibres structurels, qui fragilisent autant les patients que les soignants. Dans ce secteur en mutation, une question s’impose alors. Et si les nouvelles technologies, et notamment l’intelligence artificielle, pouvaient contribuer à réinventer le “care”, à savoir l’ensemble des pratiques visant à prendre soin des personnes et de son environnement ?
C’est là tout l’objet d’une étude conduite par Onepoint en partenariat avec l’institut Viavoice. Au-delà des chiffres, cette étude, disponible en téléchargement gratuit sur demande, met en lumière “une société lucide, parfois inquiète, mais majoritairement ouverte à l’idée que l’IA puisse humaniser plutôt que déshumaniser.”
Les Français favorables au développement de l’IA en santé
L’étude montre en effet que les Français voient dans ces outils des leviers pour mieux diagnostiquer, simplifier les parcours de soin et le suivi des traitements. Cela libère aussi du temps aux soignants pour mieux se concentrer sur leur cœur de métier. 49% d’entre eux souhaiteraient que leur médecin exploite davantage les IA.
Loin des discours technophobes, ils perçoivent le numérique comme des outils potentiels pour l’efficacité et le rééquilibrage du système. L’IA pourrait aussi soutenir la voie vers une médecine plus prédictive ou préventive.
Le “choc de la confiance” : conserver une IA éthique
Cette ouverture s’accompagne néanmoins de prudence et d’une forte attente en matière d’encadrement. Les Français interrogés demandent transparence, consentement, traçabilité, éthique et équité.
Se poseront entre autres des questions concernant la reproduction par les IA des biais sociaux existants ou sur la confidentialité des données, dans un environnement de plus en plus interconnecté, et avec les risques de cybersécurité que nous connaissons.
Interroger l’organisation du système de santé
Comme le souligne Muriel Touaty, partner éducation, recherche et innovation chez Onepoint, l’IA ne doit pas non plus être considérée comme un “remède miracle”. “L’enjeu, souligne l’experte, ne se restreint pas à une efficacité technique. C’est bien le pouvoir transformateur de la technologie sur l’organisation du système de santé qu’il faut aujourd’hui interroger.”
En clair, si l’IA doit s’inviter dans le secteur du soin, elle doit le faire au service de l’humain… et non à sa place !
De cette étude émerge donc une conviction : l’avenir de la santé ne se jouera pas dans un duel entre humain et machine, mais bel et bien une alliance. Rien ne saurait remplacer tout à fait l’écoute et l’attention d’un soignant. Une vision finalement plus proche d’un humanisme augmenté.
Un défi “moins technologique que sociétal”
Ce défi est par ailleurs “moins technologique que sociétal et culturel”. La technologie, reconnaît Muriel Touaty, “est déjà indissociable” du soin, et non “un sujet autonome.”
Jean-Gabriel Ganascia, philosophe et informaticien, membre du conseil scientifique de Onepoint, note ainsi que “le progrès médical est l’effet d’une convergence de multiples technologies”, et ce depuis déjà des années, via les technologies optiques, acoustiques ou lasers développées par exemple pour diagnostiquer ou soigner. Les IA elles-mêmes, sont déjà intégrées dans le secteur depuis les années 60 “grâce aux travaux d’un prix Nobel de médecine, Joshua Lederberg”, puis via des systèmes dans les années 70 (identification des maladies infectieuses, diagnostic différentiel en médecine interne, diagnostic des maladies pulmonaires, etc…).
La nuance se situe selon lui dans le fait que, “contrairement à d’autres technologies qui ont mis du temps à s’imposer dans le quotidien des patients, les bénéficiaires ont désormais un usage très immédiat de l’IA.”
Vous pourrez y trouver des interviews exclusives avec Arnaud Zegierman, sociologue et cofondateur de Viavoice, Jean-Gabriel Ganascia, Juliette Massart, docteure en psychologie, Nina Franiatte, docteur en psychologie cognitive, Olivier Wathelet, anthropologue, et Martin Lauquin, prospectiviste. De quoi mieux comprendre et saisir “les futurs possibles de la santé”.