Ce jeudi 4 décembre, sous une pluie fine, la Communale Saint-Ouen était passée en jaune vif - la couleur de Bpifrance. La banque publique investissait les 7 500 m2 du site pour favoriser la rencontre entre les entrepreneurs des quartiers, les organismes de financement et les réseaux d’accompagnement.

Une journée qui a donné la parole, sur la scène principale, à un mélange d’entrepreneurs et d’entrepreneuses, entrés avec un plaisir évident dans leur posture de Role Models. Pour valoriser l’audace et la capacité à faire un pas de côté, on pouvait entendre aussi des représentants de la magistrature, du rap ou encore de la voile hauturière. Répartis autour de la « base », un village des solutions, un espace spécial IA, des tables rondes sur des scènes plus feutrées et une zone dédiée au concours de pitch Money Time.

« Les financements, c’est nous », a rappelé Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, soulignant que la Bpifrance aime les entrepreneurs qui ont « des jeux de jambe de danseurs, de boxeurs » : « Il faut être fluide. La peur raidit. Si vous sentez que vous commencez à être un peu raides, venez nous voir ! »

S’entourer, le plus tôt possible

C’était le message principal de la journée, décliné sur tous les tons : faites-vous aider. Nous sommes là pour vous épauler. Ne restez pas seuls. « Ne rentrez pas chez vous en n’ayant pas osé vous arrêter aux stands, a lancé Claudia Ruzza (Positiv). Je sais ce que c’est, je l’ai vécu mille fois. Fixez-vous un objectif, allez discuter avec trois personnes aujourd’hui. »

« J’ai voulu créer, absolument, mon entreprise, et je l’ai fait, mais à un moment j’ai atteint un plafond de verre, j’ai eu peur de gagner plus que mes parents, et je suis allée voir le réseau Actionnelles que je préside aujourd’hui », a témoigné Frédérique Montrésor. Même conseil de la part de Céline Braun, cofondatice de Mekago, le « Doctolib des garagistes », accompagnée par la réseau d’entrepreneuses Les Premières : « Le plus difficile, c’est la solitude de l’entrepreneur. Se faire accompagner, c’est pouvoir partager ses doutes, ses craintes et ses petites victoires ».

Patricia Lexcellent, DG d’Initiative France, réseau associatif de financement des créateurs et repreneurs d'entreprise. (+30% de financements depuis l’an dernier) a insisté : « N’allez jamais voir une banque avant d’avoir rencontré l’un de nous, car on va vous aider à crédibiliser votre projet. Ne lancez pas votre projet dans votre coin en pensant que vous viendrez nous voir plus tard, venez tout de suite ! »

Sur place, nous avons rencontré Grégory Schepard, fondateur de Ma Salade à Toit, lauréat du concours Money Time 2024. ll livre à ses pairs le même conseil : « À tous les stades du projet, on a besoin d’avoir un regard extérieur, un point de vue d’expert. J’ai multiplié les programmes d’accompagnement et cela m’a vraiment permis d’avancer plus vite. Ces structures peuvent aussi nous rediriger vers des financeurs, car même si elles ne financent pas elles-mêmes, elles connaissent tout le maillage. Le Réseau Entreprendre 93 et France Active nous ont bien épaulés. »

Ma Salade à Toit est une ferme urbaine en toiture, à Noisy-Le-Grand. La première année de maraîchage vient de s’achever avec une production de deux tonnes de légumes, qui sera bientôt assortie de services de livraisons de repas auprès des nombreuses entreprises locales, pour la plupart situées en QPV. Grégory et son associée Margot-Lys ont pu décrocher des subventions de la Région, l’Ademe et du Département, et su convaincre des investisseurs citoyens comme Garrigue ou Les Cigales. Ils travaillent sur un nouveau tour de financement pour ouvrir au printemps prochain un espace de restauration et d’accueil du public. Après avoir embauché une maraîchère, ils vont recruter un ou une cheffe.

Le concours Money Time leur a apporté une visibilité médiatique, avec des passages dans le Monde, les Échos ou Konbini. Cette année, c’était au tour des lauréats régionaux de venir pitcher pour la finale au Quartier Général. Parmi eux, Baptiste Rigal, fondateur de La Belle Carte (Provence Côte d’Azur).

S’installer en QPV et dynamiser le territoire

Il s’est lancé dans la vente en ligne de cartes à jouer et à collectionner (neuf et occasion), avec ses deux associés, deux youtubers français fédérant 50 000 abonnés. Un jeu pour commencer (Magic: The Gathering) et 300 000 euros de chiffre d’affaires à date. Un second et un troisième jeu sont déjà prévus.

Ancien responsable de supermarchés et de fast-food, Baptiste Rigal a toujours voulu entreprendre, mais a attendu d’être certain du projet dans lequel il allait s’investir - un projet qu’il a choisi en parfait accord avec son épouse, dont le soutien est essentiel. La Belle Carte a recruté cette année son premier salarié ; le second arrive en janvier. Installée en quartiers prioritaires de la ville (QPV)  Baptiste et ses associés sponsorisent des tournois dans les quartiers de Toulon et Montpellier. « C’est important pour nous de contribuer à la vie de ces cités-là. »

Nicolas Dufourcq, rencontré à sa sortie de scène, salue les entrepreneurs des quartiers qui restent dans leurs villes d’origine - ce n’est pas toujours le cas. « Nous essayons de mailler le territoire, de rapprocher les entrepreneurs des milieux de financement, dont les portes leur semblent de prime abord fermées. Notre clef d’entrée, c’est le site Cap Créa, facilement identifiable par tous. »

Parmi les produits financiers les plus appréciés, le prêt à taux zéro : « Nous allons faire 20 millions d’euros en 2026, pour 30 000 prêts ».La demande excède l’offre : « Il nous manque des enveloppes financières nous permettant de faire plus de PTZ. » La bourse French Tech Tremplin, pour les entreprises les plus innovantes, connaît un beau succès aussi avec une subvention de 30 000 euros.

À noter enfin, Bpifrance vient de publier une étude complète sur les transmissions d’entreprise, un volet moins connu de l’entrepreneuriat dans les quartiers, mais plein de promesses : 40 % des dirigeants ont l’intention de transmettre leur entreprise dans les 5 prochaines années.

Les 3 lauréats Money Time 2025

Marine Le Bris pour Soleù

Laurent Lapierre pour Aurizeo

Victor Roy pour Loumo Correction