Déplorant il y a quelques semaines les coups de pression d'Apple sur certains de ses membres suite à une prise de position contre le monopole de la marque à la pomme, France Digitale contre-attaque. L'association vient de porter plainte ce mardi contre Apple auprès de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), accusant la marque à la pomme de ne pas demander le consentement de ses utilisateur·rice·s pour afficher de la publicité ciblée au sein de ses propres applications. France Digitale entend, par cette procédure, rééquilibrer les relations d'Apple avec les petites entreprises de la tech.

Apple communique des données non personnelles

Dans la plainte, dont l'AFP a pris connaissance, France Digitale, qui fédère plus de 2 000 startups, relève que l'option "Publicités personnalisées" ajoutée via une mise à jour des paramètres des iPhones et des ordinateurs Mac d'Apple, est activée par défaut. Cette option permet la diffusion de publicités ciblées au sein des applications d'Apple, comme le magasin d'applications App Store, Apple News, ou Bourse. Selon sa propre documentation, la firme de Cupertino (Californie) utilise des informations personnelles et techniques, la géolocalisation ou des historiques de recherches et de navigation.

Apple, qui communique largement sur son attachement au respect de la vie privée de ses utilisateur·rice·s, affirme ne pas transmettre ces données à des parties tierces, mais les agrège dans des "segments" de quelques milliers de personnes. "Nous sommes tenus de communiquer des données non personnelles à des partenaires stratégiques travaillant avec Apple à l'offre de nos produits et services, aidant Apple à la commercialisation auprès des clients et vendant des publicités pour le compte d'Apple" , explique encore l'entreprise.

"L'approbation par défaut et présumée par Apple du consentement de l'utilisateur ne saurait être déclarée conforme aux normes européennes en la matière" , dénonce France Digitale dans sa plainte auprès du régulateur français des données personnelles. L'organisation note aussi que l'utilisateur·rice n'est pas suffisamment informé·e du traitement appliqué à ses données personnelles.

"Nous ne laisserons pas une insupportable situation de deux-poids deux-mesures s'installer sur le marché de la publicité en ligne !" , a déclaré le directeur général de France Digitale Nicolas Brien.

"Si les faits sont avérés, cela voudrait dire qu'Apple se permet sur ses applications des choses qu'il n'autorise pas pour les développeurs d'applications tierces" , a-t-il dit à l'AFP.

"Les allégations de la plainte sont manifestement fausses et seront considérées pour ce qu'elles sont: une piètre tentative de ceux qui traquent les utilisateurs pour détourner l'attention de leurs propres actions et tromper les régulateurs et les décideurs politiques" , a répondu Apple dans une déclaration à l'AFP.

L'entreprise assure qu'elle ne piste pas ses utilisateurs et qu'elle s'applique à elle-même des règles identiques à celles appliquées aux autres développeurs.

Deux enquêtes et une plainte sont en cours

Apple déploie depuis plusieurs mois une série de changements annoncés à l'occasion de la sortie de son système d'exploitation mobile iOS 14. Il compte notamment demander systématiquement l'autorisation de l'utilisateur·rice pour laisser les développeur·euse·s d'applications utiliser l'identifiant publicitaire de l'appareil (IDFA). Ces annonces ont provoqué l'émoi du monde de la publicité numérique, très dépendant de l'utilisation des données personnelles.

Interrogé le mois dernier par Maddyness, Nicolas Brien rappellait que plusieurs procédures contre Apple sont en cours : "La Commission européenne a ouvert deux enquêtes sur son système de paiement Apple Pay et sa boutique en ligne App Store et une plainte pour abus de position dominante a été déposée par l’IAB France, MMAF, SRI, et l’UDECAM contre la volonté d’Apple de supprimer les identifiants, ne permettant plus aux annonceurs de réaliser des publicités ciblées et récupérant de facto le monopole publicitaire sur ses smartphones."

À l'inverse, l'ONG autrichienne NOYB avait porté plainte contre Apple en Allemagne et en Espagne pour avoir laissé jusqu'ici les applications utiliser l'IDFA sans un consentement spécifique.