Karima Delli est députée européenne Europe Ecologie Les Verts et Présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen. Aux côtés du Parlement, de la Commission Européenne et d’entreprises leader du transport en Europe, elle a récemment lancé le European Startup Prize for Mobility avec l'objectif de faire émerger les startups de la mobilité qui compteront dans le paysage de l'économie numérique en France et en Europe. Rencontre.

De quelle manière le secteur de la mobilité est-il amené à évoluer ?

La mobilité de demain est en train d’exploser, mais doit répondre à plusieurs défis. D’abord, un défi climatique : nous avons la volonté de faire du propre, notamment parce que nous avons des engagements vis-à-vis du climat mais également parce que nous ne pouvons pas laisser la pollution, cette maladie du 21ème siècle, prendre le pas sur notre quotidien. Les transports représentent aujourd'hui 30% des gaz à effet de serre. Nous n'aurons pas d'autre choix que d'aller vers les énergies vertes mais, pour cela, il faut que l'Europe prenne ses responsabilités en ce sens. Nous ne serons pas immédiatement 100% verts mais nous avons une opportunité historique de participer à la transition écologique.

Ensuite, nous souhaitons montrer que la technologie peut s’allier au volet social : la mobilité de demain sera inclusive, c’est à dire qu’elle doit être accessible à tous. La fracture numérique est bel et bien là, et nous nous rendons compte que tout le monde n’a pas un smartphone. Nous ne pouvons aujourd'hui décemment pas nous permettre de voir le fossé se creuser entre anciennes et nouvelles générations, entre zones rurales et villes. Tout ça va pouvoir se faire avec une grande idée : la solidarité. Notre modèle économique est en train de changer et, avec ça, nos valeurs. Une nouvelle valeur émerge : le collaboratif. La mobilité a toute sa place à jouer dans cette valeur.

Enfin, la mobilité de demain sera également signe de sûreté. Car 26 000 morts par an sur les routes en Europe, c’est encore trop. Et les innovations développées en ce sens donnent déjà de bons résultats.

Comment faire pour que cette révolution de la mobilité soit, justement, accessible aux territoires les plus reculés ?

Il est aujourd'hui impensable de laisser certains territoires exclus de cette révolution numérique. Le comportement des individus évolue, tout comme celui des entreprises, mais tous les territoires ne sont pas les mêmes et il faut expérimenter davantage en zones rurales pour trouver les solutions les plus adaptées à chacun. 

Par exemple, la voiture individuelle, indispensable dans certains territoires, n'est pas vouée à disparaître du jour au lendemain, mais elle va de plus en plus laisser la place à la voiture partagée. Pour que la transition se fasse au mieux, il faut régler la question du transport public réel, et se demander de quelle manière nous pouvons réactiver le transport public en milieu rural. Également, nous assistons à un retour de la nature dans les territoires ruraux, qui passe par une prise de conscience autour de l'utilisation du vélo.

De quelle manière travaillent les acteurs de la mobilité pour aller en ce sens ?

C'est compliqué pour certains d'entre-eux, comme les constructeurs, mais s'ils ne prennent pas la transition en marche ils seront perdants. Il faut redonner confiance aux consommateurs, sinon nous allons droit dans le mur. 

Nous assistons à l'émergence de nouvelles formes de mobilité : on parle de covoiturage, d’auto-partage, de libre service.... Tous les acteurs historiques sont là et ont envie de se positionner. Mais pour cela ils ont besoin des startups. Par exemple, la SNCF a signé un partenariat avec BlaBlaCar, mais aussi avec OuiCar... C'est ça, le nouveau service public. 

Et les pouvoirs publics ?

La technologie va beaucoup plus vite que le temps du politique. Nous ne pouvons pas mettre de contraintes car ça freine l'innovation mais, en même temps, il faut encadrer car c'est la "jungle". Un exemple très concret : la révolution digitale se heurte à un problème, et on l'a vu avec Uber, c'est le dumping social. On a l'impression que cette économie collaborative est en train de tuer des emplois et crée du dumping social en Europe. Pour cela il faut encadrer, réguler, définir ce qu'est exactement une plateforme numérique et l'économie collaborative, et à partir de ça on aura des règles et on pourra avancer.

On parle beaucoup, entre autres, de la voiture autonome. Mais la voiture autonome n'existe pas. Elle n'est pas encore là. La voiture intelligente est là, et en tant que législateur il faut préparer l'arrivée de la voiture autonome d'ici 10 ans. Il y a trois gros problèmes autour de ça : la question de la sécurité, parce qu'aujourd'hui il y a une urgence a sécuriser la mobilité qui peut être l'une des cibles des cyberattaques, le volet de la data, car aujourd'hui les données privées sont un enjeu majeur dans la question des transports, et enfin la question de la responsabilité légale, car en cas d'accident avec une voiture autonome, il faudra pouvoir définir qui sera responsable.

Pourquoi avoir décidé de lancer l'European Startup Prize for Mobility ?

J’ai décidé de lancer l'European Startup Prize for Mobility pour faire émerger et développer les futurs grands leaders de la mobilité avec une ambition majeure : montrer que l'Europe bouge, qu'elle est le nouveau terrain de jeu des startups. Les startups lauréates remporteront un tour européen dans cinq grandes villes dans lesquelles nous leur permettront de rencontrer les autorités locales, les accélérateurs, les investisseurs, ou de potentiels partenaires, afin de créer une connexion directe. Le tout pour montrer qu'aujourd'hui en Europe on a les talents et les innovations pour créer les champions de la mobilité de demain. 

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