Dubaï veut conquérir le monde. Pour que cette quête se révèle fructueuse, les autorités de l’émirat ne lésinent pas sur les moyens. Dans la tech, le Gitex, méga-salon dubaïote organisé par le Dubai World Trade Centre (DWTC) depuis plus de quatre décennies, et son pendant pour les startups hébergé par la Dubai Chamber of Digital Economy (DCDE), l’Expand North Star, agissent comme un outil redoutable de soft power pour faire rayonner les atouts de la cité des superlatifs à l’international.
Ces deux événements, bien que séparés géographiquement (ce qui va très bientôt changer), sont en réalité intimement liés. Ils sont même complémentaires. Une startup qui vient prendre le pouls de l’écosystème à Dubaï commence quasiment systématiquement à l’Expand North Star, avant de prendre la direction du World Trade Centre une fois qu’elle est plus mature et qu’elle s’est bien implantée dans la région.
Les startups asiatiques en force, les jeunes pousses américaines sur la pointe des pieds
Au niveau géographique, c’est sans surprise l’Asie qui est le continent le plus représenté (41 %) parmi les startups présentes, devant les États arabes du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis et Qatar qui pèsent 25 % du total). L’Europe arrive en troisième position (18 %), mais une fois n’est pas coutume, le Vieux Continent est largement devant l’Amérique du Nord (7 %). Un constat fracassant - à nuancer cependant avec la présence de poids lourds comme AMD, AWS, Google, IBM, Microsoft et Oracle au Gitex - qui peut surprendre au premier abord, tant l’écosystème américain, surtout dans la Silicon Valley, est incontournable dans la tech mondiale, et plus encore avec la révolution de l’IA où San Francisco fait office de capitale internationale du secteur.
Cependant, Dubaï entend contester l’hégémonie de la ville du Golden Gate Bridge en devenant une plateforme idéale pour monter sa startup et la faire grandir. 10 000 entreprises IA sont ainsi attendues dans l’émirat d’ici 5 ans, avec l’espoir que certaines deviennent des licornes, voire des titans mondiaux de la tech.
Créer le prochain Nvidia à Dubaï
Désormais bien structuré, Dubaï ne veut plus se contenter de faire du business avec les poids lourds de la tech mondiale. La cité-émirat veut dorénavant que ces mastodontes voient le jour sur son propre territoire. D’une certaine manière, les autorités locales veulent que le prochain Nvidia ou OpenAI sorte de terre à Dubaï. Pour l’heure, la pépite émiratie qui a le vent en poupe est G42, structure hybride qui multiplie les casquettes (puces, datacenters, modèles, services…) pour devenir un conglomérat surpuissant dans l’IA.
Peu connue en Europe, la société a signé un partenariat stratégique à VivaTech cette année pour faire de G42 l’«AI Champion Partner» exclusif du salon parisien pour les éditions 2025 et 2026. Un partenariat qui n’est pas le fruit du hasard : la France et les Émirats arabes unis ont une relation commerciale étroite, amplifiée en marge du Sommet pour l’Action sur l’IA en début d’année. En effet, le pays du Golfe persique prévoit de construire dans l’Hexagone un datacenter géant d’une capacité de calcul pouvant aller jusqu’à 1 gigawatt qui s’intégrera dans un campus axé sur l’IA, présenté comme le plus grand en Europe. Un projet pour lequel 30 à 50 milliards d’euros sont prévus par les Émirats arabes unis. Quasiment du jamais vu sur le Vieux Continent.
Escales d’un nouveau genre pour les nouvelles Routes de la Soie
Au-delà de la France, Dubaï fait le pari de miser avant tout sur les trois continent qui l’entourent : l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Cela se retrouve d’ailleurs dans la flopée de salons lancés par le Gitex ces dernières années. 11 événements sont ainsi programmés en 2026 (4 de plus par rapport à 2025) dans ces trois régions, du Maroc au Vietnam, en passant par l’Allemagne, le Kenya ou encore Singapour. Autant de rendez-vous qui vont contraindre des méga-salons comme VivaTech à se réinventer en permanence pour résister aux ambitions venues des Émirats arabes unis
La nouveauté la plus atypique est l’arrivée d’un salon Gitex au Kazakhstan en juin 2026. Mais en se concentrant sur l’Asie centrale et le Caucase, l’événement fait ainsi office de clé de voûte idéale entre l’Europe et l’Asie. Les nouvelles Routes de la Soie à l’heure de la tech passeront désormais par les Émirats arabes unis et le Kazakhstan. Une illustration finalement de la bascule de l’ordre mondial où la Chine, l’Inde ou encore la Russie veulent bousculer la domination historique des Occidentaux. Une tendance de fond qui s’accélère à une vitesse inédite en pleine révolution de l’IA.
