Republication d'un article du 16 novembre 2020

Maddyness - Quelles relations La Grande Épicerie de Paris entretient-elle avec les startups ?

Ferréol de Bony, directeur Achats et Logistique de La Grande Épicerie de Paris - Nous travaillons beaucoup avec les startups. Cela fait partie de l'ADN de notre offre : nous repérons des produits de l'artisanat français ou, plus largement, du monde culinaire, des artisans spécialistes d'un certain produit mais nous souhaitons aussi présenter des nouveautés, des produits d'autres pays mais aussi des produits issus de ruptures technologiques dans la Food. Nous avons donc coutume de travailler avec des startups de la Foodtech, des entrepreneurs qui se lancent dans des projets de produits alimentaires novateurs. Nous avons énormément de demandes et de nouveaux fournisseurs qui se sont créés sur des concepts de produits. La Grande Épicerie de Paris est à ce titre une vieille dame de l’alimentaire qui a évolué (Le Bon Marché ouvre en 1852 et La Grande Épicerie est créée en 1978, NDLR). Ce n'est pas parce qu’on est vieux qu’on n’est pas dynamiques !

Comment procédez-vous pour référencer des marques au sein de La Grande Épicerie de Paris ?

Nous avons une équipe d’acheteurs : trois personnes s'occupent des produits de grande consommation, deux personnes du négoce, trois de la cave, deux de notre marque propre et du sourcing. Ces deux personnes recherchent des fournisseurs en phase avec nos opérations. Nous réfléchissons par exemple à une opération qui tournerait autour des startups de la Foodtech qui créent des nouveaux produits, à base de nouveaux ingrédients, d'ingrédients extérieurs à la gastronomie française mais aussi qui s'ancrent dans la logique du sans (sans gluten, sans additif...). Là, c'est nous qui cherchons les produits qui correspondent à nos besoins.

Mais nous avons évidemment aussi beaucoup de demandes entrantes, liées à notre image de curateur de nouveaux produits alimentaires. Les marques nous proposent leurs produits. Certains nous déposent même des échantillons à l’accueil : ce n'est pas la bonne solution (sourire). Mieux vaut utiliser les moyens modernes de communication, à commencer par LinkedIn. Mais aussi tout simplement le téléphone : en appelant notre service relations clients et en demandant le contact de la personne indiquée. Nous ne sommes pas inaccessibles !

Quelle personne solliciter pour se faire référencer par La Grande Épicerie de Paris ?

Cela peut être moi directement ou un acheteur ou une acheteuse de mon équipe. Sur LinkedIn, nous sommes faciles à contacter et nous donnons aisément nos mails.

Quels critères une startup doit-elle remplir pour espérer être dans vos rayons ?

Les marques doivent respecter l'ADN de la Grande Épicerie de Paris. Le produit doit cocher ce que nous appelons les trois B : il doit avant tout être bon, tant au niveau organoleptique qu'en matière de liste d’ingrédients ; il doit être beau, avec un packaging et une identité graphique moderne, éventuellement un marketing innovant ; et c'est encore mieux s'il est bio, responsable ou sans additif, en tout cas qui s’engage à être bon pour tout le monde.

Quel est le process par lequel il faut passer ?

On choisit avant tout un produit. Si le produit est bien positionné d’un point de vue produit/prix, il n'y a pas de négociation très poussée. L'idée est au contraire de faire connaître rapidement le produit à nos clients : nous avons un dispositif baptisé L’Invité, qui nous permet, toutes les deux à trois semaines, de mettre en avant une startup de l'alimentaire en magasin. Elle vient animer et faire déguster ses produits pendant deux semaines. Cela nous permet de tester très rapidement si la clientèle adhère au produit. Plutôt que de commander à l'aveugle, on a une visibilité sur ce qu’il faut continuer à vendre. Pour la startup, c'est l'occasion d'être confrontée directement aux clients, une clientèle CSP+ gourmet, et d'engranger leurs retours. Les clients, eux, rencontrent de vrais producteurs, jeunes, dynamiques, qui ont du bagout et de l’envie. Si ça fonctionne, on référence définitivement le produit. Depuis le début du dispositif en mars, on a gardé presque tous nos fournisseurs, ça a été un véritable accélérateur.

Combien de temps faut-il prévoir avant de pouvoir être référencé ?

Nous avons des process assez rapides, nous avons déjà référencé des marques en deux semaines. Si on nous envoie une présentation et que le produit est bien positionné, il faut compter quelques semaines tout au plus. S'il faut retravailler le produit, cela peut être plus long, durer plusieurs mois. En ce moment, c'est un peu plus compliqué, entre le confinement et la période de Noël qui est très chargée pour nous. Mieux vaut éviter le pic d’activité de novembre à février, qui correspond à la période de Noël et des négociations annuelles. On continue à regarder les dossiers mais les délais s'allongent à ce moment-là.

Est-ce que travailler avec des startups est différent des discussions que vous pouvez avoir avec des marques plus traditionnelles ?

Ce qui change, c'est la façon d’aborder la communication. Quelqu'un qui va lancer un produit dans la Food a souvent une stratégie de communication numérique et sur les réseaux sociaux très aboutie, davantage que des marques plus installées dans l’épicerie fine. Cela nous permet aussi de toucher des communautés de clients que l’on n’a pas l’habitude de toucher. Et pour les marques, La Grande Épicerie de Paris est une belle vitrine !

Mais parmi les startups, il faut distinguer deux types de startups : celles qui ont déjà la possibilité de commercialiser de gros volumes et qui sont contentes de les référencer à La Grande Épicerie mais dont ce n'est pas le fond de commerce ; et les startups Food qui ont envie de s’intégrer dans l'écosystème de l'épicerie fine spécifiquement. Nous ne souhaitons pas être une simple rampe de lancement vers la grande distribution. Au bout du compte, ça ne sert pas l’image de l’épicerie fine en général. Nous pensons qu'il vaut mieux choisir un créneau.

Les startups peuvent référencer quelques produits en grandes et moyennes surfaces (GMS) mais ça ne doit pas être dans une idée mass market. Sinon, cela pose la question de la valeur du produit : l'épicerie fine est garante d’une valorisation du produit à long terme, parce qu'elle conserve la marge pour tous les acteurs de la chaîne, du producteur au distributeur. Si la startup se met dans une optique de volumes importants, elle ne sera au départ pas pressurisée par les GMS mais au bout de quelques mois, elle va se retrouver dans des rounds de négociation, consentir de la valeur puis finir par demander à ses fournisseurs de matières premières et donc aux agriculteurs de baisser ses bénéfices sur sa production. Nous souhaitons au contraire que les marques que nous référençons restent dans un univers plus restreint, au moins dans un premier temps, le temps de bien développer leur marque ou leur produit. Certaines marques développent ensuite une deuxième marque dédiée aux GMS, parce qu'elles ont réussi à ouvrir un segment de marché et veulent l’exploiter sans dévaloriser leur première marque positionnée en épicerie fine. Nous pensons que c'est une bonne stratégie de prendre son temps, de s'ancrer dans un temps long. Cela apporte plus de valeur à tous les acteurs que de brûler les étapes très vite.

Au-delà du référencement de leurs produits, nouez-vous des relations plus poussées avec certaines startups ?

Oui, cela nous est arrivé avec certaines marques qui se sont lancées grâce à La Grande Épicerie de Paris, comme SuperNature, développée par Catherine Kluger, ou Confiture Parisienne. Elles ont été accompagnées par nos équipes d’acheteurs, sur le packaging en amont du lancement notamment. Et même après, parce que nous avons gardé une très bonne relation avec elles, elles nous suivent sur de nombreuses opérations ou collaborations lorsque cela est possible. Même si elles sont aujourd'hui référencées dans beaucoup d’autres enseignes, cette relation perdure. C'est aussi parce que les entrepreneurs apprennent en partie leur métier de fournisseur avec La Grande Épicerie de Paris. On les aide, on fait parfois de la co-création.

Est-ce qu'il y a des histoires emblématiques des relations de La Grande Épicerie de Paris avec des startups ?

Je pense à Michel & Augustin, que nous avons aidé à se lancer. Nous sommes aussi en train de discuter d'une collaboration plus poussée avec la marque de hard seltzer Snowmelt. Nous avons été les premiers à les lancer en France et aujourd'hui, on réfléchit à d’autres projets autour du hard seltzer et de la bière. Nous avons également été les premiers à lancer les Nouveaux Fermiers, qui ont été référencés en exclusivité chez nous pendant trois semaines.

Mais c'est peut-être Confiture Parisienne qui reste la marque la plus emblématique pour nous : elle a été lancée à La Grande Épicerie de Paris et c'est une marque typique de l'univers de l'épicerie fine, qui a construit son image autour d'un produit extrêmement qualitatif et à forte valeur ajoutée. Elle continue à innover dans ses recettes et a même lancé des confitures faites avec des aromates qu’on fait pousser sur le toit de la Grande Épicerie ! Elle a travaillé aussi à la personnalisation d’étiquettes pour nos clients… Il y a un vrai croisement entre l’alimentaire et la façon de le vendre. Je pense également à Agricool, avec qui nous avons travaillé lorsque la marque n'avait qu'un seul container à Asnières. Nous nouons de nombreuses discussions avec des startups de l'agriculture urbaine, parce que c'est aussi dans notre ADN d'être capables de faire de la sélection engagée et de travailler avec de tout petits producteurs. On soutient le tissu productif agricole français. Cela résume bien nos deux piliers : la modernité et le soutien à l’agriculture de qualité.