24.04.25 — 12h37

Les agents IA : du buzzword à la réalité, plus vite qu'on ne le pense

Pendant que les médias s'enflamment sur les nouveaux tarifs de Donald Trump, une révolution silencieuse mais bien plus profonde transforme notre monde : celle des agents IA. En 2024, le terme "agent" rimait surtout avec une hype stérile, un concept théorique dont on parlait plus qu'on ne le comprenait. Début 2025, la situation a radicalement changé. Chaque matin, Manus me rappelle que ce n'est plus un simple concept : ses rapports sortent sans que je touche au clavier et je considère qu'ils ont une valeur de plusieurs milliers d'euros. Genspark pousse plus loin en générant des présentations professionnelles complètes dignes de McKinsey en un prompt. Les agents vocaux de Marr Labs sont désormais indiscernables d'un téléopérateur humain – nous avons franchi le gouffre séparant le prototype de l'outil quotidien. Définissons clairement ce dont nous parlons : un agent est une entité logicielle autonome qui planifie, exécute des actions, apprend de l'environnement numérique et s'appuie sur un LLM (Large Language Model), des outils et une mémoire. À la différence d'un simple chatbot, il dispose de droits sur nos applications, e-mails, moyens de paiements... C'est précisément cette capacité d'action directe qui change la donne. OpenAI, pionnier des LLM, vient d'annoncer o3, qualifié par le professeur Ethan Mollick d’impressionnant et d’agentique, pour sa capacité à utiliser des outils, décomposer des objectifs complexes et exécuter des plans multi-étapes de façon autonome. Ce modèle représente l'aboutissement de l'étape "reasoner" dans la feuille de route qu'OpenAI a définie vers l'AGI (Artificial General Intelligence). Rappelons les cinq étapes qu'ils ont établies : Assistant, Reasoner, Agent, Memory, Embodiment. Avec o3, OpenAI clôt officiellement la deuxième étape ; la prochaine est précisément celle des agents autonomes. La projection la plus audacieuse vient d'Anthropic qui prévient : les "employés synthétiques" arriveront d'ici douze mois. Mechanize développe une plateforme permettant de créer des flux de travail automatisés où les agents IA peuvent exécuter des séquences complexes de tâches commerciales sans intervention humaine. Kortix, quant à lui, se concentre sur des agents spécialisés dans l'analyse et la prise de décision en temps réel, capables d'intégrer et de traiter des données provenant de multiples sources. Artisan, avec ses 25 millions de dollars de financement, commercialise déjà un business developer 100% IA. Bref, pendant que l'on comptabilise les droits de douane sur les produits chinois, une nouvelle force de travail se met en place, plus radicale dans ses implications économiques. Les agents sont particulièrement efficaces dans les tâches structurées mais complexes. Un constat empirique et une loi de Moore des agents qui se dessine : actuellement, les agents réalisent une tâche qui nous prendrait environ une heure, mais cette “endurance” double tous les sept mois. Projection : une journée complète de travail en 2026, une semaine en 2028, un projet de plusieurs mois en 2029 et une année en 2031 ! Cette accélération soulève des questions très concrètes et immédiates pour les organisations : donnons-nous aux agents accès aux comptes bancaires ou restons-nous à la frontière du "read-only" ? Un directeur de palace parisien me confiait récemment vouloir bloquer les réservations automatisées sur son site. Mais combien de temps pourra-t-il maintenir cette position ? Si les clients fortunés utilisent massivement des agents pour optimiser leurs voyages, refuser ces réservations automatisées équivaudra bientôt à renoncer à une part significative du chiffre d'affaires. Les établissements qui s'adapteront les premiers gagneront un avantage concurrentiel important. Côté cybersécurité, il faudra gérer des identités "non humaines" dans les systèmes d'information, tenir le journal de chaque action avec une précision redoublée, développer des mécanismes de signature pour le code généré par les agents. La révolution des agents IA n'est pas simplement technologique — elle représente un changement fondamental dans notre conception même du travail. Les organisations devront choisir : s'adapter progressivement, se transformer radicalement, ou être dépassées par les "pure-players agentiques" qui construiront d'emblée leurs modèles d'affaires sur ces nouvelles capacités. Les années 2026-2030 verront probablement émerger les premiers succès spectaculaires entièrement construits sur les agents autonomes — des entreprises qui n'auront jamais connu l'ère pré-agentique, tout comme les géants du web actuels n'ont jamais connu l'ère pré-internet.
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