Par Nicolas Guyon
09.05.25 — 11h00
OpenAI : Quand l'anormalité change le monde !
OpenAI n’est pas une entreprise normale, et ne le sera sans doute jamais. Quand Sam Altman et ses cofondateurs se réunissaient autour d’une simple table de cuisine en 2015, ils étaient loin d’imaginer qu’ils deviendraient, dix ans plus tard, une infrastructure critique mondiale, avec près de 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires, défiant Google et Amazon sur leurs propres terrains.
Mais derrière cette ascension fulgurante se cache une vulnérabilité institutionnelle profonde, illustrée par le licenciement éclair de Sam Altman en 2023 et par les débats internes sur la gouvernance. Le 6 mai 2025, OpenAI a opéré un nouveau virage : la filiale commerciale va devenir une Public Benefit Corporation (PBC), tout en restant sous le contrôle d’une fondation à but non lucratif. Ce compromis vise à concilier la nécessité de lever des fonds massifs et la volonté de garantir que l’IA bénéficie à l’ensemble de l’humanité.
Ce statut hybride – où la société doit légalement équilibrer intérêts économiques et mission sociétale – semble idéal sur le papier, à l’image de Patagonia, souvent citée en exemple. Fondée par Yvon Chouinard, Patagonia est devenue la référence absolue en responsabilité sociale et environnementale depuis qu’elle a transféré 100 % de ses profits à un trust écologique.
Mais la comparaison a ses limites : OpenAI fait face à des enjeux financiers et éthiques d’une tout autre ampleur. Contrairement à Anthropic ou xAI, qui ont aussi adopté le modèle PBC, la spécificité d’OpenAI est de maintenir un contrôle majoritaire de la structure non lucrative sur la branche commerciale, une exigence imposée par les autorités du Delaware et de Californie après de longs débats et sous la pression de la société civile.
Aujourd’hui, OpenAI doit impérativement trouver un modèle viable. L’entreprise est prise en étau entre Elon Musk, devenu critique virulent et plaignant, et Microsoft, inquiet de voir ses 13 milliards d’investissements dilués dans une structure dominée par le non lucratif. Pendant ce temps, SoftBank conditionne un financement colossal de 30 à 40 milliards de dollars à la transformation capitalistique d’OpenAI – un pari désormais remis en question par le maintien du contrôle non lucratif.
Plus que jamais, OpenAI incarne une contradiction vivante : ultra-puissante mais vulnérable, incontournable mais controversée, innovante mais constamment sur la corde raide. Elle soulève surtout une question fondamentale : une entreprise capable de créer une Intelligence Artificielle Générale (AGI) peut-elle être considérée comme une entreprise ordinaire ?
OpenAI risque de devenir rapidement un enjeu systémique pour la société tout entière, car l’infrastructure mondiale de l’IA se construit autour d’elle. Elle doit trouver un cadre juridique adapté à son ambition et à sa mission. Mais ce cadre existe-t-il seulement aujourd’hui ? Ce que vit OpenAI aujourd’hui, des centaines de millions d’entreprises pourraient bientôt le vivre à leur tour : devoir radicalement repenser ce que signifie être une entreprise à l’ère de l’AGI.
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