La startup montpelliéraine Matooma lance Matoowan, son réseau universel dédié aux objets connectés. Si aujourd'hui l'entreprise est un succès, son fondateur Frédéric Salles a pourtant essuyé deux déceptions avant de connaître le succès.


Frédéric Salles, fondateur de Matooma, est en charge du marché machine to machine chez SFR lorsqu’il a l’idée d’une carte SIM multi-réseaux et d’un logiciel ERP qui répond aux problèmes rencontrés par les clients des fournisseurs télécoms à l’époque.

« On voulait faire rentrer un carré dans un rond, se souvient-il. Nous vendions des cartes SIM à des fabricants industriels par parquet de 10, 50, 100 000, mais lorsqu’il n’y avait pas de réseau, elles ne fonctionnaient pas. Il y avait aussi le problème des coûts variables : chaque mois le client recevait une facture dont le montant variait en fonction de sa consommation, impossible pour lui de prévoir à l’avance ses dépenses. On engageait également les clients sur une durée particulière, et il n’y avait pas de service de gestion pour gérer les parcs de cartes SIM, or 20% des cartes étaient inactives et étaient donc payées pour rien. »

Face à tant d’incohérences, il travaille à la solution : un logiciel ERP qui permet de gérer toute la chaine de fabrication et de gestion. Il la propose à son employeur, qui la refuse et lui préconise de créer sa propre société. Mais Frédéric est frileux et choisit de s’associer à une PME montpelliéraine existante. Il développe pour cette startup son logiciel ERP sur un accord 50-50. Quelques mois après son arrivée, la société coule. Alors directeur commercial, il licencie quatre personnes avant de se voir lui-même congédier.

Prudence et indépendance

« En mars 2012, je n’avais plus de travail, plus d’argent et j’avais développé mon idée d’ERP pour une autre société. Je n’avais plus rien », confie-t-il. De cette terrible expérience, Frédéric ne semble pourtant pas être resté amer. « Ca m’a appris beaucoup de choses, et aujourd’hui je ne signe plus rien sans mon avocat ». Prudence est mère de sureté et c'est ce qui semble guider depuis le fondateur de Matooma qui refusera de faire une levée de fonds cette année, pour ne pas diluer inutilement son capital, et ce dans le but d’obtenir de l’argent dont il n’a pas besoin. "Nous avions la possibilité de lever une forte somme, explique Frédéric, mais c'était trop de risques par rapport au capital que l'on devait laisser, et on ne voulait pas être forcé de vendre la société ou de la faire entrer en bourse au bout de cinq ans."

Il faut dire que chez Matooma, tous les indicateurs sont au vert. Affichant un chiffre d'affaires de 3,4 d'euros, la société a finalement vu le jour quelques semaines après le licenciement de Frédéric.

« Je n’avais plus rien et je me suis dit qu’il fallait que je mette à profit mon temps. J’ai été tenté de retourner chez SFR, ma femme m’en a empêché. Aujourd’hui c’est mon associée », s'amuse Frédéric, bien conscient qu'il n'aurait pas connu l'aventure qu'il vit aujourd'hui s'il n'avait pas essuyé ces échecs.

En avril 2012, après d’intenses semaines de réécriture de son logiciel, Frédéric rappelle l’un de ses anciens commerciaux, John Aldon, et ils créent ensemble cette société dédiée aux objets connectés.  Le premier produit commercialisé, la Matoocard, est une carte SIM pour objets connectés qui se connecte aux réseaux mobiles (2g, 3g, 4G) le plus puissant qu’elle puisse trouver grâce à une applet qui scanne les réseaux environnants. Matooma absorbe beaucoup de contraintes pour offrir plus de souplesse à ses clients, comme l’engagement par exemple, que Matooma ne répercute pas sur les contrats de ses clients qui peuvent arrêter leur abonnement quand bon leur semble. Idem pour les coûts, variables d’un opérateur à l’autre : Matooma facture chaque mois la même chose et prend à sa charge les variations des tarifs des différents opérateurs telecoms auxquels se connectent les Matoocard.

Une première levée pour développer MatooWan

L’entreprise est un succès et empoche son premier million en 2013. Une première levée de fonds est menée en 2014, pour mettre au point ce qui deviendra plus tard Matoowan, le premier réseau universel dédié aux objets connectés que Matooma vient tout juste de présenter. Matoowan répond là aussi aux problèmes que les opérateurs classiques n’adressaient pas jusqu’à présent. Notamment la sécurité des données transmises par les objets connectés. « Pouvoir pirater une voiture électrique parcequ’elle se connecte à internet est tout simplement aberrant », s'indigne Frédéric. Il a donc l'idée de créer un réseau mondial, avec un point d'accès unique qui est un réseau privé sécurisé, sur lequel les données ne sont pas stockées, et qui permet également aux objets connectés de communiquer entre eux, peu importe leur technologie et le réseau auquel ils se connectent.

Pour ce faire, l'entreprise a passé des accords avec SFR, Orange, KPN et Sierra Wireless et a créé son réseau, réparti entre Paris et Montpellier, en tirant des doubles fibres avec chacun des opérateurs pour ensuite les connecter. Pour pouvoir mener l'opération à bien, Matooma a passé un accord avec Nutanix, une filiale de Google pour acquérir l'un de ses super-serveurs, d'ordinaire réservés aux grands comptes.

Commercialisé dés janvier 2016, MatooWan compte déjà une dizaine de clients et devrait rapidement être disponible aux Etats-unis où le réseau sera connecté aux opérateurs américains. Matooma, qui affiche déjà 1200 clients en France et à l'international, ouvrira prochainement un bureau à Madrid et entend recruter 16 personnes d'ici fin 2016. Avec un chiffre d'affaires prévisionnel de 5 millions d'euros en 2016 et la prudence qui semble caractériser son fondateur, les investisseurs probablement devoir patienter encore un peu avant de pouvoir prendre part à l'aventure !