A l'occasion du salon Tech Computex, l'un des plus grands d'Asie, la French Tech a envoyé une délégation d'une dizaine de startups pour donner de la visibilité aux pépites françaises désireuses de s'implanter dans la région. Une opération séduction pas si anodine et qui trouve un écho auprès des autorités taïwanaises.

Elles sont onze et ne passent pas inaperçues. Installées au coeur du hall InnoVEX, salon taïwanais dédié aux startups et partie prenante de l'événement Tech Computex, les jeunes pousses françaises font partie des attractions du salon. D'abord parce qu'elles se sont intelligemment regroupées sous l'immense coq rose, symbole de la French Tech, qui a le mérite d'attirer l'oeil des curieux; ensuite parce que Devialet et son enceinte Gold Phantom assurent le show : attirés par la musique et l'ambiance résolument cool, les badauds finissent par faire la queue pour pouvoir approcher l'objet. Et surtout parce que peu de délégations étrangères ont fait le déplacement de manière à la fois si organisée et si visible.

A la conférence d'ouverture, la French Tech a été spécifiquement citée, au même titre que son homologue néerlandaise, comme un motif de fierté des organisateurs de compter ces représentants des écosystèmes Tech étrangers dans les allées du salon. En effet, même si les startups françaises ne représentent que 4% des 272 jeunes pousses présentes, derrière la Corée du Sud et les Pays-Bas, elles gagnent en visibilité grâce à la bannière French Tech derrière laquelle elles se sont regroupées, également soutenues par Business France.

InnoVEX Stand Devialet

Chercher des partenaires industriels et commerciaux

Certaines n'ont pas encore vraiment posé le pied à Taïwan et viennent surtout tenter de décrocher des partenariats qui leur permettraient de le faire au plus vite. C'est le cas de la marque de chaussures connectées Digitsole ou de la solution de stockage de données Envor. Quelques jours avant le lancement du CES asiatique à Shanghaï, le salon Computex est l'occasion rêvée pour les pépites françaises de nouer des contacts sur l'île, porte d'entrée idéale vers le marché chinois.

En effet, si Taïwan est historiquement proche de la Chine, l'île n'en reste pas moins un Etat souverain soumis à des réglementations très différentes du marché chinois. Une aubaine pour les startups étrangères qui se heurtent bien souvent à la complexité du domaine des affaires en Chine. Par exemple, Taïwan n'impose pas les mêmes restrictions à l'Internet que le gouvernement chinois, nous souffle une des pépites françaises pour expliquer qu'elle aborde son implantation asiatique par l'île et non le continent. Et le marché taïwanais présente des similitudes avec ceux du Japon ou de la Corée du Sud, ce qui facilite le lancement de startups ayant déjà fait leurs preuves là-bas, à l'instar de Wistiki. La startup de l'IoT, qui a lancé avec succès ses produits au Japon, aborde donc plus sereinement ses discussions avec des distributeurs taïwanais.

" La France est en train de devenir un hub technologique "

Une représentante de Taitra, l'entreprise organisatrice du Computex

Grâce à sa situation géographique très centrale en Asie (on rejoint facilement le Japon, la Chine ou l'Asie du Sud-Est), un tissu industriel dense dans la manufacture de produits Tech et des salaires de profils Tech hautement qualifiés plus bas que ceux pratiqués dans le reste de la région, Taïwan est devenue ces dernières années the place to be pour les startups étrangères désireuses de s'implanter en Asie.

Taipei

Et particulièrement pour les startups françaises, qui bénéficient d'un capital sympathie tout particulier. Le Made in France est un label qui fait mouche. "Les Asiatiques adorent, confirme Bruno Lussato, CEO de Wistiki. Pour eux, le fait qu'un produit soit fabriqué en France est gage de qualité." Un comble quand on connaît l'expertise des pays asiatiques et particulièrement de Taïwan en matière de manufacture de produits technologiques. Mais ce constat témoigne également du rayonnement de la French Tech bien au-delà des frontières européennes. "La France était mondialement connue pour son romantisme, son art de vivre et sa gastronomie mais elle est en train de devenir un hub technologique", nous glisse avec admiration une représentante de Taitra, une des entreprises organisatrices du salon.

Des réticences à dépasser

Mais ne faisons pas non plus de Taïwan un eldorado où tout ne serait que facilité et opportunités. Des barrières à l'entrée perdurent et il faut beaucoup d'abnégation aux startups françaises pour réussir à s'établir sur l'île. "Les autorités et l'écosystème s'assurent d'abord que vous pouvez leur proposer une technologie qu'ils ne sont pas capables de faire eux-mêmes", prévient Florian des Garets, country manager local de Devialet, installé depuis un petit mois seulement sur l'île.

Conscientes de ces faiblesses, les autorités taïwanaises sont bien décidées à faire bouger les lignes. Lors d'une table ronde dédiée à l'impact des politiques publiques sur l'écosystème des startups, la modératrice Karen Yu - membre du parti démocratique progressiste à la tête du pays depuis l'année dernière - s'est pourtant montrée très critique sur l'action publique en matière d'attractivité et d'aide à l'innovation. "Nous devons nous ouvrir à la fois pour attirer davantage de talents mais aussi pour en envoyer bien plus à l'étranger", a-t-elle notamment lancé. L'argument a vraisemblablement déjà trouvé un écho auprès des pépites françaises, pressées de voir les dernières réticences taïwanaises se lever.