On ne présente plus Gilles Babinet. Serial Entrepreneur, fondateur du Groupe Absolut (revendu en 2000 à Euro RSCG), et actuel Président du Conseil d'Administration de Captain Dash, Eyeka, MXP4 et Digibonus. En 2011, il devient le premier Président du Conseil national du numérique et, en 2012, est nommé Digital Champion par Fleur Pellerin (alors ministre déléguée au Numérique). Il revient, aujourd'hui, pour Maddyness, sur ses engagements et sa vision de l'avenir de la Data et plus spécifiquement du Big Data.


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Qu'est-ce qu'un Digital Champion ? Quel est son rôle ?

C’est un rôle informel qui permet au Commissaire européen au numérique d’avoir un canal d’information indépendant des Etats et d’être ainsi en contact avec la société civile et le monde des entrepreneurs. Nous discutons de la stratégie numérique de l’Europe dans le domaine de l’innovation, mais également des moyens pour renforcer l’inclusion numérique, de favoriser des mesures permettant de renforcer la qualité de l’éducation, d’envisager des stratégies de santé plus digitales, etc...

Que retenez-vous de votre poste de Président du Conseil National du Numérique ?

Je n'en sais trop rien. En positif, qu’il y a beaucoup de gens au sein de l’Etat qui ont le sens du bien commun, plus qu’on ne le croit. En négatif que la pensée collective empêche souvent de voir apparaitre de nouveaux paradigmes, ce qui est clairement le cas en ce moment. En ce qui me concerne, je me suis souvent demandé si ma posture parfois impatiente n’a pas un peu joué contre notre action.

"Il y a beaucoup de gens au sein de l’Etat qui ont le sens du bien commun, plus qu’on ne le croit."

CaptainDash, comment ça marche ?

Bruno Walther et moi avons fondé cette société il y a maintenant plus de quatre ans avec une idée simple : les grandes entreprises ne voient que partiellement leurs données, et jamais toutes ensembles. Nous cherchons à donner, au travers de la datavisualisation, une vision unifiée de ce qui se passe dans ces entreprises, surtout en ce qui concerne les départements marketing et ventes. Je dirais que notre force est double : d’une part nous sommes forts en extraction de données, que nous savons aller chercher aussi bien dans un ancien ERP que dans un analytics Web et dans tous types d’autres sources, et d’autre part nous savons "faire parler la donnée" et montrer qu’il existe des effets de rebonds entre les canaux online et le SAV d’une société par exemple.

"Nous savons "faire parler la donnée" et montrer qu’il existe des effets de rebonds entre les canaux online et le SAV"

Le Big Data, tout le monde en parle mais qui agit vraiment ?

Très tôt nous avons réalisé qu’il nous fallait utiliser Hadoop pour mettre en oeuvre notre offre. A ce titre nous avons ouvert le Hadoop User Group (HUG) français et essuyé pas mal de plâtres. De fait, nous disposons d’un bon observatoire sur l’écosystème Big Data. je dirais que celui-ci est en train de changer à grande vitesse. Il y a peu, on ne savait absolument pas ce qu’était un Data Scientist : quelqu’un qui avait vaguement fait des statistiques (mais lesquelles?) et qui savait grossièrement utiliser Hadoop pouvait très bien se qualifier comme tel. En réalité, il existe une grande graduation entre ceux qui ont des spécialisations très particulières en maths par exemple, ceux qui maîtrisent bien les architectures informatiques et d’autres encore.

Le Big Data est-il un nouvel eldorado ?

J’ai tendance à penser que oui, mais il ne fait pas de doute qu’il va y avoir de sérieuses désillusions. La Data, au sens large, implique avant tout des organisations très différentes à celles que les entreprises connaissent aujourd’hui. C’est donc beaucoup plus qu’un enjeu technologique. De même, c’est aussi une manière différente d’aborder les problèmes.

Les entreprises et startups françaises ont-elles conscience de l'importance du Big Data ?

En France, il y a une forte culture et un respect des formations d'ingénieurs. Nous avons donc une bonne appréhension de ce sujet. Toutefois, les ETI et PME sont très insuffisamment digitalisées, moins que la moyenne européenne, et c’est en soit inquiétant. C’est un constat qui va au delà du Big Data et qui est probablement lié aux faibles marges (les plus faibles de l’OCDE en fait) que celles-ci dégagent. Elles ne parviennent pas à investir suffisamment dans cette révolution.

Crédit Photo : Clubic