Après le billet d'Aurélie Daniel sur les business models de l'économie collaborative, la rédaction de Maddyness a souhaité en savoir plus sur ce modèle, et le bouleversement des usages. Pour cela, nous nous sommes rapprochés de OuiShare France, membre de la communauté internationale en faveur d'une société basée sur la collaboration. Marc-Arthur Gauthey a répondu à nos questions.[hr]

L’économie collaborative, qu’est-ce que cela a changé ?

La force de l’économie collaborative, c’est d’amener dans le monde physique la connectivité et la mise en réseau permise par le numérique. Elle agit sur l’intégralité des secteurs économiques traditionnels qui sont appelés à se réinventer. Blablacar est capable de vous emmener là ou le train ne peut ou ne veut aller. Lyft, Djump et Uber ont mis le doigt sur les limites de l’offre taxi. Ulule et KissKissBankbank ont rendu possible des projets sur lesquels aucune banque n’aurait jamais posé les yeux. Wikipedia a rendu gratuit l’accès à une connaissance encyclopédique autrefois exclusive et payante. Arduino, les Fablabs et des plateformes comme Thingiverse ont démocratisé les moyens de production et libéré la créativité des makers grâce au partage des savoirs.

En somme, grâce au numérique, l’économie collaborative permet aux individus de s’organiser pour construire des modes de vie et de consommation selon leurs aspirations et leurs convictions.

Peut-on tout mutualiser, recycler, désintermédier ?

Compte tenu du nombre de concepts qui apparaissent chaque matin, particulièrement dans la consommation collaborative, on serait tenté de dire oui. Mais c’est une des questions que nous allons étudier plus en détail dans le cadre d’un projet de recherche-action que OuiShare mène avec La Fing, ShaRevolution, et qui courra jusqu'à fin 2014. Quoi qu’il en soit, il y a une aussi une dimension légale qui empêche de fait certaines pratiques. Mais parfois, la législation doit s’adapter pour accompagner l’innovation.

Quelles sont les limites à l’économie collaborative ?

Vivre, travailler, penser de façon collaborative, ouverte et distribuée en intégrant les parties prenantes d’un écosystème au lieu de les mettre en compétition demande  avant tout un changement de mentalité profond. Les acteurs économiques, institutionnels et politiques traditionnels sont souvent les plus difficiles à bouger mais en même temps, ils peuvent avoir énormément d’impact en accompagnant la transition. De nombreux acteurs comme par exemple La Poste, Renault, Orange ou Bouygues ont déjà engagé des réflexions profondes et des expérimentations sur ces sujets.

De même le Ministère de l’Economie à prouvé son intérêt en organisant avec nous le BercyJam en juin dernier : un atelier participatif pour réfléchir à la position de l’Etat sur ces sujets. On peut s’agacer de la relative lenteur du changement, mais ces acteurs ne sont pas aussi agiles que peuvent l’être des startups car les enjeux économiques, politiques et manageriaux sont  importants et très transversaux. C’est pourquoi la réticence au changement semble parfois forte.

Quels sont les nouveaux enjeux et futures grandes tendances du collaboratif en France et en Europe ?

Gilles Babinet explique dans son dernier livre que le collaboratif est une "évolution consubstantielle du numérique". A ce titre, on peut dire que la France est l’épicentre européen et un laboratoire mondial de l’économie collaborative, car les dynamiques de l’offre comme celles de la demande y sont extrêmement fortes. Il s’agit probablement d’une des composantes majeures de l’ADN de la French Tech. Mais ces nouveaux modèles viennent percuter des modèles historiques et interrogent les politiques publiques qui doivent accompagner l’innovation. Les acteurs publics locaux sont les premiers à s’emparer du sujet : la communauté urbaine de Bordeaux a organisé son premier forum de l’économie collaborative en juin dernier, la région Nord-Pas-de-Calais a travaillé avec Jérémy Rifkin pour expérimenter la troisième révolution industrielle...

Avec OuiShare, nous constatons que d’autres villes européennes sont aussi très dynamiques, notamment Barcelone, Rome, Berlin, Amsterdam et Budapest.

Quelle ambition pour le OuiShare Fest 2014 ?

Avec cette seconde édition du OuiShare Fest qui aura lieu en mai prochain au Cabaret Sauvage, nous voulons continuer à apporter une réflexion de fond sur l’économie collaborative, sans tabou, en l’abordant sous l’angle des communautés tirées par le numérique, et des transformations qu’elles engendrent sur l’ensemble des secteurs économiques, les villes et la société civile.

Avec plus de 25 nationalités représentées en 2013 et 150 speakers, nous avions déjà l’ambition de positionner l’événement comme la référence internationale. Cette année, les plus grands experts ont déjà confirmé leur venue : Robin Chase, Rachel Botsman, Lisa Gansky, Michel Bauwens et bien d’autres. Une belle fête en perspective !

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