La consommation collaborative est un nouvel espoir économique dans un contexte où la production trouve de moins en moins de destinataires. Mais au delà de ses vertus commerciales, certains y voit la possibilité d’un mode d’organisation plus sociale, plus environnementale et plus juste. Elle serait un nouvel étendard contre l’individualiste libéralisme et l’immoral capitalisme. Alors, oui ou non, la consommation collaborative amorce-t-elle la fin de notre monde ? Article rédigé par Alexandra Brandt.


La consommation collaborative a de quoi effrayer les grandes entreprises, aujourd’hui leaders d’un modèle développé après la guerre. En effet, on dit d’elle qu’elle annoncerait la déchéance de notre système économique mondiale. Michel Serres écrit « ce n’est pas une crise, c’est un changement de monde ». Dans ce nouveau monde, l’échange marchand ne serait plus seulement l’initiative des entreprises, mais aussi celle des individus qui, forts des outils de la révolution numérique, entameraient une révolution de la consommation, en guillotinant la propriété pour lui préférer un système basé sur l’accès et l’usage.

L'inutilisé devient monétisé

Une voiture n’est en moyenne utilisée que 10% du temps. Une perceuse ne servirait que 12 minutes dans sa vie…Ces exemples questionnent notre manière de consommer, et les nouvelles plateformes d’échange, comme e-Loue (qui vient de faire l'acquisition de Sejourning), OuiCar (ex-Zilok), ou encore Mutum, font de la location entre particuliers une alternative à l’achat. Il ne servirait plus à rien de posséder pour utiliser. Ses applications ne s’arrêtent pas à la location mais concernent le troc, la revente, le crowdfunding, le crowdsourcing, etc…Les frontières de la consommation collaborative sont floues et ses définitions aléatoires. Qu’est-ce qui rallient toutes ces activités mises dans le même panier ?

D’abord le fait qu’elles émanent du numérique. Mais au delà du média, le plus intéressant ce sont les interlocuteurs qui échangent grâce à ce canal: ici les particuliers. Pourquoi ces individus communiquent entre eux ? Pour certains, il s’agit de répondre à un besoin : percer un trou dans son mur ou arriver à bon port. Pour d’autres, il s’agit de rendre leurs objets plus utiles, d’étendre leur usage, en d’autres termes de rentabiliser leur achat.

Plus on partage, plus on possède

En ce sens, la consommation collaborative perpétue le modèle de l’abondance comme le dévoile de façon limpide le slogan de Mutum : « Plus on partage, plus on possède ». Elle ne bannit pas la propriété de l’économie, mais exploite au contraire celle des particuliers pour généraliser l’échange marchand à l’échelle de l’individu. Elle dessine ainsi une société d’hyper-libéralisme où chaque propriétaire peut devenir un business man, et où le capitalisme a investi jusqu’à nos garde-meubles. Elle perpétue alors notre mode d’organisation sociale dont elle change tout de même certaines données.

Elle nous transforme en consommateur expert, fort de solutions toujours plus nombreuses pour satisfaire nos besoins malgré un porte-monnaie qui se rétrécit. Les plate-formes collaboratives sont de formidables moyens d’accéder à la qualité pour un coût moindre, bâillonnant ainsi les propositions bas de gamme. D’un autre côté, la consommation collaborative modifie notre rapport aux objets que nous rangeons en 2 tiroirs : celui des objets que nous n’avons pas besoin de posséder, et celui de ceux que nous investissons d’une part émotionnelle. L’utilité n’a en effet pas tué tout rapport affectif à la consommation.

Et même si Jeremy Rifkin explique, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Le capital marginal zéro, que les enfants d’aujourd’hui seront habitués à jouer avec des objets d’occasion, il y aura encore probablement dans les chambres d’enfant, des peluches qu’ils ne pourront se résoudre à jeter.

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