Les robots appartiennent depuis longtemps au paysage industriel. Mais on assiste aujourd’hui à un phénomène nouveau : ce ne sont plus uniquement les métiers manuels qui sont concernés par l’automatisation. Le développement récent de la robotique permet aux robots de pénétrer le secteur des services, dans les bureaux comme dans les maisons. Et ce mouvement n’en est qu’à ses prémisses. Faut-il s’en inquiéter ? Les progrès rapides de la robotique constituent-ils une menace pour l’emploi ?


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Dessin par @dessingabs

En octobre 2014, le cabinet Roland Berger publiait une étude alarmiste prévoyant que 3 millions d’emplois pourraient disparaître en France d’ici à 2025. Fait nouveau, ces 3 millions d’emplois seraient essentiellement des emplois de service, ce qui engendrerait une déstabilisation profonde des classes moyennes. Car des métiers et des secteurs qu’on croyait jusqu’à présent à l’abri de l’automatisation sont désormais potentiellement concernés : ainsi le secteur des assurances, celui du courtage, le secteur hospitalier, le secteur juridique.

Avec l’évolution de la robotique, les robots ne sont plus ces machines mono-tâches confinées aux actions mécaniques des chaînes industrielles. Les tâches intellectuelles peuvent désormais être confiées à des robots au même titre que les tâches manuelles, dès lors qu’elles présentent un aspect répétitif. En effet les micro-technologies, les neurosciences, les nano-capteurs ou encore l’informatique ont transformé les robots en créatures complexes, à forme de plus en plus humanoïde, qui demain joueront pour nous le rôle de facteur, de caissier, ou d’hôtesse d’accueil par exemple. Et les recherches continuent pour permettre aux robots de service d’augmenter leurs capacités d’adaptation à des situations complexes dans lesquelles l’émotion, l’humain et l’imprévu jouent un rôle majeur. Aujourd’hui les bas salaires et les postes à faible niveau de qualification ne sont donc plus seuls à être fragilisés : c’est aussi le cas des fonctions intermédiaires, fonctions administratives ou d’encadrement.

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© ASK Media

La robotique, une des principales clés de la compétitivité de demain

Il serait difficile de freiner pour autant l’essort de la robotique dont on sait qu’elle jouera un rôle clé dans la compétitivité des pays de demain. A en croire Charles-Edouard Bouée, président de Roland Berger Strategy et auteur du livre Confucius et les Automates, nous serions à l’aube d’une transformation radicale des modes de vie et de travail. La robotisation et l’automatisation fulgurantes que nous allons connaître dans les prochaines décennies, où l’on verra se généraliser la combinaison de la machine et de l’intelligence, remettent en cause brutalement et presque de façon systémique, non seulement le rôle, mais aussi la valeur ajoutée et la fiabilité de l’homme dans le processus de production, et même de décision”, écrit-il. Le secteur de la robotique a été positionné par les politiques français et européens comme un axe stratégique du (re)développement industriel des vingt prochaines années.

Une compétition est déjà ouverte au niveau international pour tirer profit de cette nouvelle vague technologique. D’après les prévisions de l’IFR (Fédération Internationale de la Robotique) concernant le marché mondial de la robotique de service (à usage professionnel ou personnel), le marché devrait passer de 2,8 Mds d’euros en 2011 à 100 Mds d’euros en 2020.

Ce marché reste à conquérir, mais l’Asie (Japon, Corée du Sud, Chine) s’est lancée à fond dans la robotique et prend d’ores et déjà de l’avance sur l’Europe et les Etats-Unis. Sur les 166 000 robots vendus en 2011, la grande majorité est achetée par cinq pays (Japon, 16%; Corée du Sud 15,3%, Chine 13,2%, États-Unis 12,3% et Allemagne 11,7%°). Les autres pays, dont la France, se partagent ce qui reste. Même si le niveau de robotisation est encore faible en Chine, celle-ci compte plus de 30 usines de robots en construction. L’IFR estime que le marché chinois devrait croître de 25% par an en moyenne et que d’ici 2017 environ 400 000 robots devraient y être installés, soit plus que dans n’importe quel autre pays.

La France veut rattraper son retard en robotique

La France accuse un certain retard dans le secteur de la robotique. Révélateurs, les résultats du Call ICT 23 2014 : Robotics (ICT : Information and Communication Technologies) (lien vers le call ICT 2013), programme européen d’appels à projets destiné à encourager l’émergence de leaders industriels en Europe, ont été décevants pour la France. Elle ne coordonne qu’un projet (COMANOID par le CNRS) et participe à cinq autres projets (AEROARMS, FLOBOT, Flourish, RoMaNS et WiMUST), loin derrière l’Allemagne qui participe à 15 projets, l’Italie (11 projets), la Suisse (8 projets) ou le Royaume-Uni (8 projets). Dix acteurs ont participé à l’appel à projets pour la France, ce qui la place au 6e rang à égalité avec les Pays-Bas, loin derrière l’Allemagne avec 33 acteurs et l’Italie avec 21 acteurs.

Mais la France peut s’appuyer sur des atouts certains, notamment ses capacités de recherche et le dynamisme de ses ETI. Paradoxalement son retard pourrait constituer une force dans la mesure où elle donne au pays la possibilité d’investir directement dans une nouvelle génération de robots beaucoup plus performante. Rappelons que le champion mondial de la robotique de compagnie, le célèbre petit robot Nao, a été créé par une société française, Aldebaran. Malheureusement la France n’a pas su garder ce fleuron de la robotique : la société a été rachetée en 2011 par le Japonais Softbank.

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Photo : Tom Hagerty - Flickr

Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif, a annoncé en 2013 la mise en place d’un plan national pour la filière robotique : « France Robots Initiatives ». La robotique y est présentée comme « peut-être la prochaine grande révolution industrielle ». Le plan doit amener la France à « figurer parmi les cinq nations leaders de la robotique dans le monde à l’horizon 2020”.

Alors, les robots en entreprise : danger ou opportunité ? La Commission européenne se veut en tout cas rassurante : « Pour un million de robots industriels construits et installés, ce sont trois millions d’emplois qui ont été créés ou préservés dans le monde », assure-t-elle, reprenant le chiffre de la Fédération internationale de robotique.

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Crédit Photo : Shutterstock

Article proposé par Chloé Duval