Cet ouvrage très complet et destiné à un public large vise à expliquer et faire découvrir le métier et le quotidien d’un économiste. L’auteur s’attelle à montrer de quelles façons le cadre, les défis et les enjeux économiques peuvent et doivent servir le bien commun. L’intérêt de ce livre est qu’il permet à chacun de comprendre les mécanismes économiques complexes qui sont à l’œuvre aujourd’hui. Outre le fait de comprendre ces mécanismes, présentés de façon simples et factuels, la valeur ajoutée du livre est qu’il propose des pistes et des réflexions sur les meilleures façons de mettre l’économie au service du bien commun dans chacun des domaines abordés. De nombreux exemples illustrent les propos de l’auteur et facilite la compréhension du lecteur.
Chaque chapitre traite de domaines familiers de l’économie sous le prisme du bien commun. Outre ce questionnement sous-jacent : comment l’économie dans tel ou tel domaine peut-elle être au service du bien commun, le livre s’organise autour d’un fil rouge très intéressant. Ce fil rouge est la théorie de l’information selon laquelle les choix économiques, d’un individu, d’une société, des institutions, des politiques, se font selon l’information disponible (par nature limitée) au moment de la décision. Cette théorie est présentée comme une avancée majeure de la science économique de ces 40 dernières années. Cette question de la disponibilité des informations est partout et au cœur de l’économie du bien commun.
L’ouvrage de plus de 600 pages est structuré en cinq parties et 17 chapitres :
- Economie et société
- Le métier de chercheur en économie
- Le cadre institutionnel de l’économie
- Les grands défis macro-économiques
- L’enjeu industriel
La lecture peut se faire en désordre et par chapitre (ceux-ci sont construits de façon à pouvoir être lu indépendamment), en fonction de vos intérêts et des problématiques que vous souhaitez aborder. J’ai décidé de vous présenter quelques chapitres que j’ai particulièrement appréciés :
Chapitre 2 : Les limites morales du marché.
Afin de viser le bien commun, il semble nécessaire dans une économie libérale - de marché - de distinguer ce qui est marchand de ce qui est non-marchand. Les vertus du marché sont nombreuses mais il faut parfois s’écarter du « laissez faire » pour bénéficier d’un certain nombres de ces vertus. Quelques exemples tels que l’adoption d’enfants, la GPA, la sexualité, la drogue, les concours d’université, l’amitié ou la transplantation d’organes permettent d’illustrer que tout ne doit pas avoir de valeur marchande et être achetable.
L’économie permet d’apporter des réponses très objectives à certains exemples ci-dessous, qui ne sont donc pas vraiment liés à la morale. En effet, le fait même de pouvoir acheter un diplôme d’université ou une amitié n’a pas de sens puisque ce qui serait acheté perdrait automatiquement sa valeur. Si une transaction est créatrice de victimes externes : des enfants que l’on pourraient achetés, ou les diamants qui financent les guères civiles alors ceux-ci doivent sortir de l’économie de marché. Afin de limiter ou d’interdire des comportements nuisibles de la part des acteurs économiques, des lois et des incitations sont mises en œuvre. Mais la mise en place d’incitation est complexe. Par exemple, payer un enfant pour lire un livre afin qu’il réussisse à court terme crée une attente selon laquelle lire fait gagner de l’argent.
Si les donneurs du don du sang étaient payés pour le faire, cela pourrait créer des situations dangereuses mais également décourager ceux qui le font afin de faire un bonne action. Leur motivation première serait ainsi remise en cause, et leur geste pourrait ne plus être perçu de la même façon. Ces exemples sont relativement classiques en économie. Les exemples liés directement à la vie sont plus complexes. Il est nécessaire pour un état d’adopter une politique générale sur ces questions et de na pas décider au cas par cas en se laissant guider par l’empathie ou l’indignation. Enfin, le chapitre aborde la question de l’impact du marché sur les liens sociaux. L’auteur propose notamment deux réflexions : la première est que le marché fonctionne par la confiance de ses acteurs. Ne pas avoir cela à l’esprit, c’est voir le marché uniquement comme un endroit de compétition alors qu’il doit également et nécessairement être un endroit de collaboration. La seconde réflexion est de faire de l’économie de marché un bouc émissaire de notre propre hypocrisie. Le chapitre s’attarde ensuite sur la nécessite de politiques redistributives pour traiter le problème des inégalités créées par le marché.
Chapitre 6 : Pour un état moderne.
L’objectif de ce chapitre est de démontrer que les visions opposées, d’un état minimaliste et d’un état interventionniste basé sur une économie de marché, ne peuvent permettre la réalisation du bien commun. L’auteur propose une vision alternative pour rétablir de la confiance dans le système qui régit nos vies. Le chapitre s’articule en 4 parties :
- la logique de notre construction sociale
- la complémentarité état - marché
- la perte d’influence du politique
- La réforme de l’Etat.
Chapitre 9 : Vaincre le chômage.
La proposition centrale de ce chapitre est d’instituer une protection du salarié et plus une protection de l’emploi. Cela redistribuerait les cartes de notre assurance chômage et des comportements des entreprises et des salariés. En effet, un salarié qui se sait protégé et qui retrouvera facilement un emploi est plus enclin à quitter une société. Une entreprise qui devrait aider ses employées à trouver un nouvel emploi pour réduire ses cotisations en ayant plus de libertés semble être une piste cohérente pour responsabiliser les acteurs du marché. Ainsi le coût de l’assurance chômage est réduit par la responsabilisation des acteurs dans un système vertueux. Changer de système permettrait de changer la complexité de nos contrats de travail et leur inefficacité à répondre aux enjeux actuels des entreprises et des salariés.
Chapitre 14 : Quand le digital modifie la chaîne de valeurs.
Le numérique est au cœur du bouleversement de nos sociétés et de nos usages. Nos modes d’organisation et de consommation sont transformés par le numérique. L’auteur revient sur la chronologie de ces bouleversements. Afin de mieux appréhender ces mutations, l’auteur analyse les modèles économiques des entreprises du numérique et notamment celui des plateformes qui sont au coeur de l’économie numérique. On y découvre les stratégies de ces acteurs et les défis inhérents à la transformation numérique et notamment celui de la régulation des marchés. Au cœur de la problématique, les plateformes apportent une réponse à un double problème : celui de la mise en contact des utilisateurs dans un marché global et celui de la confiance via la fourniture d’une interface technologique sécurisée permettant l’interaction.
Chapitre 15 : Economie numérique : les défis sociétaux.
Que nous le voulions ou non le numérique va bouleverser nos sociétés, il faut donc anticiper les défis sociétaux imposés par le numérique. Le chapitre traite de deux défis en particulier : celui de la confiance et celui de l’emploi.
Le numérique impose d’avoir confiance dans les recommandations des plateformes, un des enjeux est la fiabilité de ces recommandations qui guident les consommateurs et citoyens dans leur actes et décisions. Se pose également le défi de l’utilisation de nos données personnelles par les acteurs des marchés numériques. Pour que l’économie numérique puisse se développer de façon vertueuse, il est nécessaire que les utilisateurs de services aient confiance dans la façon dont sont stockées et traitées leur données personnelles. Se pose alors la question intéressante de la propriété des données. Des données personnelles appartiennent elles à l’individu ou à l’entreprises qui permet de les récolter ou de les utiliser sous différentes formes ?
La transformation numérique est également un défi pour l’emploi, quels métiers vont disparaître ? Sous quelles formes travailleront nous à l’avenir, de façon salariée ou indépendante ? L’auteur apporte quelques éléments de réflexion afin de percevoir les bouleversements de l’emploi sur le fond et sur la forme. Cette réflexion s’articule autour des nouvelles formes d’emploi et sur le rôle de la fiscalité vis à vis de l’emploi.
Afin de tenter de remporter un des trois exemplaires mis en jeu, répondez à la question suivante en commentaire avant le 9 février : en quelle année Jean Tirole a-t-il reçu le Prix Nobel d’économie ? Un indice ici