"C'est quoi ton WHY?", une question qui est revenue de façon récurrente lors de The Bridge - le séminaire flottant sur l'entreprise du monde de demain - comme une nécessité pour le dirigeant (et finalement chacun d’entre nous) de définir le sens de sa vie et le pourquoi de sa startup, entreprise ou organisation. Et vous, quel est votre WHY ? Voici quelques pistes à explorer pour le découvrir.

« L’entreprise du monde de demain », tel était l’objet du séminaire The Bridge organisé entre Saint-Nazaire et New York à bord du Queen Mary 2 cet été. Vaste sujet abordé autour de quatre thèmes : environnement, géopolitique, technologie, et rapport à soi et à l’autre, avec plus d’une centaine d’experts et près de 200 entreprises participantes.

La question du sens de cette « entreprise du monde de demain » revient sans cesse. Analyse de cette loi de Godwin de l’entrepreneuriat que l’on pourrait appeler la « loi Sinek », du nom de Simon Sinek, gourou de la motivation et du leadership. La loi Sinek pourrait être énoncée de la façon suivante : plus une discussion sur l’entreprise dure dans le temps, plus la probabilité d’évoquer la vidéo Ted de Simon Sinek baptisée « WHY » se rapproche de 1. Moment où le « Point Sinek » est donc atteint.

Le séminaire flottant à bord du Queen Mary 2 fût l’occasion d’écouter, d’interviewer et d’échanger avec plusieurs experts, dirigeants et entrepreneurs sur leur rapport au leadership, à leur « WHY » - leur mission - et à la façon de l’incarner au quotidien.

« C’est quoi toi, ton WHY ? »

C’était donc la question qui revenait de façon récurrente lors de The Bridge, comme une nécessité pour le dirigeant (et finalement chacun d’entre nous) de définir le sens de sa vie et le pourquoi de sa startup, entreprise ou organisation.

Appelé également mission, vocation, singularité ou raison d’être, le WHY doit être formalisé. Il permet de donner au dirigeant et à son organisation du sens, de la cohérence et de la puissance transformatrice. Ce qui importe pour l’entreprise de demain, c’est évidemment ce qu’elle fait (WHAT) et la façon dont elle le fait (HOW) mais c’est surtout pourquoi elle le fait, et quel rôle elle entend jouer dans son écosystème, voir dans la société et au service du bien commun.

Aujourd’hui l’entreprise ne doit plus et n’est plus jugée sur ses produits ou services mais sur la finalité de ses actions. Comment produit-elle ? Quel est son impact sur l’environnement ? Comment traite-t-elle ses collaborateurs et clients ? Et par dessus tout, quel rôle de transformation (bon ou mauvais) joue-t-elle sur son écosystème, la société et le monde ? Autrement dit, ce qu’attendent les collaborateurs et les clients d’une entreprise, en tant que citoyens, c’est de pouvoir connaître le rôle et l’impact social d’une organisation. La réponse à cette question oriente les choix de consommation et de travail de chacun et ce phénomène tant à croître rapidement.

Avoir et permettre l’intelligence du travail dans mon organisation

Comme l’explique très bien Pierre-Yves GOMEZ dans son livre Intelligence du travail, nous sommes les deux faces d’une même pièce : consommateur et travailleur. Le propos de l’auteur est de dire que nos choix et habitudes de vie tendent à renforcer une société basée sur la consommation ou une société basée sur le travail et plus précisément sur la capacité des travailleurs à avoir l’intelligence de leur travail. Cette demande de sens n’est donc pas le caprice d’une génération, c’est un choix qui engage tous les acteurs d’une société. Ce choix, c’est celui du vivre ensemble que nous voulons créer.

Pour les organisations, le choix se formule de la façon suivante : la finalité de mon organisation est-elle la croissance économique et le fait de donner à mes collaborateurs des avantages et un salaire ? Pour qu’ils puissent ensuite consommer sans nécessairement avoir l’intelligence de leur travail, lequel sert à produire des biens agréables pour alimenter la société de consommation. En termes simplistes : est-ce que je sers uniquement pour m’enrichir ?

La seconde possibilité est de s’enrichir pour servir, le profit devient donc le moteur d’une finalité plus grande : la croissance des Hommes (collaborateurs, partenaires, clients) qui décident de contribuer à la réalisation de la mission de votre organisation (votre WHY). Si vous penchez pour cette seconde option, la définition de la mission permet, ensuite, de donner le cadre de sa réalisation, le « HOW » en formalisant des principes d’actions pour votre management et vos collaborateurs. Ces principes de décisions et d’actions doivent permettre de s’assurer que les conditions de réalisation de votre « WHAT » (produits ou services) sont bonnes et respectueuses de votre écosystème. L’objectif de cette réflexion est d’aligner le WHY, le HOW et le WHAT pour créer du sens, de la cohérence, de la confiance et de la puissance pour vous, votre organisation et votre écosystème.

Nous sommes donc les deux faces d’une même pièce : consommateur et travailleur. Vous êtes donc dirigeant, entrepreneur, salarié, bénévole, etc… ET consommateur. Et donc vous devez, en tant, que consommateur, effectuer et orienter vos choix de consommation également en fonction de l’alignement WHY-HOW-WHAT des entreprises auprès desquelles vous consommez. Nous devons avoir conscience que nous bâtissons notre société et le vivre ensemble que nous voulons en tant que travailleur ET en tant que consommateur (dont le premier choix peut être de ne pas consommer). Beaucoup d’entre nous, lors du séminaire, étions prêts à modifier nos comportements de travailleurs mais peu étaient enclins à modifier leurs habitudes de consommateurs. Il est urgent de prendre conscience que les deux sont liés avec une importance et un impact comparables. Et urgent d’agir en conséquence.

Diagnostic de votre organisation

Après cette première réflexion, à vous de juger du niveau de maturité de votre entreprise (ou de n’importe quelle organisation) sur ces sujets. Ces six niveaux ont été formalisés par Patrick Mathieu, intervenant à bord de The Bridge. Votre organisation est :

  • Inaudible : si vous avez très peu de conscience de votre motivation. Certains dirigeants sont bien comme ça, il n’y a pas fondamentalement de problème mais ils ne sont pas pourvoyeurs de sens pour leur écosystème et l’impact sociétal de leur organisation est quasiment nul.
  • Questionnable : si vous pratiquez uniquement votre talent sans le relier à votre environnement - l’entreprise est centrée sur elle-même. Cette position est dangereuse aujourd’hui car difficilement défendable.
  • Acceptable : ce niveau introduit la notion de contrainte volontaire, notion de renoncement à certaines choses pour se concentrer sur l’essentiel. Exemple : Fleury Michon met du vrai poisson dans le surimi et crée une campagne de communication : « venez vérifier ». Le prix de cette transparence est la contrainte, la contrainte de changer et la contrainte du coût. Néanmoins, cette décision de Fleury Michon s’est traduite par une augmentation de 30% des ventes en volume et la grande distribution a accueilli le produit malgré la hausse de prix.
  • Honorable : quand tout ce que vous faites est aligné dans un tout cohérent (Alignement WHY-HOW-WHAT évoqué plus haut). Concrètement et si nous reprenons l’exemple de Fleury Michon, l’idée est que la « Démarche surimi » serait appliquée pour tous les produits de l’entreprise.
  •  Indispensable : la société pense que vous avez intérêt à exister. Elon Musk tente d’arriver à ce niveau par exemple
  • Inoubliable : intérêt général intemporel et universel.

Les deux obligations du dirigeant

La mission d’une entreprise est intimement lié au WHY, à la mission du dirigeant ou de l’équipe de direction. Celui-ci a donc un double rôle à jouer, une double obligation pour son propre bien-être, celui de son organisation et celui des ses collaborateurs. Ces deux obligations sont les suivantes :

  • Travailler à la découverte de son propre WHY et formaliser celui de son organisation.
  • Transmettre ce WHY à ses collaborateurs et mettre en place les conditions pour sa réalisation dans son organisation (le HOW).

Après avoir analysé des centaines de parcours de dirigeants, Patrick Mathieu et son équipe ont formalisé six typologies de motivations chez les entrepreneurs. Votre mission ou WHY se trouve dans l’une d’entre elles :

  • Changer les choses : modifier les règles du jeu en place. Exemple de dirigeants : Michel-Edouard Leclerc ou Antoine Riboud. La motivation se base sur la conviction profonde qu’il y a une autre possibilité.
  • Dépassement / certitude : Ces dirigeants s’attaquent à tout ce qui semble impossible (voiture avec batteries électriques , fusées récupérables pour Elon Musk par exemple). Ils croient que les limites matérielles actuelles sont faites pour être dépassées. Ces dirigeants nous donnent de nouvelles certitudes. Ils sont capables de mobiliser beaucoup de personnes autours d’eux.
  • Rendre possible / faire grandir : « Tout le monde pense qu’on ne peux pas » : ce n’est pas vrai, je vais le rendre possible. Saisir les opportunités dès qu’il va se passer quelque chose. C’est possible et plus vite que ce que l’on pense. Côté pygmalion des dirigeants : ils voient chez l’autre des potentialités. Ils peuvent et veulent quelque chose tout de suite et maintenant. Aller vers quelques choses qui fait grandir les gens. Exemple : Bruno Maisonnier fondateur d’Aldebaran.
  • Contribuer : Contribuer à améliorer les choses. De façon visionnaire, sur le long terme et de façon moins incrémentale que les exemples précédents. Les intentions de ces dirigeants sont systémiques. Exemple : Apple.
  • Amour ou connexion : personnes qui pensent que la société doit être protégée. L’objectif est que l’on puisse vivre en paix, dans l’amour, positivement. Cette motivation nécessite une capacité d’anticipation élevée et d’avoir accès à tous les savoirs pour être capable de proposer des choses. Ces dirigeants ne veulent pas se mettre en scène et visent à préserver la cohésion sociale, la sécurité, la paix, les relations, le respect mutuel. Réalisation discrète mais avec une solidité considérable. Construction des consensus là ou ça ne paraissait pas possible.
  • Construire quelque chose de significatif : Même si on est un être humain, on peut faire des grande choses. Construire quelque chose qui peut se partager et qui soit très significatif. Par exemple Bernard Arnault avec LVMH qui est obsédé par la pérennité, par le significatif qui dure. Autre exemple : Emmanuel Faber (Danone) qui invite les personne à se prendre en main et à faire des choses significatives.

En se consacrant à définir et répondre à votre motivation, à vote mission, vous construisez votre leadership. Plus vous êtes conscient de cela, plus vous mettez cette mission au coeur de ce que vous faîtes et plus vous êtes efficace. Ensuite, l’idée est de faire passer votre organisation à l’échelon supérieur des six niveaux que nous avons évoqués plus haut.

Bienvenue sur le chemin du leadership…

L’entrepreneur-leader se façonne et s’incarne grâce à deux grands piliers : la connaissance de soi et la capacité à agir en leader au service de sa mission. Ce sont ces deux étapes qui permettront la réalisation de la mission d’une organisation tout en permettant à ses collaborateurs de développer leur propre leadership. Le leadership est le moteur de la croissance des Hommes : il permet de grandir en faisant grandir les autres.

Ce chemin du leadership est accessible à tous, pas uniquement aux dirigeants ou entrepreneurs. Chaque homme, chaque femme peut choisir de travailler à la découverte de sa mission et choisir de modifier ses habitudes pour incarner ce leadership au quotidien et travailler à la réalisation de sa mission ou celle de son organisation. Chacun peut entreprendre (au sens premier du terme : prendre la résolution de faire quelque chose, une action, un ouvrage, et commencer à le mettre à exécution) au service du bien commun. Le terme d’entrepreneur-leader marque le fait que ce qui est entrepris vise la réalisation d’une mission, positive par définition, et que les moyens de réalisation de cette mission sont également pris en compte et s’incarnent dans l’exercice du leadership.

La prochaine fois que vous rencontrez quelqu’un, demandez lui quel est sont WHY plutôt que de lui demander son WHAT : « ce qu’il fait dans la vie ». Et si vous vous sentez l’âme d’un entrepreneur-leader, demandez lui comment vous pourriez contribuer à la réalisation de son WHY.

Si vous pensez que le leadership n’est pas fait pour vous, prenez simplement le temps de regarder cette vidéo :

L’objectif de cet article était d’évoquer le WHY et la mission. Si vous souhaitez en savoir plus sur la façon de les découvrir et les modalités de leur réalisation, découvrez le site, et notamment le blog, consacré au leadership, d'Hugues de Saint Vincent.