Encore cette semaine, un dirigeant d’entreprise nous expliquait que l’innovation n’aurait pas lieu au sein de son entreprise. Elle serait portée par des startups qu’il n’aurait plus qu’à racheter au moment voulu. Une stratégie qui s’apparente au corporate venturing. Alors, vraie ou fausse bonne idée ? Est-ce vraiment la solution pour sauver nos entreprises ?

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Le mythe de l’innovation des startups

Les startups ont le vent en poupe, en France comme ailleurs – et c’est une bonne nouvelle. Certes, elles sont sexy et elles créent les postes de demain. Mais peut-on vraiment leur faire porter la responsabilité de l’innovation pour le monde entier ?

Pour répondre à cette question, posons-nous déjà la question de ce qu’on appelle « innovation » et « startup ».

Ainsi, il est souvent vrai qu’à la naissance d’une startup, lorsque celle-ci porte une nouvelle offre sur le marché, elle innove, créant parfois une rupture profonde pour tous les acteurs de ce marché. Pour autant, une fois son marché et son offre stabilisés, est-elle encore capable d’innover radicalement ? La réponse est plutôt non : quoi de neuf ces cinq dernières années chez AirBnB ? Une grande rupture en vue chez BlaBlaCar ? Des évolutions à la marge, des optimisations du modèle : dignes d’une grande entreprise établie. Rien de très nouveau non plus, du côté de King depuis son jeu Candy Crush. 

Comme le définit Steve Blank, la startup est cette organisation temporaire en recherche de son business model (“répétable et scalable”, pour être fidèle à l’auteur). Cette définition a le mérite de nous rappeler qu’AirBnB n’est donc plus une startup en 2016 – et ce depuis longtemps, malgré une forte croissance et de nombreux abus de langage.

Alors, pourquoi associe-t-on startup et innovation ? Tout simplement car innover est a priori plus simple pour une startup : pas de structure préexistante, pas de processus cristallisé… tout est encore possible, tandis qu’un acteur établi peut avoir du mal à se réinventer (C’est ce que le chercheur Clayton Christensen, professeur à Harvard, décrit dans son célèbre livre “The Innovator’s Dilemma”).

Racheter des startups serait donc une solution miracle ?

On pourrait se dire “Allons-y, rachetons ces jeunes pousses dès qu’elles font leur preuve, plutôt que d’innover en interne !” Et on aurait raison de le faire :

  • Tout d’abord, car c’est confortable de ne pas avoir de bouleversements majeurs à subir : pas de grand changement de culture à mener, pas de transformation de l’organisation – “juste un petit billet” à sortir.
  • Ensuite car le risque est relativement limité : si on arrive à le faire au bon moment, on investit dans un modèle fraîchement validé, dont on connaît le prix exact à payer (en comparaison avec un grand projet de recherche au budget toujours incertain).

Jet.com (site d’e-commerce) a été rachetée par Walmart 3,3 milliards de dollars en août 2016, 1 an après son lancement. Bonne ou mauvaise stratégie ? Certes la situation peut sembler idéale, mais le tableau n’est pas si simple car :

  1. L’intégration d’une nouvelle pousse au sein d’une entreprise établie – avec des modèles totalement différents et des logiques d’opérations différentes, qui parfois en plus cannibalisent le modèle historique, n’est pas si aisée.
  2. L’investissement miracle, sans risque et à faible coût n’existe pas. On a toujours soit l’un, soit l’autre : plus tôt avec un pari fort sur l’avenir mais à budget raisonnable, ou plus tard quand le potentiel est démontré, mais au prix fort.

Les vraies questions à se poser

Il faut porter son attention sur deux questions de management de l’innovation qui sont fondamentales et trop rarement traitées.

D’une part, pour acheter des startups au bon prix, il faut être là au bon moment; avant que ce soit une évidence pour tout le monde. Il faut pour cela être capable d’identifier très en amont des acteurs émergents à potentiel, dont les activités peuvent être éloignées de notre métier et qui ne jouent parfois pas encore sur notre marché… Pas évident. Pour cela, il existe à ce jour deux approches valides :

  • A l’américaine : en finançant de jeunes pousses dont l’activité est plus ou moins en lien avec notre activité, via des incubateurs (éventuellement corporate) ou diverses initiatives, et en attendant que quelque chose en sorte
  • A l’économie : en explorant méthodiquement les potentiels de rupture sur notre métier et en organisant une veille d’un type nouveau – très en amont, à faibles coûts, mais pour économiser gros.

D’autre part, il faut être capable d’identifier les activités qui se prêtent au rachat. Car même si cette démarche est séduisante, il existe des cas où cela est vain. On peut notamment citer les deux suivants :

  • Ceux où l’articulation avec les activités actuelles de l’entreprise va être impossible
  • Ou encore lorsque le sujet ne peut pas être traité sans capital massif et que les chances de succès d’une petite structure sont tellement ténues qu’elles n’émergeront jamais.

Le rachat : un outil parmi d’autres…

Racheter des startups (ou plutôt des ex-startups) est donc un outil intéressant à mettre dans la boîte à outils du Directeur Innovation. Mais comme tout outil, celui-ci ne s’utilise pas n’importe comment : il est efficace s’il est employé correctement et dans les cas adaptés.

Tout l’enjeu est donc de sélectionner la bonne démarche à entreprendre, propre à chaque nouveau projet d’innovation : Développement interne ? Spin-off ? Partenariat ? Joint venture ? Corporate venturing ? Incubateur Interne ? etc. Des outils existent pour piloter ces prises de décision et dépasser l’intuition seule. L’une d’entre elle est la méthode C-K.