Le monde de la Tech est en pleine mutation : de Zenly qui se fait racheter un peu plus de 200 millions d'euros par Snapchat à Chauffeur-Privé qui tombe dans le giron du constructeur automobile Daimler pour 200 millions d'euros en passant par BIME absorbée par l’acteur américain Zendesk, les pépites européennes de la Tech attisent les convoitises.

Et de fait, le M&A (Merging & Acquisition, "Fusion-Acquisition" en français) est un des piliers fondamentaux de la chaîne de financement de l’économie numérique, le produit de cession réalisé par les entrepreneurs étant la plupart du temps réinvesti dans l’écosystème. C’est une des raisons de l’excellente santé de l’écosystème américain, qui a pu bénéficier de plusieurs générations d’entrepreneurs à succès de la Tech qui réinvestissent leurs gains dans l'entrepreneuriat. Et il semblerait que, depuis quelques années, ce cercle vertueux s'initie peu à peu en France, même si les montants réinvestis sont plus modestes.

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Quelle est la dynamique réelle de ces opérations de M&A en Europe ? Qu’en est-il des modèles de valorisation de ces jeunes entreprises innovantes ? Et qui sont les acquéreurs potentiels ? Autant de questions auxquelles a tenté de répondre Avolta Partners en passant au crible 2429 opérations de M&A en Europe entre 2015 et 2017.

91% des sorties en Europe dans la Tech sont des M&A

Il en ressort que la faible appétence des marchés boursiers pour la Tech en France, et plus généralement en Europe, n’incite pas les entrepreneurs à envisager des IPO, qui ne sont par ailleurs que très rarement éligibles à des opérations de LBO. Selon les auteurs, la seule sortie possible, à de très rares exceptions, tant pour les entrepreneurs que pour les VCs, reste le M&A. Aujourd’hui, 91% des sorties en Europe dans la Tech sont des opérations de cession contre 5% d’IPO et 4% de LBO.

Contrairement aux idées reçues, les startups européennes et notamment françaises ne se vendent pas principalement aux Chinois ou aux Américains. Bien au contraire, on assiste à un véritable sursaut de la part des grandes entreprises françaises et européennes. Alors même que le marché des cessions est en forte augmentation, la part des acheteurs européens a augmenté de 70 à 74% entre 2015 et 2017, au détriment des investisseurs américains (22%) et asiatiques (4%).

L'implication des corporates européens
face à la concurrence américaine et asiatique
reste essentielle pour préserver l’économie européenne
d’un fort risque d’évasion de nos pépites et de nos talents 
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Avolta

Corporate Dev, Tech Integration ou Acquisition 

Selon les auteurs de l'étude, la réussite d’une opération de M&A tiendrait à son intégration dans la stratégie de l’acheteur. Pour cela, ils identifient trois motifs de rachat, selon les besoins tactiques ou stratégique de l’acheteur. Ainsi le Corporate Dev servirait plutôt dans l'optique de consolider les parts de marché et les marges de l’acheteur, alors que la Tech Integration permet généralement à l’acquéreur d’enrichir ses produits avec de nouvelles features ou d’améliorer sa propre techno. Enfin la Tech Acquisition, en faisant de la techno une nouvelle ligne de services ou de produits, permettrait d’accélérer la transformation digitale de l’acquéreur.

Entre 2015 et 2017,
les rachats de type Corporate Dev et Tech Acquisition se sont multipliés
pour représenter respectivement 55% et 28%
des montants investis en 2017 
"

L'étude d'Avolta Partners souligne que les stratégies d’investissement diffèrent selon l’âge et la maturité des acheteurs. Les auteurs de l'étude ont ainsi distingué trois types de grands groupes : les Lions, créés entre 1987 et 2017, les Éléphants (entre 1947 et 1987) et les Baleines (créées avant 1947). Selon cette typologie, les Baleines feraient preuve de peu d’agilité et prendraient des risques limités. Elles cherchent avant tout à consolider leurs marges et leurs parts de marché en rachetant des entreprises tech matures et rentables.

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Les Éléphants s’appuient quant à eux sur des stratégies de Tech Integration et/ou de Tech Acquisition afin de rattraper leur retard face aux Lions et aux startups. Enfin, les Lions sont les plus agressifs avec des stratégies de Corporate Dev dans le but de créer ou de consolider une situation de leader voire de monopole. Ainsi 72% des sorties dans la tech européenne sont le fait d’entreprises créées il y a moins de 30 ans.