Nombreuses sont les startups à vanter des aliments sains, respectueux de l’environnement mais qui n’ont pas grand-chose à voir avec les produits que nous consommons aujourd’hui au quotidien. Comment pensent-elles conquérir les consommateurs ? Et peuvent-elles espérer détrôner certains aliments phares dans nos assiettes ?

Est-on au seuil d’une révolution dans nos assiettes ? Après avoir profité de la mondialisation qui a standardisé les habitudes alimentaires, les consommateurs se tournent désormais vers des produits sains, présentés comme bons pour leur santé. Plusieurs jeunes pousses, accompagnées par le Club Agroalia, porté par la CCI Paris Île-de-France et co-financé par le Fonds social européen, espèrent réinventer à vitesse grand V nos habitudes alimentaires... pour notre plus grand bien.

Si les consommateurs de plus de 40 ans se contentaient des produits classiques de l’industrie agroalimentaire, les nouvelles générations de français rattachent l’alimentation à la santé, souligne Meryem Bourbaa, fondatrice de MyHealthyFood, qui commercialise des produits bio, frais et sans allergène. Le changement climatique et la prise de conscience écologique des Français les encouragent également à préférer des produits locaux, dont l’empreinte carbone est réduite au minimum. Des critères que les consommateurs vérifient avec attention en exigeant aussi une transparence accrue sur la provenance des produits qui atterrissent dans leur assiette. “L’acte de se nourrir n’est pas anodin dans le sens où il est éthique et responsable”, analyse Meryem Bourbaa.

Or les acteurs traditionnels de l’alimentation et les produits qu’ils développent ne répondent pas systématiquement aujourd’hui à ce nouveau cahier des charges. “Dans la grande distribution, les produits sont calibrés et ceux qui ne correspondent pas à ce calibrage - comme les fruits et légumes moches - sont tout simplement jetés”, précise Jamel Djeghidel, fondateur de la startup Au Royaume des Dattes. Et les consommateurs cherchent donc des alternatives qui répondent à leurs (nombreuses) exigences.

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Diviser le marché pour mieux régner

Plusieurs startups se sont lancées sur le créneau d’une nourriture plus saine et plus respectueuse de l’environnement, devançant les géants de l’agroalimentaire qui se convertissent petit à petit au bio, à la healthy food ou plus récemment aux produits vegan. Algama conçoit ainsi des produits alimentaires à base de micro-algues, capables de “s’intégrer à la matrice alimentaire usuelle” des Français.

Mais si “l’adhésion des consommateurs est très forte”, ces nouveaux produits séduisent pour l’instant surtout des segments bien spécifiques de la population. The Good Spoon, une sauce type mayonnaise mais sans œuf développée par Algama, est ainsi destinée au grand public et vise d’abord “les flexitariens, ces consommateurs qui cherchent à réduire la part des protéines animales dans leur alimentation”, plus faciles à convaincre, explique Mathieu Goncalves, cofondateur de la startup FoodTech. Ce sont eux encore qu’Algama ciblera en 2018 avec sa nouvelle boisson Springwave, enrichie en spiruline et devant être commercialisée dans des magasins spécialisés.

MyHealthyFood espère elle aussi conquérir ces fameux flexitariens… mais surtout un panel plus large de consommateurs. “On pourrait penser de prime abord que seules les personnes allergiques et intolérantes consommeront nos produits, reconnaît Meryem Bourbaa. Mais comme ils sont également 100% bio, frais et locaux, sans additif, conservateur ou colorant, ils s’adressent en fait à tous les consommateurs souhaitant manger sainement, local et responsable tout en se faisant plaisir."

De son côté, Au Royaume des Dattes multiplie les dérivés de son produit phare, la datte, pour répondre au mieux aux attentes de différents types de consommateurs. “La compote de dattes s’adresse aux enfants, que l’aspect visuel des dattes peut rebuter, analyse Jamel Djeghidel, président. Les barres de céréales sont, elles, conçues pour les sportifs tandis que nous travaillons à un format gourde qui correspondrait plutôt aux personnes âgées." Une stratégie marketing étudiée, alors même que “la datte répond aux besoins nutritionnels de tous”.

Des écueils à surmonter

Dattes, algues et produits sans allergène envahiront-ils alors nos réfrigérateurs demain ? Il faudra peut-être attendre encore un peu. D’abord parce que changer les habitudes alimentaires bien ancrées dans la culture française, cela prend du temps. Si les consommateurs sont avides de nouveautés, ils rechignent à rompre avec leurs habitudes : si la sauce développée par Algama rencontre un franc succès, c’est notamment “parce qu’elle est proche de ce que connaît le consommateur”, c’est-à-dire une mayonnaise classique, admet Mathieu Goncalves.

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D’autre part, ces nouveaux produits ne peuvent se lancer sur le marché sans obtenir au préalable une batterie d’autorisations officielles. Et la réglementation en matière alimentaire est particulièrement contraignante. “Tout aliment n'ayant pas été consommé de manière significative en Europe avant mai 1997 est considéré comme un nouvel aliment”, rappelle sur son site l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui est amenée à procéder à l’évaluation d’un produit avant sa mise sur le marché si celui-ci n’est pas déjà consommé usuellement en-dehors des frontières de l’UE. Toute innovation alimentaire doit obtenir le feu vert de Bruxelles pour espérer être commercialisée…

Même le marketing présente encore quelques casse-têtes que les législateurs européens devront résoudre au fur et à mesure que ces nouveaux produits seront intégrés dans le quotidien des consommateurs. Algama n’a par exemple pas eu le droit d’utiliser l’appellation “mayonnaise” pour sa sauce qui en a pourtant le goût et l’apparence. Et pour cause : une “vraie” mayonnaise doit contenir des oeufs pour avoir le droit d’en porter le nom !

Un potentiel à exploiter

Pourtant, les entrepreneurs du secteur agroalimentaire ne se laissent pas rebuter par ces déboires. La modification des habitudes alimentaires des consommateurs mais aussi l’urgence environnementale de repenser notre alimentation leur laissent entrevoir un marché prometteur. Jamel Djeghidel estime ainsi que l’adoption à grande échelle des produits dérivés des dattes “n’est qu’une question de moyens”, la production actuelle suffisant largement à couvrir une demande amenée à se développer. “L’Algérie produit déjà un million de tonnes de dattes par an et seules 100 000 tonnes sont exportées”, souligne l’entrepreneur, qui rappelle qu’en outre, la production ne bénéficie “d’aucune stratégie de gestion des déchets, ce qui aboutit à un énorme gâchis”.

Ces nouveaux produits pourraient donc rapidement entrer dans nos habitudes alimentaires quotidiennes… voire purement et simplement remplacer à terme certaines denrées aujourd’hui à la base de notre alimentation. “C’est beaucoup moins compliqué de faire pousser des algues que d’élever des poules”, s’amuse ainsi Mathieu Goncalves, laissant penser que les plantes pourraient remplacer les œufs dans nos assiettes... bien avant que les poules aient des dents !

Maddyness, partenaire média d’AgroAlia. Pour en savoir plus sur AgroAlia, rendez-vous ici