Décryptage par David Dumont
écrit le 23 mars 2018, MÀJ le 20 juin 2023
23 mars 2018
Temps de lecture : 4 minutes
4 min
6907

De l’importance de réinventer le métier d’avocat

Le nombre d’avocats en France est passé de 40 000 à plus de 60 000 en 10 ans. Si le métier d’avocat demeure convoité, il n’en reste pas moins enfermé dans des règles et des usages datés l’empêchant de prendre le recul nécessaire à sa propre évolution. David Dumont, fondateur associé d’Augustin mon avocat, fait le point.
Temps de lecture : 4 minutes
Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.

Son image reste figée dans la représentation d’une personne en robe noire qui cultive une forme d’élitisme. Poutant, l’avocat est aujourd’hui une personne normale qui délivre surtout du conseil juridique et s’inscrit dans la société dans laquelle il vit.

Pour assurer la perennité de sa profession, il doit moderniser son image et la manière dont il l’exerce, à l’instar d’autres métiers – même reglementés – qui se développent et évoluent grâce au digital, au rythme des besoins et des habitudes des particuliers, comme des professionnels.

Face à un problème juridique, la majorité des gens pense à consulter un avocat, mais souvent en dernier recours. La démarche de la consultation reste dissuasive, du fait de la crainte inhérente aux honoraires, au choix de l’avocat et au temps qu’il est nécessaire d’y consacrer : chercher l’avocat, se renseigner sur lui, attendre sa réponse, passer du temps en rendez-vous, etc. 

Pour simplifier leurs recherches, les particuliers comme les professionnels ont pris le réflexe " Google ", croyant pouvoir trouver tout seul la connaissance dont ils ont besoin pour avancer.

Mais la limite de ce réflexe est double. Si le droit n’est plus que du droit, et qu’il est accessible en ligne, les réponses apportées ne sont pas classifiées par ordre d’importance ou de véracité. On ne peut donc jamais être certain que la réponse trouvée est la bonne.

Dès lors, 50% des besoins en droit ne sont pas couverts. Face à ce constat, les avocats doivent réagir.

Le Conseil National des Barreaux (CNB) a ouvert, il y a deux ans, une plateforme de consultation en ligne permettant à toute personne d’interroger les avocats français. Par l’intermédiaire de cette plateforme, ce sont près de 2000 consultations par mois qui sont réalisées. Cette initiative montre le besoin et l’importance du conseil d’un avocat et la compréhension du secteur face aux enjeux du métier d’avocat.

En se servant des mêmes outils numériques (plateformes, applications, etc.) dont se servent les " legal start-up " - qui ne sont d’ailleurs pas composées d’avocats et ne font que répliquer des modèles d’actes simples - les avocats peuvent apporter ce qu’ils savent faire de mieux, délivrer du conseil juridique rapide, transparent, adapté aux situations et donner ainsi un nouveau souffle à la profession.

L’enjeu de notre métier pour les années à venir est de faire tomber les barrières qui semblent se dresser face au besoin de consulter un avocat. Et c’est d’autant plus important pour les professionnels : les dirigeants et parties prenantes des entreprises ont besoin de réponses rapides pour avancer car si l’entreprise ne résoud pas ses problèmes, elle meurt.

Il est alors indispensable pour les cabinets d’avocats de revoir en profondeur la manière dont ils proposent leur service à leurs clients. Pour continuer à exercer leur métier, ils ne doivent plus être passifs face au manque de modernité de la profession, mais être acteurs de leur propre changement, " subir ou agir ".

Plus qu’un enjeu d’image ou de modernisation, c’est un enjeu de réinvention profonde qui touche désormais la profession. Aujourd’hui, l’avocat doit se concentrer sur la rentabilité de son cabinet, en plus des dossiers qu’il a à traiter. Un cabinet d’avocats ne peut accueilir un fond tiers dans son capital, ni être revendu avec les mêmes ratios qu’un commerce de proximité ou une start-up. Il n’y a donc pas de création de valeur de la structure même du cabinet. Ce cadre réglementé, qui vise à protéger la profession, la cloisonne également dans sa valeur et son évolution, d’où l’émergence d’acteurs du droit comme les legal start-up, qui, ne sont pas contraints par ces réglementations, qui peuvent lever des fonds et continuer à grignoter des parts de marché sans apporter de réelle prestation intellectuelle.

C’est donc à nous de dépoussiérer, d’apporter quelque chose de contemporain à l’exercice de notre métier.

Pour le réinventer, il faut plus de souplesse et d’adaptabilité. Il est primordial de pouvoir proposer plus de fluidité et de transparence aux usagers : d’investir son temps sur le web car c’est ce que tout le monde fait désormais. Les particuliers et les professionnels y ont pris l’habitude de tout avoir : services, conseils, produits, à portée de clic. Pourquoi le conseil d’un avocat ne pourrait-il pas se faire ainsi ?

Il faut s’émanciper de l’idée que l’expertise d’un cabinet d’avocat physique est nécessairement plus crédible qu’une expertise apportée via une plateforme en ligne si ces conseils sont apportés par des avocats, qui prennent le temps d’étudier un dossier et d’apporter le conseil adapté à une situation. Il ne faut pas avoir peur de s’adapter aux nouveaux besoins, aux nouveaux usages, et à son temps ; pour pérenniser notre profession et adapter la rencontre de l’offre à la demande contemporaine de nos clients.