Dans de nombreuses entreprises, les évaluations annuelles sont un processus lourd, désagréable et dénué de sens. On y retrouve une trame rebutante, un manager ignorant de la progression de ses équipes, et peu enclin à se rendre disponible pour y consacrer les heures nécessaires. Devant ce constat d’échec, certaines sociétés sont désormais prêtes à y renoncer totalement.

Pourtant la culture du feedback est reconnue comme un vecteur majeur de l’engagement individuel, et donc de la réussite des entreprises. Chez Fly The Nest, et avec nos clients, nous avons essayé des dizaines de process d’évaluations, comme point de départ d’un retour quotidien sur son travail. Nous souhaitions vous en partager ici les apprentissages.

À relire : Positif ou négatif, comment donner un bon feedback ?

Mais d’abord, quelques pré-requis :

  1. Les évaluations et le feedback ne doivent avoir qu’un seul but : faire progresser les individus et l’organisation. Rien n’est plus stupide que de corréler augmentation salariale et évaluation annuelle.
  2. Évaluer quelqu’un, ce n’est pas le juger. En France, nous avons du mal à faire un feedback négatif à quelqu’un, et c’est pourtant fondamental. Il vous faut donc un environnement d’honnêteté et de respect mutuel.
  3. Pour arriver à cela, tout le monde doit être sur un pied d’égalité. Si vous refusez les feedbacks de vos subordonnés, ne vous attendez pas ce qu’ils écoutent les vôtres. Alors organisez des évaluations à 360 degrés : impliquez tous ceux qui bossent avec l’évalué.

Nous avons créé un cadre pour libérer la parole

Dès le démarrage de Fly The Nest, alors que nous n’étions que deux, nous mettions un point d’honneur à ne minimiser aucun feedback. Cependant, nous apprîmes dans la douleur qu’il y a des moments pour évaluer le travail de son cofondateur, et d’autres qui ne sont pas opportuns.

Les premières fois, le cadre était oppressant, le temps trop court. Peut-être que les mots sortaient mal. On voulait y aller doucement, mais on enfonçait le couteau dans une plaie béante et invisible. Dès que la susceptibilité ou l’ego montraient le bout de leur nez, nous nous retrouvions en plein champ de bataille. Finalement, nous nous retirions, blessés et meurtris, l’intérêt de ce genre de feedback évanoui dans le sang et les larmes…

Pour éviter cela, la première chose que nous avons fait, c’est de nous mettre d’accord sur le déroulé de l’entretien d’évaluation. Quelles sont les sujets à évoquer, les questions à se poser ? Va-t-on parler de nos réussites et échecs des 6 derniers mois ? Évoquerons-nous les comportements qui nous ravissent ou nous désespèrent ? La trame d’un entretien permet de bien se préparer, en évitant les sorties de route et les débats inutiles.

Ensuite, nous avons accordé de l’importance au contexte de l’entretien d’évaluation. On s’est attaché à trouver un lieu sécurisant, et à réserver le temps nécessaire à cette opération (2 heures étant un minimum). Nous voulions avoir l’esprit libre, pour consacrer notre énergie à dire le négatif proprement et recevoir des critiques sans être blessé.

Le résultat d’un bon entretien d’évaluation est simple : un avis sur les compétences à développer, les performances à atteindre, et les comportements à améliorer. Une fois les entretiens effectués avec chacun des membres de l’équipe, nous synthétisons et affichons les résultats. Ainsi, tout le monde peut voir nos faiblesses, et nous aider à progresser.

Nos valeurs nous ont aidés

Pour donner un bon feedback en termes de compétences ou de performance, il suffit d’être transparent, factuel, et juste :

  • Quel est le niveau attendu ? Celui-ci devrait être connu de tous, pour chaque métier et chaque poste.
  • Quel est le niveau atteint par l’évalué ? On se reposera sur des exemples et des événements plutôt que des avis ou des sentiments.
  • Que vaut ce niveau, en comparaison des autres ? Pas de chouchou ou de tête de turc ! Tout le monde est logé à la même enseigne.

Ce que nous avons constaté, c’est qu’évaluer le comportement de ses collaborateurs peut s’avérer plus difficile. Le but n’est ni d’être complaisant, ni d’être absolutiste. Il s’agit de pointer finement là où les agissements d’autrui sont négatifs pour l’entreprise. Pas de sortir la sulfateuse en critiquant chaque fait et geste.

Et nous vous le disons en connaissance de cause… Au début, nous listions des dizaines de reproches. Tout ce qui nous passait par la tête, en vérité. Fatalement, nous sortions de là déprimés, avec l’impression que nous ne serions jamais à la hauteur des attentes de l’autre.

C’est alors que nous avons commencé à utiliser nos valeurs. Celles-ci fondent notre identité, notre culture. Elles décrivent qui nous sommes et comment nous agissons. Quoi de mieux pour orienter nos réflexions et nos remarques ? Les valeurs sont un excellent outil pour éviter de transformer l’entretien d’évaluation en confrontation ou condamnation.

Désormais, nous identifions chez l’évalué pourquoi nous aimons travailler avec lui, et quels sont les chantiers dans lesquels il pourrait progresser. Et nous exprimons ces chantiers à travers le prisme de nos valeurs. Quelles sont celles que notre interlocuteur incarne véritablement, et quelles sont celles qu’il pourrait améliorer ?

Cette démarche et cette posture donnent à chacun d’entre nous l’occasion de fondamentalement se mettre au service de ses collègues. En faisant l’effort de réfléchir à comment aider les autres à progresser, nous devenons de meilleurs managers, de meilleurs leaders, de meilleures personnes… En l’exprimant à travers nos valeurs, nous enrichissons notre compréhension collective de notre culture.

De l'exception à la règle

Les semestres ont défilé, et avec eux les entretiens mutuels. Recrutement après recrutement, ils furent toujours plus nombreux. Alors, nous nous sommes peu à peu habitués à nous servir de nos valeurs, pour donner du feedback. Cette agilité intellectuelle acquise, nous avons réalisé qu’il devenait plus facile de dire les choses au fur et à mesure.

Au-delà des points d’évaluation tous les 6 mois, nous avons ressenti des besoins de feedbacks à différents moments. La conclusion d’un client, la fin d’une animation difficile, le départ d’une employée… Un formalisme léger, inspiré de notre trame, suffit à nous satisfaire.

Bien entendu, toutes les règles précédentes s’appliquent à ces mini-entretiens d’évaluation, déclenchées si nécessaire. Un cadre clair, consenti par les deux parties. Point de jugement ; uniquement des faits, et des ressentis basés sur notre compréhension des valeurs de l’entreprise. Et toujours, une posture de miroir bienveillant, au service de ses collègues.

Alors, me direz-vous, qu’est devenu l’entretien d’évaluation chez nous ? Faut-il le faire disparaitre ? Nous ne le croyons pas. Comme chez 1001 pharmacies, que nous avons accompagné, l’évaluation est un moment de bilan, où "l’évaluateur" prend une posture de coach, et aide son interlocuteur à dépasser les limites que chacun a pu identifier et lui signaler durant le semestre. Il a toute sa place en startup, où chacun doit progresser comme le business, c’est-à-dire, à toute vitesse !

La culture du feedback est primordiale. Elle est au cœur de l’expérience de vos collaborateurs. Comme nous, prenez-la au sérieux et vous verrez rapidement les résultats.

Article initialement publié en novembre 2017