"Nous voulons faire d'une petite pousse un grand chêne." La citation pourrait être celle d'un ambitieux patron de startup ou d'un coach renommé. Elle est pourtant l'oeuvre de Yann Marteil, directeur général de Via ID, la filiale du groupe Mobivia (ex-Norauto) dédiée aux nouvelles mobilités. La structure est un objet entrepreneurial non identifié, une sorte d'hybridation entre un accélérateur, un fonds d'investissement et un corporate. Et pas question de prendre le raccourci du fonds corporate pour définition : "la plupart des fonds corporate cherchent à investir dans des startups pour soutenir leur activité principale et ciblent donc des startups qui entrent uniquement dans ce spectre".

Au contraire, Via ID a été créé pour transformer l'activité de Mobivia. Le groupe a en effet pris la mesure des changements à l'oeuvre dans la société : les plateforme de mobilité partagée ont connu un essor sans pareil depuis le début de la décennie, les urbains rechignent à acheter une voiture voire même à passer leur permis de conduire. Dans le même temps, les transports publics arrivent à saturation, victimes collatérales du désamour des citadins pour les véhicules mais aussi de la volonté des villes de promouvoir des mobilités compatibles avec un développement durable.

Des signaux faibles que Mobivia a su détecter et qui lui ont permis de créer un acteur majeur de l'écosystème startup dédié à toutes les mobilités, avec une vingtaine de startups en portefeuille. En 2010, date de création de Via ID, "la mobilité était un secteur embryonnaire", se rappelle Yann Marteil. "Aujourd'hui, c'est un secteur majeur." Entre-temps, le covoiturage s'est banalisé, Uber et Heetch ont bousculé le marché des taxis et même le transport de marchandises s'est transformé avec l'apparition de sociétés dédiées.

Penser la mobilité au-delà de la voiture

Sans se mettre d'oeillères liées à l'activité de sa maison-mère, Via ID recherche donc des startups qui témoignent de toutes ces petites et grandes révolutions à l'oeuvre. Le credo de la structure ? "Les mobilités du quotidien, intelligentes et durables", liste son président, soulignant que les trois conditions sont cumulatives. Si Via ID a investi dans plusieurs activités B2C (Heetch, Drivy, Cyclofix...), il se tourne désormais davantage vers le B2B (Trusk, Ector, Green On...), qui offre des leviers de croissance plus pérenne. Et a concentré ces derniers mois ses investissements sur la Mobility as a Service (MaaS), avec des prises de participation dans les plateformes Ubigo ou Migo, mais aussi les mobilités urbaines douces, afin de proposer "des alternatives collaboratives et décarbonées" de transport. En revanche, la structure se refuse à des investissements hardware, aussi dispendieux que risqués.

Alors que l'on évoque avec toujours plus d'insistance les véhicules autonomes ou les taxis volants, "la réserve de croissance du secteur reste encore importante", prophétise Yann Marteil. "La mobilité maritime et fluviale a très peu été explorée, tout comme le transport aérien, souligne l'expert. Se posera aussi rapidement la problématique des infrastructures : nos villes ont été conçues alors que la voiture émergeait. Il faudra les repenser pour intégrer ces nouvelles formes de mobilité." Autant de créneaux dans lesquels les startups devraient s'empresser de s'infiltrer.

Accompagner le développement des startups

Pour donner toutes leurs chances à ces startups de se faire une place au soleil, Via ID mise, lors d'un premier investissement, des tickets de 300 000 à 3 millions d'euros, de l'amorçage à la série A. Les deux programmes d'incubation du groupe (l'incubateur Via ID mais aussi le programme Moove Lab hébergé à Station F) constituent ainsi une première étape de veille essentielle pour repérer des pépites. Le groupe réinvestit ensuite lors des tours de table successifs de ses protégés pour ne pas être trop dilué. Ce qui n'empêche pas la structure de travailler étroitement avec divers partenaires financiers, VC ou corporates.

"Via ID investit de l'argent mais met aussi à disposition des startups un panel d'experts et de services", précise Yann Marteil. Une équipe est d'ailleurs dédiée à l'accompagnement des jeunes pousses sur leurs problématiques RH, marketing ou encore technologique. Le groupe met également à contribution ses (nombreux) partenaires, avec lesquels il travaille au sein du Mobility Club qu'il a fondé. D'Airbus à Total en passant par TomTom, les startups ont ainsi indirectement accès à des partenaires commerciaux ou financiers de premier plan.

Un acteur international

Avec Bridgestone ou Shell parmi ses partenaires, Via ID illustre également ses ambitions internationales. Deux tiers de son portefeuille sont aujourd'hui constitués de startups françaises. "La France a une longue histoire et une puissante expertise dans l'univers de la mobilité, avec des acteurs industriels comme Transdev, Keolis ou RATP, mais aussi des innovations majeures en la matière - à l'instar du TGV - et de nombreuses startups", rappelle Yann Marteil.

Pour autant, hors de question pour Via ID de cantonner son activité aux frontières de l'Hexagone. La mobilité est un sujet international qu'il convient donc de traiter à la bonne échelle. La structure a ainsi ouvert des bureaux à San Francisco, Singapour et Berlin pour diversifier son deal-flow. Et regarde avec insistance vers l'Afrique, qui présente d'importants défis en matière de mobilité.