"C'est devenu une banalité de dire que la tech va être l'un des grands vainqueurs" de cette crise du coronavirus, estime Vincent Lévita, le patron d'InfraVia, qui vient de rassembler 270 millions d'euros auprès
d'institutionnels pour investir des tickets de 10 à 50 millions d'euros dans des startups déjà confirmées, cherchant à accélérer leur croissance.  Bien sûr, les startups et autres pépites technologiques payent comme les
autres entreprises le prix de la chute de l'activité économique.

François Véron, gestionnaire du fonds d'investissement Newfund, s'est livré à une enquête systématique sur les conséquences de la crise auprès de plus de 80 startups de son portefeuille. En avril, 58% des sociétés du portefeuille Newfund conservaient des ventes restant supérieures à 50% de leur activité normale, se rassure-t-il. Globalement, les startups du portefeuille Newfund "sont touchées, s'attendent à voir trois mois de croissance annulée par rapport à ce qu'elles attendaient, mais ne s'attendent pas à une perte massive dans leur fond de commerce", résume le gestionnaire, qui s'avoue "tendu", mais pas "angoissé" sur l'évolution à venir du portefeuille dont il est responsable.

Même dans les secteurs d'activité dévastés par la crise, les startups technologiques résistent, à l'image d'Arenametrix, une société du portefeuille Newfund qui commercialise un outil de gestion de la relation clients dans le spectacle ou le sport - sinistrés en temps de confinement. "Tous ses clients", musées, clubs de foot, etc. "ont fermé leurs portes pendant le confinement", mais "ils veulent continuer à garder le contact avec leurs fans" grâce aux outils numériques, explique-t-il. Diagnostic similaire chez Matthieu Lattes, qui représente à Paris le fonds de capital-risque américain White Star Capital. "Même dans les secteurs économiques qui souffrent le plus, nos entreprises ont des modèles résilients", affirme-t-il.

Négociations "plus difficiles"

White Star Capital détient par exemple dans son portefeuille une société qui vend des logiciels d'automatisation du support client pour le secteur du tourisme. Celle-ci peut s'appuyer sur ses ventes par abonnement "d'un, deux ou trois ans", explique-t-il. De plus, elle a réussi à "se retourner" en utilisant ses logiciels pour monter un service de réponses aux questions sur le Covid-19. Et les startups et autres pépites continuent à préparer des levées de
fonds, même si les difficultés à organiser des rendez-vous physiques entre les patrons de startups et les fonds compliquent le processus.

"On a un deal flow assez actif", affirme M. Levita. InfraVia Growth Fund, son nouveau fonds de 270 millions d'euros, devrait pouvoir annoncer son premier investissement dès l'été si le déconfinement se passe au mieux, à la rentrée si les rendez-vous professionnels en chair et en os restent compliqués encore quelque temps. Bien sûr "les négociations sont plus difficiles" pour les startups aujourd'hui, selon lui. "Une bonne startup il y a trois mois claquait des doigts" pour demander des investisseurs "et avait 12 propositions, avec tout le monde grimpant au
cocotier", ironise-t-il.

"Evidemment il y a un ralentissement temporaire" des opérations de financement de startups, note Matthieu Lattes. Mais celui-ci ne craint pas que la crise amène à un désintérêt du capital risque de la part des investisseurs. Dans la période actuelle, "on est en train de se rendre compte que pour des investisseurs institutionnels qui peuvent allouer entre la Bourse, l'immobilier et le capital-risque, l'investissement dans la technologie est assez résilient", affirme-t-il.  "On va plus assister à un décalage de six mois des opérations" qu'à une vraie baisse du capital risque, prévoit-il.