À l’heure de la paralysie mondiale, certains prennent leur courage à deux mains en travaillant en première ligne, d’autres s’organisent pour travailler le plus efficacement possible de chez eux. Cette pause forcée - subie pour certains, appréciée par d’autres - est également un temps pour réfléchir au futur de notre vie professionnelle, et donc par essence de notre vie personnelle. 

Dans le monde d’après, le freelance aura une place notoire. Cet·te entrepreneur·e combatif·ve et résilient·e sera aimé·e et chéri·e de toutes les organisations. Les entreprises voudront de plus en plus collaborer avec des freelances, les salariés deviendront d’ailleurs pour certains aussi freelances pour bosser sur des side projects en plus de leur job, et le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour protéger ce million de travailleurs indépendants. Utopie, vous dites ? 

Des entreprises plus ouvertes d’esprit 

Les entreprises, qu’il s’agisse de TPE, de PME, de grand groupe ou de startup sont dans le même bateau depuis le mardi 17 mars 2020. Du jour au lendemain, ce sont des dizaines, des centaines, voir des milliers de salariés qu’il a fallu renvoyer chez eux pour une durée indéterminée, en mettant en place en un temps record des outils collaboratifs pour leur permettre de continuer à travailler tant bien que mal. 

Si certaines entreprises étaient déjà à l’aise ou sujettes aux questions du télétravail, pour d’autres, cela a été un coup de massue, et les cellules de crise se sont multipliées pour gérer ce chamboulement organisationnel sans précédent. Il est important de rappeler que le télétravail confiné et forcé n’est pas du tout le même que le télétravail assumé et choisi (qui était plutôt partiel et marginal). 

Dans le monde d’après, ces entreprises ne seront définitivement plus les mêmes. Une page se tourne : finie la pression de la présence physique quotidienne avec les salariés. Les entreprises vont entrer dans une nouvelle ère car elles ne sont plus dans l’inconnue : elles n’ont plus peur, elles “maîtrisent” le concept du télétravail, elles ont des outils pour gérer leurs équipes et manager à distance, même si rien n’est parfait et que tout reste à construire. 

Ce que les entreprises ont acquis, durant ce télétravail forcé, c’est encore plus d’ouverture d’esprit. Elle est excellente pour les futures collaborations avec les freelances, qui étaient jusqu’alors parfois perçus comme des aliens incontrôlables car pas à portée de main, pas en présentiel dans les locaux. La crise sanitaire que nous vivons et la récession attendue ne fera qu’augmenter le besoin de flexibilité et d’agilité des entreprises. Dès lors, dans le nouveau monde, entreprises et freelances collaboreront de plus en plus ensemble. 

Des salariés en quête de liberté 

Voilà déjà plusieurs semaines que des millions de salariés français (plus de 11 millions selon le Ministère du Travail) sont en “télétravail”, ou plutôt, confinés chez eux, avec pour nombre d’entre eux des enfants à gérer en essayant de respecter un planning imposé et des réunions à la chaîne.  Cette situation exceptionnelle, précaire pour certains, plus confortable pour d’autres, est aussi un temps précieux, loin de son entreprise, de son manager et de ses collègues que l’on voit au quotidien. 

Le temps est au questionnement, à la réflexion : quelle est l’utilité sociale de mon métier ? Quelles sont mes motivations ? Quelles sont mes valeurs et sont-elles raccord avec celles de mon entreprise ?  Le confinement est donc aussi pour certains salariés un moment pour prendre du temps pour soi, pour se former, pour construire une offre, pour se réinventer. C’est en quelque sorte le temps des choix. 

Notons que le gouvernement renforce en cette période les dispositifs de formation professionnelle des salariés placés en activité partielle - chômage partiel, pour soutenir les démarches en faveur du développement des compétences. 

Goûter au télétravail, c’est goûter à la liberté (même enfermé). Ainsi, un certain nombre de salariés profiteront de cette période pour devenir slasher, en développant un projet entrepreneurial à côté de leur job salarié, voir même en remettant en question leur statut de salarié et en quittant leur job pour se lancer dans le grand bain du freelancing. 

Des freelances soutenus : des porte-paroles et des outils 

Bienvenue dans le monde d’après, le monde du freelancing. Avec aujourd’hui plus d’un million de freelances à son actif, la France a un temps d’avance sur cette croissance exponentielle, mais un sacré train de retard sur les mesures de protection de ces travailleurs. Protection sociale, chômage, retraite, logement et crédit bancaire, parentalité : tout y passe. La difficulté d’accès quant aux informations relatives à ces sujets et les multiples organismes sont un euphémisme. Ce qu’il faut retenir : la protection des travailleurs indépendants n’est pas à la hauteur de leurs ambitions. Pire encore, ce manque de protection les met en danger, surtout durant la période de crise sanitaire et économique que nous vivons à l’heure actuelle. 

Ainsi, plusieurs groupes sur Facebook dédiés à la solidarité entre freelances ont vu le jour : les freelances s’organisent entre eux depuis des mois, voir des années, en s’écoutant lorsqu’ils rencontrent des problématiques et en se donnant des conseils via des groupes de paroles ouverts et en ligne (Freelances à Bordeaux, Freelances à Nantes...). Des collectifs de freelances avec des modèles différents commencent aussi à émerger : en se rassemblant et en la jouant collectif, les freelances sont plus puissants. 

Plus récemment, des syndicats ont également vu le jour comme Indépendant.co ou Union des indépendants, , au même titre que Freelancer Union aux Etats-Unis il y a une quinzaine d’années. Ces syndicats ont pour objectif de fédérer les freelances pour peser dans le débat public et ainsi défendre leurs droits. Dès lors, les freelances s’écoutent donc les uns les autres, les freelances sont entendus et ont même des porte-paroles pour défendre leurs droits. Mieux encore, ils ont des outils de plus en plus performants à leur disposition. 

Bienvenue sur le marché du freelancing, en plein développement. Le nombre de plateformes de mise en relation entre les entreprises et les freelances pullule, des offres de mutuelle pour protéger les travailleurs indépendants au même titre que les salariés, des logiciels de comptabilité et de gestion pour faciliter la vie de ces derniers et même désormais des voyages entre freelances ! Croyez-le ou non, ce n’est qu’un début...

Il va sans dire qu’avec de bons outils, du soutien, et une protection digne de ce nom qui serait mise en oeuvre par le gouvernement, les freelances ont de beaux jours devant eux.

Pauline Trequesser est la fondatrice du collectif de freeelances bordelais Cosme