Ces derniers mois ont marqué un véritable tournant pour le secteur de l’investissement, tout particulièrement pour celui de l’investissement dans les startups, aujourd’hui presque totalement à l’arrêt. Il est désormais temps de comprendre, d’analyser et surtout de tenter d’anticiper l’avenir d’une activité indispensable mais menacée.

À l’instar de la crise de 2008, la situation actuelle est en train de redistribuer les cartes dans le monde du financement. D’un côté, les fonds d’investissement diminuent au maximum leurs nouvelles participations au profit de réinvestissements dans les entreprises de leur portefeuille, de l’autre, les particuliers et investisseurs privés préfèrent attendre un regain de visibilité avant de rediriger l’argent de leur Livret A vers de nouvelles opportunités. En attendant, les jeunes entreprises françaises se retrouvent privées de financement.

En 2008, la mise en place d’un avantage fiscal permettant de déduire 75% du montant investi de son ISF et le maintien de l’IR PME à 25% avait été un remède particulièrement efficace. Et à l’image de la situation britannique (​qui utilise grandement ce procédé pour développer l’innovation​), une défiscalisation à l'entrée (​c’est à dire au moment de l’investissement​) avait eu le mérite de permettre à de nombreux contribuables de passer à l’acte.

J’étais déjà en première ligne au moment de cette transition, en tant que Directeur Général de Paris Business Angels, et j’avais pu constater l’impact puissant et immédiat de cette décision sur les comportements des investisseurs français, d’un naturel plus frileux que leurs cousins anglo-saxons. De l’avis de beaucoup, et du mien, sans ces mesures fortes il n’y aurait pas en France, aujourd’hui, de “Startup Nation”.

Si ce plan de relance de 2008 avait permis un élan inédit d’innovation et d’entrepreneuriat en France, les efforts pour remédier à la crise actuelle semblent pour le moment bien insuffisants pour permettre la survie de cet écosystème. Il est grand temps d’agir, et nous avons tous et toutes notre rôle à jouer. Mais quelles sont les solutions concrètes et efficaces ?

La relance, une nécessité

Il y a quelques semaines, l’Association France Digitale a publié quinze propositions qu’elle souhaite présenter au ministre de l’économie Bruno Le Maire. L’objectif ? Soutenir et accélérer la transformation numérique du pays, en mettant notamment les startups au coeur de la solution. Parmi ces propositions, celle de mobiliser 10 milliards d’euros d’investissements privés dans les startups. Cet investissement est de plus en plus plébiscité par les particuliers, le nombre de levées de fonds avait d’ailleurs augmenté de plus de 14% entre 2018 et 2019.

Cette solution d’épargne alternative, auparavant uniquement accessible aux professionnel·le·s du secteur, est désormais à la portée de tous et toutes, et la montée en puissance des plateformes d’investissement participatif montre que les particuliers souhaitent avoir l’opportunité de participer aux projets d’avenir des entrepreneur·e·s français.

Sur notre plateforme, une des plus importantes en France sur le sujet du financement en capital des startups, les six mois précédents le confinement avaient d’ailleurs été les plus performants de notre histoire, mais ont été suivi par un ralentissement brusque et considérable, comparables à un retour en arrière de cinq ans pendant les mois de confinement.

C’est pourquoi je pense qu’il est aujourd’hui plus que nécessaire que soient enfin mises en place des mesures efficientes pour encourager l’investissement dans les startups par les français, et leur permettre de participer directement et efficacement à l’avenir économique de notre pays.

Des solutions concrètes à apporter

Le manifeste de France Digitale va directement en ce sens, en proposant notamment de réformer le dispositif Madelin en augmentant le taux de réduction à 50% sur l’IR PME. Une réduction du risque considérable pour les particuliers et donc une incitation très forte.

La deuxième proposition, qui est d’augmenter le plafond à 100 000 euros par part fiscal (contre 100 000 euros par couple aujourd’hui), et cela en dehors du plafonnement global des niches fiscales sur l’IR, pousseraient les investisseurs privés à investir plus encore.

Un sondage auprès de nos 60 000 membres a montré que 90% des répondants seraient prêts à investir plus ou beaucoup plus s’ils avaient la possibilité de défiscaliser la moitié de leurs montants investis (alors que l’épargne des Français·es représente actuellement 55 milliards d’euros​). À l’inverse, 49 % d’entre eux prévoient de moins investir, ou plus du tout, à la suite de cette crise si rien n'évolue en terme fiscal.

Cette décision de stopper ou réduire leur activité d’investissement est sans doute engendrée par une appréhension suite à la crise que nous sommes en train de traverser. Nous sommes pourtant convaincus que cette période est remplie d'opportunités pour les investisseurs, notamment sur des sociétés différentes, porteuses de sens et d’engagements, plus proches de la réalité et des attentes.

Le nouveau monde promis va devoir se reposer inévitablement sur un investissement plus responsable pour notre société et notre environnement. Chez sowefund, nous croyons en cette démarche et la défendons quotidiennement avec notamment la mise en place pour nos projets d’un label Financement participatif pour la Croissance Verte​, (en partenariat avec le Ministère de la Transition Écologique), ainsi que la création d’un label Impact Investing​ propre à notre plateforme et cela depuis plus de deux ans.

Nous soutenons donc aussi fortement toute proposition allant en ce sens et notamment celle de France Digitale permettant une réduction de son IR-PME proportionnellement supérieure en fonction de l’impact social ou environnemental de la société financée. Je pense qu’il est désormais essentiel que notre secteur se mobilise et fasse entendre l’urgence de la situation et le rôle important que les particuliers peuvent avoir sur le financement de nos sociétés françaises, en facilitant et en encourageant leurs intentions d’investissement.

Georges Viglietti, Président de Sowefund